samedi 22 janvier 2011

Exercice d'écriture : « Coupure d'électricité », par Stéphanie Maze

En photo : Muy feo pa' la foto
par PedroVn

Monsieur Piadola rêvait d'être un de ces hommes qui attire l'attention en raison d'une caractéristique physique frappante même si cela avait dû être un nez crochu, un menton en galoche, des yeux globuleux ou encore des oreilles décollées. Malheureusement, le visage de Monsieur Piadola était un pot-pourri de tous ces défauts. Autant dire que son succès auprès des femmes n'était pas de notoriété publique. Miser sur son physique, voilà qui avait tout l'air d'une mission impossible. Aussi ce quinquagénaire passait-il ses journées à se creuser la tête, à retourner le problème dans tous les sens : comment parviendrait-il enfin à séduire une femme ? « Séduire » était un bien grand mot, mais il semblait que cette étape ne pût être éludée si toutefois il souhaitait un jour se réveiller aux côtés d'une femme. Il songea que se réveiller auprès d'une femme était le cadet de ses soucis, lui désirait uniquement... Mais il se ravisa et se dit qu'il devait penser avec finesse et délicatesse, s'il voulait arriver à ses fins. Tout à coup, il se rappela qu'il y a peu un ami lui avait parlé de ce bar près de Beaubourg. Un bar concept comme on dit aujourd'hui. Un bar plongé dans une obscurité totale. Là, tout près, se trouvait la solution. En effet, il savait qu'il ne pouvait rien changer à ce visage difforme que la nature lui avait octroyé... Le maquiller, le camoufler, il avait déjà tout envisagé, tout pratiqué, aucune solution n'avait porté ses fruits... Rien ne lui avait permis d'effleurer la peau d'une femme. Il avait pourtant usé de divers stratagèmes : dans la cour de récréation, feignant de tomber, il se raccrochait aux petites filles frêles qu'il ne manquait jamais d'entraîner dans sa chute et qui le remerciaient par le biais de quelques coups de pieds mal placés ; ou plus tard au lycée, lorsque son embonpoint commençait à atteindre des sommets, dès qu'il apercevait une camarade prête à entrer dans la classe, il se précipitait en direction de la porte mais finissait toujours par trébucher avant d'arriver à destination. Monsieur Piadola aurait donc dû se résigner, mais au lieu de ça il s'entêtait, obsédé par l'idée de copuler et, de ce fait, était devenu la risée de qui le connaissait. Il sentait qu'avec l'obscurité, il tenait la solution à son problème. Car dans le noir, toute sa disgrâce disparaîtrait. Il lui faudrait donc réunir plusieurs femmes, nécessairement inconnues, car toutes femmes saines d'esprit l'ayant déjà côtoyé lui opposerait immédiatement un refus. Des femmes donc. Un endroit où les réunir, endroit où elles accepteraient de se rendre. Des femmes inconnues dans un lieu indéterminé. Les choses se compliquaient... Puis soudain, la solution lui apparut, évidente. Où se concentre des femmes seules et/ou insatisfaites ? La salle de sport ! La salle de sport ! Il n'y débusquerait sans doute pas la perle rare qu'il se plaisait à imaginer entre ses draps, mais même flasque et ridée, la marchandise ferait l'affaire. Il se sentait à deux doigts du bonheur, rouge et transpirant d'excitation. Il se rendrait donc au gymnase dès le lendemain, repérerait le compteur et ni vu ni connu couperait le courant et jetterait son dévolu sur la première venue !

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