mercredi 20 janvier 2010

Exercice de version, 61

Como otros intelectuales de renombre, Algirdas Julien Greimas —Guy para sus amigos y A. J. para las citas académicas— también detesta los quejidos monocordes de los jóvenes. Ha consagrado su vida a abordar el lenguaje como una estructura polifónica y no tolera que esa profusión de gemidos cacofónicos perturbe sus estudios. ¡Basta de ruido! Pese a su engañosa indiferencia —no quiere que se ensañen con él a la hora de los juicios sumarios—, Greimas aborrece a sus alumnos: su asonadano le parece más que una gigantesca pataleta, el berrinche de
unos adolescentes desvergonzados conducidos por unos terroristas sin escrúpulos.
A diferencia de Lévi-Strauss, quien ha preferido recluirse mientras aguarda la derrota de los jóvenes, Greimas continúa asistiendo a sus clases puntualmente; no le importa carecer de oyentes o que las manifestaciones ahoguen sus explicaciones, él se obstina en dictar sus clases de semiótica, convencido de que al hacerlo le presta un mayor servicio a la humanidad que todas
las revoluciones juntas. Con esa paciencia heredada de sus ancestros bálticos, finge no escuchar las interpelaciones o bien se resigna a hablar frente a un auditorio de fantasmas donde nadie entiende su tesis sobre la arbitrariedad del significante. Con su voz chillante, idéntica al zumbido de un mosquito, prosigue su propia batalla: demostrar que la única forma de progreso yace en el rigor de la academia y que sólo es libre quien preserva el saber de los exegetas. De haber vivido en otro siglo, sin duda hubiese sido teólogo y, en vez de experimentar con signos y funciones, se hubiese dedicado a repasar los mil nombres del Maligno.
Greimas no sólo es uno de los mejores amigos, sino acaso el compañero más querido de Roland Barthes. Ambos imparten sus seminarios en la Escuela de Altos Estudios y manifiestan la misma distancia y el mismo desapego (el mismo horror) frentea la histeria juvenil. Para su desgracia, los vientos no soplan de su favor: sus propios alumnos se han convertido en dictadores y los obligan a animar cursos revolucionarios en la Sorbona. En ese mundo al revés que es mayo del sesenta y ocho, Barthes y Greimas se alternan como rehenes de esos nuevos salvajes y, en vez de impartir sus cátedras —ahora resulta inadmisible usar este vocablo—, se limitan a escuchar las largas peroratas de sus discípulos, maratones de disparates que se prolongan durante horas sin siquiera poseer derecho de réplica. Despojados de su investidura magisterial, se conforman con responder a las preguntas que les formulan como delincuentes que dan cuenta de sus crímenes.

Jorge Volpi, El fin de la locura

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Laëtitia Sw nous propose sa traduction :

Comme d’autres intellectuels de renom, Algirdas Julien Greimas — Guy pour ses amis et A. J. pour ses rendez-vous académiques — déteste aussi les plaintes monocordes des jeunes. Il a consacré sa vie à aborder le langage comme une structure polyphonique et il ne tolère pas que cette profusion de gémissements cacophoniques vienne perturber ses études. Silence ! Malgré son indifférence trompeuse — il ne veut pas qu’on s’acharne contre lui à l’heure des jugements sommaires —, Greimas abhorre ses élèves : leur mobilisation lui semble plus qu’une gigantesque grogne, c’est la colère d’adolescents effrontés menés par des terroristes sans scrupules.
À la différence de Lévi-Strauss, qui a préféré se retirer en attendant la déroute des jeunes, Greimas continue à assister, ponctuel, à ses classes ; il lui importe peu de manquer d’oreilles attentives ou de voir les manifestations étouffer ses explications : il s’obstine à dicter ses cours de sémiotique, convaincu que, ce faisant, il rend un plus grand service à l’humanité que toutes les révolutions réunies. Avec cette patience héritée de ses ancêtres baltes, il feint de ne pas entendre les interpellations ou bien il se résigne à parler devant un auditoire de fantômes dans lequel personne ne comprend sa thèse sur l’arbitraire du signifiant. De sa voix sifflante, pareille au bourdonnement léger d’un moustique, il poursuit sa propre bataille : démontrer que l’unique forme de progrès réside dans la rigueur de l’académie et que seul est libre celui qui préserve le savoir des exégètes. S’il avait vécu dans un autre siècle, il aurait sans doute été théologien et, au lieu de manipuler les signes et les fonctions, il se serait appliqué à réciter les mille noms du Malin.
Greimas est non seulement un des meilleurs amis de Roland Barthes, mais aussi, peut-être, son collègue le plus cher. Tous les deux dispensent leurs séminaires à l’École des Hautes Études et montrent la même distance, le même détachement (et la même horreur) face à l’hystérie juvénile. Pour leur malheur, les vents ne soufflent pas en leur faveur : leurs propres élèves se sont mués en dictateurs, les obligeant à animer des cours révolutionnaires à la Sorbonne. Dans ce monde à l’envers qu’est mai soixante-huit, Barthes et Greimas se relaient à la place d’otage de ces nouveaux sauvages et, au lieu d’occuper leur chaire — il est aujourd’hui inadmissible d’utiliser ce mot —, ils se bornent à écouter les longues tirades de leurs disciples, marathons de sottises qui durent des heures, sans même avoir le droit de répondre. Dépossédés de leur investiture professorale, ils se contentent d’accueillir les questions que les jeunes leur posent, tels des délinquants qui rendent comptent de leurs crimes.

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Marie G. nous propose sa traduction :

Comme d'autres intellectuels de renom, Algirdas Julien Greimas – Guy pour ses amis et A.J.pour les rendez-vous académiques- déteste aussi les gémissements monocordes des jeunes. Il a consacré sa vie à traiter le langage comme une structure polyphonique et il ne tolère pas que cette profusion de geignements cacophoniques vienne perturber ses cours. Stop avec ce bruit! Malgré son indifférence trompeuse – il ne veut pas qu'on s'acharne sur lui au moment des jugements sommaires-, Greimas haït ses élèves:pour lui, leur agitation ressemble davantage à une gigantesque mascarade, la crise de quelques adolescents effrontés menés par des terroristes sans scrupules. Contrairement à Lévi-Strauss, qui a préféré se retrancher tout en attendant la défaite des jeunes, Greimas continue d'assister à ses cours ponctuellement; peu lui importe d'avoir un nombre restreint d'auditeurs ou que les manifestations étouffent ses explications, il s'obstine à dicter ses cours de sémiotique, convaincu du fait qu'en le faisant, il rend un plus grand service à l'humanité que toutes les révolutions réunies. Avec cette patience héritée de ses ancêtres baltiques, il feint de ne pas entendre les interpellations, ou bien il se résigne à parler face à un auditoire de fantômes où personne ne comprend sa thèse sur l'arbitraire du signifiant. D'une voix criarde, semblable au bourdonnement d'un moustique, il persévère dans sa propre bataille: démontrer que l'unique forme de progrès est enfouie dans la rigueur de l'académie et que chacun est libre de préserver le savoir des exégètes. S'il avait vécu à une autre époque, il aurait sans doute été théologue et, au lieu de faire l'expérience des signes et des fonctions, il se serait consacré à passer en revue les milliers de noms du Démon. Greimas n'était pas seulement un de ses meilleurs amis, mais peut-être le collègue le plus aimé de Roland Barthes. Ils donnent tous les deux des séminaires à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes et ils font preuve de la même distance et de la même indifférence (la même horreur) envers l'hystérie juvénile. Malheureusement pour lui, les vents ne soufflent pas en sa direction: ses propres élèves étaient devenus des tyrans et ils l'oblige à participer à des cours révolutionnaires à la Sorbonne. Dans ce monde à l'envers que représente mai soixante-huit, Barthes et Greimas se succèdent comme otages de ces nouveaux sauvages et, au lieu d'enseigner leur matière -dorénavant il est inadmissible d'utiliser ce terme-, ils se limitent à écouter les longues tirades de leurs disciples, un flot de bêtises qui dure pendant des heures et des heures sans même avoir le droit de répliquer. Dépouillés de l'investiture de leur autorité, ils se contentent de répondre aux questions semblables à celles qu'on pose à des déliquents qui rendent compte de leurs crimes.


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Morgane nous propose sa traduction :

À l’instar des autres intellectuels de renom, Algirdas Julien Greimas – Guy pour ses amis et A.J. pour les réunions académiques – déteste également les plaintes monocordes des jeunes. Il a consacré sa vie à aborder le langage comme une structure polyphonique et ne tolère pas que cette profusion de gémissements cacophoniques perturbe son travail. Il y en a assez du bruit ! Malgré son indifférence trompeuse – il ne souhaite point qu’on s’emporte contre lui à l’heure des jugements sommaires -, Greimas déteste ses étudiants: leur agroupement lui semble plus qu’un gigantesque cirque, le désenchantement de quelques adolescents effrontés dirigés par une poignée de terroristes sans scrupules. À la différence de Lévi-Strauss, qui a préféré se cloîtré plutôt que d’attendre la défaite des jeunes, Greimas continue à dispenser ponctuellement ses cours ; il lui importe peu d’avoir un auditoire réduit ou que les manifestations étouffent ses explications, il s’obstine à dispenser ses cours de sémiotique, convaincu qu’en le faisant il rendait un immense service à l’humanité plus qu’à toutes les révolutions réunies. Avec cette patience héritée de ses ancêtres baltiques, il feint ne point entendre les interpellations ou bien se résigne face à un auditoire de fantômes où personne n’écoute sa thèse sur l’arbitraire du signifiant. Avec sa voix grinçante, semblable au bourdonnement d’un moustique , il poursuit sa propre bataille : démontrer que l’unique fonction du progrès réside dans la rigueur de l’académie et que seul est libre celui qui préserve le savoir des exégètes. S’il avait vécu dans un autre siècle, il aurait sans doute été théologien et, au lieu d’expérimenter avec des signes et des fonctions, il se serait consacré à ressasser les mille noms du Malin.
Greimas n’est pas seulement l’un des meilleurs amis, mais peut-être le compagnon le plus cher de Rolland Barthes. Tous les deux dispensent leurs séminaires à l’École des Hautes Études et manifestent la même distance et la même indifférence (la même horreur) face à l’hystérie juvénile. Pour leur malheur, les vents ne soufflent pas en leur faveur : leurs propres étudiants se sont convertis en dictateurs et les obligeant à dispenser des cours révolutionnaires à la Sorbonne. Dans ce monde à l’envers qui est celui de mai soixante-huit, Barthes et Greimas se relaient comme des otages et, au lieu d’enseigner du haut de leurs chaires – il est à présent inadmissible d’utiliser ce mot -, ils se bornent à écouter les longs laïus de leurs disciples, marathon de bêtises qui se prolongent des heures durant sans même posséder le droit de parole. Dépouillés de leur investiture magistérielle, ils se contentent de répondre aux questions qu’on leur adresse tels des délinquants qui rendent compte de leurs crimes.

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