jeudi 11 février 2010

Exercice de version, 83

Ocupo un pequeño apartamento en una callecita a la vuelta de Wardour Street. Wardour es el centro de negocios y de edición de cine y televisión en Londres y mi trabajo consiste en seguir las indicaciones de un director para asegurar una sola cosa: la fluidez narra­tiva y la perfección técnica de la película.
Película. La palabra misma indica la fragilidad de esos trocitos de "piel", ayer de nitrato de plata, hoy de acetato de celulosa que me paso el día digi­talizando para lograr continuidad; eliminando, para evitar confusiones, fealdad o, lo peor, inexperien­cia en los autores del film. La palabra inglesa qui­zás es mejor por ser más técnica o abstracta que la española. Film indica membrana, frágil piel, bru­ma, velo, opacidad. Lo he buscado en el dicciona­rio a fin de evitar fantasías verbales y ceñirme a lo que film es en mi trabajo: un rollo flexible de celu­losa y emulsión. Ya no: ahora se llama Beta Digi­tal.
Sin embargo, si digo "película" en español no me alejo de la definición académica ("cinta de celu­loide preparada para ser impresionada cinematográ­ficamente") pero tampoco puedo (o quiero) separarme de una visión de la piel humana frágil, superficial, el delgado ropaje de la apariencia. La piel con la que nos presentamos ante la mirada de otros, ya que sin esa capa que nos cubre de pies a cabeza seríamos solamente una desparramada carnicería de vísceras pere­cederas, sin más armadura final que el esqueleto -la calavera. Lo que la muerte nos permite mostrarle a la eternidad. Alas, poor Yorick!
Mi trabajo ocupa la mayor parte de mi día. Ten­go pocos amigos, por no decir, francamente, ningu­no. Los británicos no son particularmente abiertos al extranjero. Y quizás -voy averiguando- no hay nación que dedique tantos y tan mayores sobrenom­bres despectivos al foreigner: dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky...

Carlos Fuentes, Inquieta compañía

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Amélie nous propose sa traduction :

J’occupe un petit appartement, dans une ruelle à l’angle de Wardour Street. Wardour est le centre d’affaires et de tournages du cinéma et de la télévision à Londres ; mon travail consiste à suivre à la lettre les indications d’un réalisateur pour garantir une chose : la fluidité narrative et la perfection technique du film.
Pellicule. Le mot lui-même exprime la fragilité de ces petits lambeaux de « peau », autrefois en nitrates d’argent et aujourd’hui en acétate de cellulose, que je passe mes journées à numériser pour leur conférer une continuité ; pour éviter toute confusion, j’efface les horreurs ou, pire, l’inexpérience chez les réalisateurs.
Le mot anglais est peut-être plus adapté car il est plus technique ou plus abstrait qu’en espagnol. Film : membrane, peau fragile, brume, voile, opacité. J’ai cherché dans le dictionnaire afin de ne pas tomber sur des fantaisies verbales et m’en tenir à ce à quoi film correspond dans mon travail : un rouleau souple de cellulose et d’émulsion. Enfin non : maintenant, ça s’appelle Betacam numérique.
Pourtant, si je dis película en espagnol, je ne m’éloigne pas de la définition académique (« bande de celluloïd préparée pour supporter une impression cinématographique »), mais je ne peux pas (ou je ne veux pas) non plus me détacher d’une vision de la peau humaine fragile, superficielle, la fine tenue de l’apparence. La peau avec laquelle nous affrontons le regard d’autrui, puisque sans cette couche qui nous enveloppe de la tête aux pieds, nous ne serions qu’une boucherie débordante de viscères périssables, sans autre ultime armature que le squelette –la tête de mort. Ce que la mort nous permet de révéler à l’éternité. Alas, poor Yorick !
Je consacre la plus grande partie de ma vie à mon travail. J’ai très peu d’amis, si ce n’est aucun, pour être tout à fait franc. Les britanniques ne sont pas particulièrement ouverts au monde extérieur. Et à mon avis, aucune autre nation –je le découvre petit à petit– n’attribue un tel nombre de surnoms péjoratifs au foreigner : dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky…

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

J’occupe un petit appartement dans une ruelle au coin de Wardour Street. Wardour est le centre des affaires et de l’édition cinématographique et télévisuelle à Londres et mon travail consiste à suivre les indications d’un directeur pour assurer une seule chose : la fluidité narrative et la perfection technique de la pellicule.
Pellicule. Le mot même indique la fragilité de ces petits bouts de « peau », hier de nitrate d’argent, aujourd’hui d’acétate de cellulose, que je passe ma journée à digitaliser pour offrir une continuité ; éliminant des morceaux, pour pallier les confusions, la laideur ou, pire, l’inexpérience chez les auteurs de film. Le mot anglais convient peut-être mieux parce qu’il est plus technique ou abstrait que le mot espagnol. Film évoque une membrane, une peau fragile, une brume, un voile, une opacité. Je l’ai cherché dans le dictionnaire pour éviter des fantaisies verbales et m’attacher à ce que le film est dans mon travail : un rouleau flexible de cellulose et d’émulsion. Ce n’est plus le cas : maintenant, il s’appelle Bêta Digital.
Cependant, si je dis « pellicule », je ne m’éloigne pas de la définition académique (« ruban de celluloïd préparé pour être imprimé cinématographiquement ») mais je ne peux pas non plus (ou ne veux pas) me départir d’une vision de la peau humaine fragile, superficielle, la mince enveloppe de l’apparence. La peau avec laquelle nous nous présentons au regard des autres, puisque sans cette couche qui nous recouvre des pieds à la tête, nous ne serions qu’une vaste boucherie de viscères périssables, sans d’autre armature au final que le squelette – le crâne. Ce que la mort nous permet de montrer à l’éternité. Hélas, pauvre Yorick !
Mon travail occupe la majeure partie de ma journée. J’ai peu d’amis, pour ne pas dire, franchement, aucun. Les Britanniques ne sont pas particulièrement ouverts sur l’étranger. Peut-être même – je me renseigne actuellement – qu’il n’y a pas de nation qui consacre aux étrangers un aussi grand nombre de surnoms péjoratifs : dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky...

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Marie G. nous propose sa traduction :

Je vis dans un petit appartement, dans une petite rue, au détour de Wardour Street. Wardour est le centre des affaires et d'éditions de cinéma et de télévision à Londres. Et mon travail consiste à suivre les indications d'un réalisateur afin d'assurer une seule chose: la fluidité narrative et la perfection technique du film.
« Película ». Le mot lui-même rend compte de la fragilité de ces petits bouts de « piel » (« peau »), autrefois en nitrate d'argent, aujourd'hui en acétate de cellulose dont je passe mon temps à numériser pour obtenir une continuité en éliminant, pour éviter des confusions, la laideur ou, bien pire, l'inexpérience des auteurs du film. Le mot anglais est sous doute mieux car il est plus technique ou abstrait que le mot espagnol. « Film » renvoie à une membrane, à une peau fragile,à une brume, à un voile, à une opacité. Je l'ai cherché dans le dictionnaire pour ne pas partir dans des délires verbaux et me restreindre à ce dont le film consiste dans mon travail: un rouleau flexible de cellulose et une émulsion. Enfin non: il s'appelle à présent Beta Digital.
Cependant, si je dis « película » en espagnol, je ne m'éloigne pas de la définition académique (« pellicule de celluloïd préparée pour être enregistrée cinématographiquement ») mais je ne peux pas non plus (ou ne veux pas) me séparer d'une vision de la peau humaine fragile, superficielle, la fine enveloppe de l'apparence; cette peau avec laquelle nous nous présentons au regard des autres, puisque sans cette couche qui nous recouvre de la tête aux pieds, nous ne serions qu'une énorme boucherie de viscères périssables, sans autre armure que notre squelette, notre tête de mort. Ce que la mort nous permet de montrer à l'éternité. Allons donc, poor Yorick!
Mon travail occupe la plus grande partie de ma journée. J'ai peu d'amis, pour ne pas dire franchement, aucun. Les Britanniques ne sont pas particulièrement ouverts aux étrangers. Et peut-être -j'enquête à ce sujet- qu'il n'existe pas d'autres nations qui consacrent autant de surnoms péjoratifs au foreigner:dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky...

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Morgane nous propose sa traduction :

J’occupe un petit appartement dans une petite rue à l’angle de la rue Wardour. Wardour est le centre des affaires et de l’édition du ciné et de la télévision à Londres et mon travail consiste à suivre les indications d’un directeur pour assurer une seule chose : la fluidité narrative et la perfection technique du film. Film. Le mot même indique la fragilité de ces petits bouts de « peau », autrefois de nitrate d’argent, aujourd’hui d’acétate de cellulose qui me prennent un jour à digitaliser pour parvenir à une continuité ; éliminant, pour éviter toutes confusions, laideur ou, le pire, manque d’expérience chez les auteurs du film. Le mot anglais est peut-être le plus appropriée pour être plus technique ou plus abstrait que l’espagnole. Le mot film indique une membrane fine, à la peau fragile, brume, voile, opacité. Je l’ai cherché dans le dictionnaire afin d’éviter des fantaisies verbales et m’en tenir à ce que le film représente dans mon travail : une pellicule flexible de cellulose et d’émulsion. C’est finit : maintenant on l’appelle Beta Digital. Cependant, si je dis « pellicule » en espagnol je ne m’éloigne pas de la définition académique (« bande de celluloïd préparée pour être développée cinématographiquement ») mais aussi je peux (ou j’aime) me séparer d’une vision de la peau humaine fragile, superficielle, le fin vêtement de l’apparence. La peau avec laquelle nous nous présentons devant le regard des autres, étant donné que sans cette cape qui nous couvre de la tête aux pieds nous serions seulement une boucherie éparpillée de viscère périssable, sans plus d’armure à la fin que le squelette – la tête de mort. Ce que la mort nous permet de montrer à l’éternité. Alas, poor Yorick ! Mon travail occupe la plus grande partie de mes journées. J’ai peu d’amis, pour ne pas dire, franchement, aucun. Les britanniques ne sont pas particulièrement ouverts à l’étranger. Et peut-être – je vais vérifier – il n’y a pas nation qui dédie autant et autant de surnoms dépréciatifs à l’étranger : dago, yid, frog, jerry, spik, hun, polack, russky…

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