vendredi 5 février 2010

Exercice de version, 77

Biscuter tiene una teoría sobre Escofier. No sólo la tiene sino que la exhibe siempre que puede a un Carvalho de vez en cuando arrepentido de haberle financiado un viaje a París y un curso acelerado sobre sopas en la Academia de Alta Cocina de mister Everglace.
-Escofier representa la Suma Teológica de la gran tradición de la cocina burguesa.
Cuantas veces Carvalho ha tratado de descomponerle la oración y preguntarle, por ejemplo, ¿qué quiere decir Suma Teológica?, Biscuter ha tenido respuesta.
-La releche final.
La parte positiva de la expedición parisiense es que Biscuter, tras demostrarle que era capaz de afrontar los consomés difíciles en su sutileza como el consomé á la brunoise o las sopas más y menos características de la cocina francesa -desde la sopa de cebolla a la manera de Les Halles hasta le potage Thurins Roumanille en la más pura línea escoferiana-, ahora se atreve con los potages «extranjeros», «extranjeros» insiste una y otra vez Biscuter como si hablara desde una postiza identidad francesa.
-¿Sabe usted que Escofier tiene en cuenta la olla podrida española? Aunque el tío no puede disimular lo que le cae mal de la cocina española: los garbanzos y el chorizo. Hoy le voy a hacer una sopa muy extranjera, jefe.
-¿Para qué irse tan lejos?
-Hay que experimentar.
Y experimenta un potage Ouka: caldo de pescado a base de esturión, espinas y aletas de pescados diversos, agua, vino blanco, perejil, celerio, hinojo, champiñones, sal... A Carvalho se le va la cabeza cuando piensa en todo lo que falta para entender el plato y que esté al servicio de una simple sopa, de una blanda sopa. A la vejez, potajes. La solidez profunda de un plato hondo lleno de tropezones agresivos pero domados por el mucho cocer. ¿Lo crudo? ¿Lo cocido? ¡Lo recocido! Pero Biscuter se le escapa. Como la realidad. O la memoria. Desde su viaje a París ha dejado de ser esencialmente dependiente, como si hubiera descubierto la geografía más allá de su universo de ex joven presidiario y ya no tan joven criado para todo de un detective escaso de fortuna y de optimismo. Acaso no desee ya la compañía de Biscuter, ni la de la realidad, ni la de la memoria, en consonancia con la cultura del olvido establecido. Julio de 1993. Hace un año todo estaba dispuesto para el inicio de los Juegos Olímpicos de Barcelona, el mayor espectáculo del mundo y las vivencias han sido engullidas por el sumidero de la crisis de casi todo y casi todos. Los dioses se han marchado al olimpo verdadero, pero ni siquiera, de creer a las autoridades económicas, han tenido la gentileza de dejarnos el pan y el vino. Y cuando recuerda las ensoñaciones de los días de los Juegos Olímpicos siente la necesidad de reforzar sus vínculos naturalistas con lo concreto. Algo habría que hacer. Algo debería hacer. Desde el epílogo de los juegos ha conservado la costumbre de ir al filósofo en vez de, como hacen otros, ir al psiquiatra. Su filósofo de cabecera sigue siendo Xavier Rupert dos Ventos y ante la pregunta sobre la ausencia de dioses, el filósofo le contesta desde la orilla de su teléfono:
-¿Qué hacer? ¿Para qué? Si desea hacer algo es que aún le queda sentido... finalidad... tal vez sólo se trate de instinto de finalidad... reflejo condicionado de finalidad. Es cierto, los dioses se han marchado, lo anunció Hölderlin, pero él creía que habían dejado el pan y el vino. Déjeme interpretarlo como metáfora de la satisfacción material. ¿De verdad no nos quedan satisfacciones materiales? ¿Me ha hecho caso? ¿Ha cambiado de olla a presión? ¿Ha probado el queso de cabra de Corçá? ¿Sigue adicto a los vinos de la Ribera del Duero? ¿Por qué no se pasa al agua mineral con gas? O tal vez no se trate de hacer, sino sólo de decir.

Manuel Vázquez Montalbán, Sabotaje olímpico

***

Amélie nous propose sa traduction :

Biscuter a une théorie au sujet d’Escofier. Non seulement il en a une, mais dès que l’occasion se présente, il en fait part à Carvalho, qui regrette parfois de lui avoir payé un voyage à Paris et un cours accéléré sur les soupes dans l’Académie de Haute Cuisine de mister Everglace.
— Escofier représente la Théologie Suprême de la grande tradition culinaire bourgeoise.
Chaque fois que Carvalho a tenté de le décontenancer en lui demandant, par exemple, que signifie « Théologie Suprême » ?, Biscuter lui a donné la même réponse :
— La cerise sur le gâteau.
Le point positif de cette expédition parisienne est que Biscuter, après lui avoir montré qu’il était capable d’affronter les consommés à la subtilité complexe tels que le consommé à la brunoise ou les soupes plus ou moins caractéristiques de la cuisine française –de la soupe à l’oignon à la façon des Halles, jusqu’au potage Thurins Roumanille, dans la plus pure lignée escoférienne–, ose maintenant confectionner les potages « étrangers », « étrangers » insiste encore une fois Biscuter, comme s’il parlait en prenant une fausse identité française.
— Savez-vous qu’Escofier estime le pot-au-feu espagnol ? Même s’il ne peut pas cacher ce qui ne lui plaît pas dans la cuisine espagnole : les pois-chiches et le chorizo. Aujourd’hui, je vais vous cuisiner une soupe très étrangère, chef.
— Pourquoi partir aussi loin ?
— Il faut bien tenter des expériences.
Et il tenta un potage Ouka : bouillon de poisson à base d’esturgeon, d’arrêtes et de nageoires de poissons variés, d’eau, de vin blanc, de persil, de céleri, de fenouil, de champignons, de sel… Carvalho a la tête qui tourne en pensant à tout ce qu’il manque pour réaliser correctement ce plat, tout ça pour une simple soupe, une pauvre soupe. Ce n’est plus de son âge, le potage. La forte solidité d’un plat plein de morceaux agressifs, bien que domptés par la durée de la cuisson. Cru ? Cuit ? Recuit ? Mais Biscuter lui échappe. Comme la réalité. Ou la mémoire. Depuis son voyage à Paris, il a cessé d’être essentiellement vendeur, comme s’il avait découvert la géographie au-delà de son univers d’ex-jeune prisonnier et de moins jeune homme à tout faire d’un détective en manque de chance et d’optimisme. Peut-être ne désire-t-il plus la compagnie de Biscuter, pas plus que celle de la réalité ou de la mémoire, pour être en accord avec la culture de l’oubli établi.
Juillet 1993. Il y a un an, tout était en place pour le début des Jeux Olympiques de Barcelone, le plus grand spectacle du monde, et ses expériences ont été englouties par l’écoulement de la crise de presque tout et de presque tous. Les dieux sont repartis au vrai Olympe, mais à en croire les autorités économiques, ils n’ont même pas eu la gentillesse de nous laisser le pain et le vin. Et quand il se remémore ses rêves du temps de Jeux Olympiques, il ressent le besoin de renforcer ses liens naturalistes avec le concret. Il faudrait faire quelque chose. Il devrait faire quelque chose. Depuis l’épilogue des Jeux, il a gardé l’habitude d’aller voir un philosophe, quand d’autres vont chez le psychiatre. Son philosophe favori est toujours Xavier Rupert dos Ventos ; à la question de l’absence des dieux, l’homme lui répond derrière le combiné de son téléphone :
— Que faire ? Pour quelle raison ? Si vous voulez faire quelque chose, c’est que cela a encore un sens…une finalité…peut-être ne s’agit-il que d’un instinct de finalité…un réflexe conditionné de réalité. C’est sûr, les dieux sont partis, Hölderlin l’a annoncé ; il croyait cependant qu’ils avaient laissé le pain et le vin. Laissez-moi l’interpréter comme la métaphore de la satisfaction matérielle. En vérité, n’est-ce pas ce qu’il nous reste, des réalités matérielles ? M’avez-vous écouté ? Avez-vous changé de Cocotte-minute ? Avez-vous goûté le fromage de chèvre de Corç a ? Etes-vous toujours accro aux vins Ribera del Duero ? Pourquoi n’essayez-vous pas l’eau minérale gazeuse ? Ou peut-être ne s’agit-il pas d’actions, seulement de paroles en l’air.

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Julie V. nous propose sa traduction :

Biscuter a une théorie sur Escofier. Non seulement il l’a mais il l’exhibe chaque fois qu’il peut à un Cravalho qui se repent de temps en temps de lui avoir financé un voyage à Paris et un cours accéléré sur des soupes à l’Académie de Haute Cuisine de mister Everglace.
-Escofier représente la Somme Théologique de la grande tradition de la cuisine bourgeoise. Toutes ces fois où Carvalho a essayé de démonter sa proposition et de lui demander, par exemple, que veut dire Somme Théologique?, Biscuter a trouvé réponse.
-Le fin du fin.
Le côté positif de l’expédition parisienne c’est que Biscuter, après lui avoir démontré qu’il était capable d’affronter les consommés difficiles dans leur raffinement tel le consommé à la brunoise ou les soupes plus ou moins caractéristiques de la cuisine française – de la soupe d’oignons à la façon des Halles au potage Thurins Roumanille dans la plus pure ligne escoférienne- à présent il ose les potages « étrangers », « étrangers » insiste Biscuter à plusieurs reprises comme s’il parlait à partir d’une fausse identité française.
-Savez-vous qu’Escofier tient compte du pot-au-feu espagnol? Bien que le type ne peut pas cacher ce qu’il n’apprécie pas de la cuisine espagnole : les haricots blancs et le chorizo. Aujourd’hui je vais lui préparer une soupe très étrangère, chef.
-Pour quelle raisons aller si loin ?
-Il faut faire des expériences.
Et il innove avec un potage Ouka: bouillon de poisson à base d’esturgeon, arrêtes et nageoires de divers poissons, de l’eau, du vin blanc, du persil, du céleri, du fenouil, des champignons, du sel… Carvalho a l’esprit étourdi quand il pense à tout ce qu’il manque pour préparer le plat et qui soit au service d’une simple soupe, d’une vulgaire soupe. Dans sa vieillesse, des potages.
La solidité profonde d’une assiette creuse de morceaux agressifs mais domptés par la longue cuisson. Cru ? Cuit ? Recuit! Mais Biscuter lui échappe. Comme la réalité. Ou la mémoire. Depuis son voyage à Paris il a cessé d’être uniquement vendeur, comme s’il avait découvert la géographie au-delà de son univers d’ex jeune prisonnier et plus si jeune élevé en tout et pout tout par un détective dépourvu de fortune et d’optimisme. Peut-être qu’il ne désire plus la compagnie de Biscuter, ni celle de la réalité, ni celle de la mémoire, en consonance avec la culture de l’oubli établi. Juillet 1993. Il y a un an tout était prêt pour le début des Jeux Olympiques de Barcelone, le plus grand spectacle du monde et les expériences ont été englouties par l’orifice de la crise presque tout et presque tous.
Les dieux s’en sont allés au véritable olympe, mais, si l’on en croit les autorités économiques, ils n’ont même pas eu la courtoisie de nous laisser le pain et le vin. Et il se rappelle les rêveries des jours des Jeux Olympiques il sent le besoin de renforcer ses liens naturalistes avec le concret. Il faudrait faire quelque chose. Il devrait faire quelque chose. Depuis l’épilogue des jeux il a conservé l’habitude d’aller chez le philosophe au lieu de, comme d’autres font, aller chez le psychiatre. Son philosophe de chevet est toujours Xavier Rupert dos Ventos et face à la question de l’absence des dieux, le philosophe lui répond du bord de son téléphone :
-Que faire? Dans quel but? Si vous souhaitez faire quelque chose c’est qu’il vous reste encore de la tête…finalité…peut-être s’agit-il seulement d’un instinct de finalité… reflet conditionné de finalité. C’est vrai, les dieux sont partis, Hölderlin l’a annoncé, mais lui il croyait qu’ils avaient laissé le pain et le vin. Laissez-moi l’interpréter comme métaphore de la satisfaction matérielle. Vraiment ne nous reste-t-il pas de satisfactions matérielles ? M’avez-vous écouté ? Avez-vous changé de cocotte-minute ? Avez-vous gouté le fromage de chèvre de Corçá ? Continuez-vous d’être dépendant des vins de la Ribera del Duero? Pourquoi ne passez-vous pas de l’eau minérale à l’eau gazeuse ? Ou peut-être qu’il ne s’agit pas de faire, mais seulement de dire.

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Morgane nous propose sa traduction :

Biscuter a une théorie sur Escofier. Non seulement il l’a mais il l’exhibe à chaque fois qu’il le peut à un Carvalho épisodiquement repenti de lui avoir financé un voyage à Paris et un cours accéléré sur les soupes à l’Académie de Haute Cuisine de Monsieur Everglace.
— Escofier représente la Somme Théologique de la grande tradition de la cuisine bourgeoise.
Toutes les fois où Carvalho a tenté de décomposer l’expression et de lui demander, par exemple, la signification de Somme Théologique ? , Biscuter a eu une réponse.
— La (releche) finale.
L’élément positif de l’expédition parisienne est que Biscuter, après lui avoir démontrer qu’il était capable d’affronter les consommés difficiles dans leur subtilité comme le consommé à la brunoise ou les soupes plus ou moins caractéristiques de la cuisine française – de la soupe à l’oignon à la manière des Halles au potage Thurins Roumanille dans la plus pure lignée escoférienne -, ose à présent les potages « étrangers », « étrangers » insiste encore une fois Biscuter comme s’il parlait sous couvert d’une fausse identité française.
— Savez-vous qu’Escofier dénigre la marmite pourrie espagnole ? Bien que l’oncle ne puisse dissimuler ce qu’il digère mal dans la cuisine espagnole : les pois chiche et le chorizo. Aujourd’hui, je vais vous faire une soupe très étrangère, chef.
— Pourquoi allez si loin ?
— Il faut expérimenter.
Et il expérimente un potage Ouka : bouillon de poisson à base d’esturgeon, arrêtes et nageoire de poissons divers, eau, vin blanc, persil, céleri, fenouil, champignons, sel… Carvalho perd la tête quand il pense à tout ce qu’il manque pour comprendre le plat et qu’il soit au service d’une simple soupe, d’une soupe blanche. Ce n’est plus de mon âge, potages. La solidité profonde d’un plat insondable plein de faux pas agressifs mais dompté par la longue cuisson. Cru ? Cuit ? Recuit ? Mais cela échappe à Biscuter. Comme la réalité. Ou la mémoire. Depuis son voyage à Paris il a cessé d’être essentiellement dépendant, comme s’il avait découvert la géographie au-delà de son univers d’ex jeune prisonnier et pas si jeune domestique du tout d’un détective dépourvu de fortune et d’optimisme. Peut-être ne désirez-vous plus la compagnie de Biscuter, ni celle de la réalité, ni celle de la mémoire, en accord avec la culture de l’oubli établi. Juillet 1993. Il y a un an, tout était prêt pour le lancement des Jeux Olympiques de Barcelone, le meilleur spectacle du monde et les expériences on été englouties par le puisard de la crise de presque tout et presque tous. Les dieux sont repartis au véritable olympe, mais n’ont même pas eu la gentillesse de nous laisser le pain et le vin, aux dires des autorités économiques. Et quand il regarde les rêveries des jours des Jeux Olympiques, il ressent le besoin de renforcer ses liens naturels avec ce qui est concret. Il aurait à faire quelque chose. Il devrait faire quelque chose. Depuis l’épilogue des jeux il a conservé l’habitude de consulter le philosophe au lieu de consulter un psychiatre comme font les autres. Son philosophe traitant est toujours Xavier Rupert dos Ventos et face à la question sur l’absence des dieux, le philosophe lui répond au combiné téléphonique :
— Que faire ? Pour quoi ? Si vous voulez faire quelque chose c’est que vous avez encore du sens … finalité… peut-être s’agit-il seulement d’instinct de finalité… reflet conditionné de finalité. Il est vrai, les dieux s’en sont allés, Hölderlin l’a annoncé, mais il croyait qu’ils avaient laissés le pain et le vin. Permettez-moi de l’interpréter comme métaphore de la satisfaction matérielle. Est-il vrai qu’ils ne nous restent point de satisfactions matérielles ? M’avez-vous prêté attention ? Avez-vous changé de cocotte-minute ? Avez-vous gouté le fromage de chèvre de Corçá ? Êtes-vous toujours amateur des vins de la Ribera del Duero ? Pourquoi ne passez-vous pas à l’eau minérale gazeuse ? Ou peut-être ne s’agit-il pas de faire, mais seulement de dire.

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