lundi 8 février 2010

« Traduire », un texte passionné d'Auréba, future apprentie traductrice bordelaise

Pour mon plaisir personnel, au mois de novembre, j’ai commencé à traduire un livre d’une cinquantaine de pages qui est un véritable hommage à l’art de la narration, qu’elle soit orale ou écrite. J’ai pris mon temps. Aujourd’hui, après de nombreuses relectures et corrections, ma traduction est terminée.
Le livre que je traduis, je l’ai lu, apprécié et il me touche. Seulement, il m’habite encore plus après la traduction et toutes les questions que je me suis posées et les solutions adoptées. En traduisant ce texte, je m’en suis rapprochée, et même sans relire le livre, j’ai une relation d’intimité avec le texte et son contenu.
Quant à l’auteur, je sens qu’il m’a transmis un message, qu’il m’a offert une sorte de cadeau en même temps qu’une initiation littéraire et philosophique. Il me donne et je reçois. Et moi? Puis-je lui donner quelque chose en retour? Tout ce que je peux faire, c’est diffuser plus largement son message en réincarnant la sensualité de son texte dans une autre langue.
Mon expérience lectrice, je veux la transmettre, tout en sachant que nous n’avons pas tous la même sensibilité. Le traducteur doit être partageur, ne pas garder pour lui seul le texte, même si c’est un trésor. J’ai aussi envie d’ouvrir des horizons aux lecteurs. Faire connaître un auteur avec un style particulier et des choses à dire. C’est une relation de partage culturel entre l’auteur, le traducteur et le lecteur.
Je suis satisfaite de ma traduction et me sens prête à la faire lire une fois que le texte peut transmettre des émotions avec la plus grande force. Le lecteur doit « dormir éveillé », ne pas se réveiller ou décrocher sur des incohérences ou des fautes de style qui font ressortir la présence d’un travail de traduction. Pour atteindre ce résultat, je relis beaucoup mon texte en français en me centrant sur mes sensations. C’est ce qui me guide dans mes choix et m’aide à résoudre mes doutes. Je prends aussi du recul par rapport au texte original pour mieux m’en rapprocher ensuite.
L’aspect visuel compte pour moi. Pour mon premier jet, j’imprime un document à l’état brut, mais ensuite, j’aime imprimer mon texte au format d’un livre et le relier comme un livre pour le lire comme si c’était un livre. Je me mets dans la peau du lecteur. J’ai l’impression de lire un livre dans lequel je ne suis pas intervenue. J’ai l’impression de m’effacer derrière cette forme standard du livre. C’est une façon de prendre de la distance avec moi-même, qui m’aide à ne pas être trop injustement sévère ou laxiste envers mon travail.
Quand je me rends compte de certaines erreurs ou que je trouve des solutions différentes, je l’écris sur mon papier imprimé de façon bien visible. Il n’est pas question d’oublier et de ne plus m’y retrouver. C’est une façon pour moi de remédier au problème des coquilles. Ensuite, je corrige sur l’ordinateur. Je ne réimprime qu’après avoir passé du temps à bien corriger mon texte. Mais l’aspect vicieusement circulaire de la chose, c’est qu’à chaque nouvelle réimpression, croyant en être presque à la fin, je me rends compte de nouveaux détails à changer. Dans la mise en forme de mon texte, je me rends compte à quel point je peux être perfectionniste, bien que dans la vie quotidienne, je suis loin de l’être, mais c’est que j’y prends plaisir.
Je crois qu’il y a là un aspect fétichiste. Combien de fois ai-je pris mon livre dans les mains pour faire glisser mes doigts sur sa couverture et faire défiler les pages devant mes yeux! Je crois que c’est l’émotion qui s’exprime car il s’agit là de ma première traduction d’un livre en entier (qui est un livre que j’adore), et je suis contente car cet objet représente la matérialisation du texte que je vais pouvoir partager. Je vais pouvoir le faire lire à mes proches et à tous ceux qui le souhaiteront.
Entre mon premier et mon dernier jet, il y a énormément de différences. Ce n’est pas le même texte. Pour mes prochaines traductions, je vais tâcher d’être plus attentive dès le départ, dès la lecture. Je serai plus vigilante sur des mots qui peuvent porter à confusion, comme les verbes à l’imparfait qui peuvent renvoyer autant au «je» du narrateur qu’à la troisième personne du singulier. En bref, je pense que pour être plus efficace, je vais adopter une stratégie : lire en me posant plus de questions pour éviter de me laisser surprendre par l’erreur.
Je n’hésiterai pas à schématiser et à découper le texte (pas avec des ciseaux, mais mentalement, je précise, ou notamment en écrivant sur le livre).
En ce qui concerne mes outils de traduction, le Larousse bilingue m’aide beaucoup pour traduire certaines expressions figées.
Internet est une bonne ressource pour les références culturelles et pour résoudre certains doutes. Il m’arrive souvent de taper des séquences de mots dans la barre de recherche pour voir entre deux formes alternatives, celle qui est la plus redondante dans l’usage de l’espagnol ou du français. Cela m’a permis d’éclaircir de nombreux doutes.
Au final, je crois que pour assumer ses choix de traduction, il faut avoir l’argument qui nous convainc et se dire que l’on peut défendre ce choix, sans forcément rejeter l’alternative. Même si je dois être le plus fidèle au texte, le résultat de ma traduction a été conditionné par le filtre de ma lecture personnelle. Il est donc peut-être intéressant de comparer sa façon de voir le texte avec celle de quelqu’un d’autre.
Pour moi, lire et traduire une œuvre littéraire, c’est avoir les pieds sur terre mais sans oublier de m’envoler en me laissant entrainer par le texte. En même temps, j’ai l’impression qu’on ne peut pas aborder tous les textes de la même façon. Ce qui m’aide particulièrement dans mes travaux de traduction actuels, c’est que j’ai lu d’autres œuvres du même auteur qui complètent ma compréhension de ce texte.

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