samedi 17 juillet 2010

Description d'une cerise, par Alexis Poraszka

En photo : soit pas vache, par francois et fier de l'Être

Eh bien bravo, me direz-vous ! Voilà qui n'augure rien de bon pour la suite. Premier exercice d'écriture et je le rends en retard.
Il fallait bien s'y attendre, moi qui suis si souvent la tête dans les nuages. Me voilà donc à essayer de rattrapper mon retard en parlant d'une cerise... Les cerises me ramène quelques souvenirs. Comme cette fois où, vers 6 ou 7 ans, j'accompagnais mon grand-père cueillir les cerises dans le champs face à la ferme. Il faisait si chaud.
Je regardais grand-père au dessus de l'échelle et me contentais simplement de descendre le panier rempli de ces délicieux fruits rouges, de le vider, de le lui redonner et de porter à ma bouche et à l'insu de papi ces merveilles au goût si parfumé, dorées par le soleil et bercées par le chant des grillons. Mais le rêve était de courte durée...
- Papi, y'a les vaches qui viennent.
- T'inquète pô, les vôch tsé ben qu'ça a peur des hômes.
Il avait beau tenter de me rassurer dans son patois, rien n'y faisait, les vaches s'approchaient, et vite. Le bruit des cloches devenait de plus en plus fort et l'image des ces belles bêtes blanches et marrons devenait de plus en plus nette. J'en oubliais de manger les quelques fruits que je tenais dans la paume de la main. Un bref regard à gauche, puis à droite, la pâture était grande et moi, je me trouvais au milieu, au pied de l'échelle. J'avais trois options : je filais vite fait avant qu'elle ne m'atteigne en abandonnant la récolte et papi perché sur son échelle, je montais sur l'échelle pour trouver exil dans les branches de l'arbre, ou j'arrêtais de respirer, de bouger, de vivre, de penser pour me confondre, tel un caméléon, avec le tronc de l'arbre.
Je tranchai pour la troisième option qui me paraissait, de loin, la plus courageuse. Je suis donc resté au pied de l'échelle en cherchant à me fondre dans le paysage, avec mon short bleu et mon t-shirt jaune ! Cette fois l'ennemi était là ! Il s'approchait, reculait, se regardait, un coup de langue dans la narine, un coup de queue pour chasser les mouches et, en silence, fixait d'un air plutôt ahuri ce petit bonhomme ridicule qui ne devenait rouge à force de ne plus respirer.
La plus téméraire s'approchait de moi, humait mes cheveux fraîchement lavé au p'tit dop à l'abricot, me sentait. Ben voyons, à trop s'approcher, la voilà qui me fait de la buée sur les lunettes et papi qui pose sur ma tête le panier de cerises tout juste cueillies.
- Tin hé, ti l'prend l'panier, de Dieu !
Sans bouger le reste du corps, je levai le bras, saisi le panier et le serrai contre moi. Je fixais la vache dans les yeux, puis celle d'à côté puis les autres... Soudain, en voilà une autre qui s'approche de moi, renifle mon panier et tente d'en gober une.
Ma vieille, ça, n'y compte pas, tu crois quand même pas me la faire à moi ! Oust !!! Effrayé par la simple idée de devoir concéder à ces vaches mon précieux trésor, je me suis senti une âme de guerrier, de chevalier. Je levai les bras au ciel et me mis à courir tout en criant. Mon grand père en lâcha de surprise le panier qu'il tenait, les vaches finirent par fuir. J'étais content.
– Bah mai qu'est c'qui t'orriv, pti fou, c'est ti po un frolon qui t'o piqué hé ?
– Heu, oui, je crois, dis-je en rougissant.
Après cela, nous prîmes la récolte et sortîmes de la pâture. De l'autre côté du grillage, je me retournai pour regarder une dernière fois mon ennemi vaincu, mon papi mit son bras sur mon épaule et mami dit d'une voix joyeuse :
– Eh ben, on va faire un bon gâteau ce soir !
Le soir, je passai mon doigt dans le saladier de pâte à clafouti et le portai à ma bouche. Finalement, pour rien au monde je n'aurais voulu manquer ce doux moment gourmand, un soir d'été.

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