vendredi 16 juillet 2010

Description d'une cerise, par Stéphanie Maze

En photo : Cereza, par Fucking Kitty

Et allez, j'ai encore grossi.
Elles m'avaient pourtant prévenue.
– Fais gaffe, tous les ans, à la même période, on subit toutes la même chose.
Et moi, j'ai pas voulu y croire, je me suis dit, elles se font peut-être avoir mais pas moi! Je réussirai à passer entre les mailles du filet ! Je ferai attention, moi ! C'est ça, suffit de prendre soin de soi et on y échappe. Comment j'ai pu être si naïve ? Maintenant, me voilà flanquée de cette grosseur immonde ! Si encore le poids avait été réparti mais non, évidemment tout se concentre au même endroit, comme si on voulait que je sois déséquilibrée, que je tombe ! Et cette couleur n'en parlons pas ! Pas du tout assorti à mon teint verdoyant, l'espèce de globe cramoisi, répugnant... Dire qu'avant je pouvais compter sur la présence d'une petite fleur blanchâtre gracile, légère, qui savait me mettre en valeur. Maintenant, je tire vers le bas, je m'affaisse. C'est qu'elle pèse cette excroissance boursouflée !
Et puis, les passants n'ont d'yeux que pour elle. Mystère insoluble pour moi, quelle personne de bon sens pourrait préférer un gros truc rouge à une petite tige verte filiforme ? Je savais que ça vous surprendrait vous aussi ! Et bien, croyez-moi, ils s'arrêtent tous au pied de l'arbre et ils se mettent à l'escalader ou à sautiller comme des fous pour atteindre cette protubérance ! Des vrais sauvages ! Et vas-y que je t'attrape ! Et vas-y que je te gobe ! Je les ai vues défiler mes copines, une par une qu'elles ont disparu, toutes arrachées par des mains sans vergogne ! Je crois que le pire dans tout ça, c'est l'absence de considération pour nous. Pourtant c'est sur nous qu'elles poussent, grâce à nous qu'elles arrivent à maturité et qu'elles deviennent juteuses, grâce à nous qu'ils les savourent avec délectation. Et nous, dans tout ça soit on nous laisse dépérir sur l'arbre, soit on nous...

Aïe !

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