vendredi 4 décembre 2009

Le sujet de version donné aux agrégatifs et apprenties traductrices aujourd'hui…

Pour celles et ceux qui s'y risqueraient, c'est à faire en trois heures et sans dictionnaire…
Bon courage !

Nunca se supo cómo había llegado el marqués a semejante estado de desidia, ni porqué mantuvo un matrimonio tan mal avenido cuando tenía la vida resuelta para una viudez apacible. Habría podido ser lo que hubiera querido, por el poder desmesurado del primer marqués, su padre, Caballero de la Orden de Santiago, negrero de horca y cuchillo y maestre de campo sin corazón, a quien el rey su señor no escatimó honores y prebendas ni castigó injusticias.
Ygnacio, el heredero único, no daba señales de nada. Creció con signos ciertos de retraso mental, fue analfabeto hasta la edad de merecer, y no quería a nadie. El primer síntoma de vida que se le conoció a los veinte años fue que estaba de amores y en disposición de casarse con una de las reclusas de la Divina Pastora, cuyos cantos y gritos arrullaron su infancia. Se llamaba Dulce Olivia. Era hija única en una familia de talabarteros de reyes y había tenido que aprender el arte de hacer sillas de montar para que no se extinguiera con ella una tradición de casi dos siglos. A esa rara intromisión en un oficio de hombres se atribuyó el que hubiera perdido el juicio, y de tan mala manera, que costó trabajo enseñarla a que no se comiera sus propias miserias. Salvo por eso, habría sido un partido más que mejor para un marqués criollo de tan escasas luces.
Dulce Olivia tenía un ingenio vivo y buen carácter, y no era fácil descubrir que estaba loca. Desde la primera vez que la vio, el joven Ygnacio la distinguió en el tumulto de la terraza, y ese mismo día se entendieron por señas. Ella, cocotóloga insigne, le mandaba mensajes en palomitas de papel. Él aprendió a leer y escribir para corresponder con ella, y ese fue el principio de una pasión legítima que nadie quiso entender. Escandalizado, el primer marqués conminó al hijo a que hiciera un desmentido público.
«No sólo es cierto», le replicó Ygnacio, «sino que tengo la licencia de ella para pedir su mano».Y ante el argumento de la locura, contestó con el suyo:
«Ningún loco está loco si uno se conforma con sus razones».
El padre lo desterró en sus haciendas con un mandato de dueño y señor que él no se dignó utilizar. Fue una muerte en vida. Ygnacio tenía terror de los animales, menos de las gallinas. Sin embargo, en las haciendas observó de cerca una gallina viva, se la imaginó aumentada al tamaño de una vaca, y se dio cuenta de que era un endriago mucho más pavoroso que cualquier otro de la tierra o del agua. Sudaba frío en la oscuridad y despertaba sin aire en la madrugada por el silencio fantasmal de los potreros. El mastín de presa que velaba sin pestañear frente a su dormitorio lo inquietaba más que los otros peligros. Él lo había dicho: «Vivo espantado de estar vivo». En el destierro adquirió el talante lúgubre, la catadura sigilosa, la índole contemplativa, las maneras lánguidas, el habla despaciosa, y una vocación mística que parecía condenarlo a una celda de clausura.

Gabriel García Márquez, Del amor y otros demonios

***

Comme annoncé à certains à la fin de l'épreuve, je vous recopie la traduction « officielle », réalisée par Annie Morvan, pour le compte des éditions Grasset :

Nul ne sut jamais comment le marquis en était arrivé à un tel état de délabrement, ni pourquoi il avait maintenu une union si mal accordée, alors que tout le destinait à un veuvage paisible. Il aurait pu faire ce qu'il voulait grâce au pouvoir démesuré du premier marquis son père, chevalier de l'Ordre de Santiago, négrier barbare et sanguinaire, mestre de camp sans cœur, à qui le roi son maître n'avait ménagé ni honneurs ni prébendes, sans jamais châtier ses injustices.
Ygnacio, unique héritier, ne se montrait bon à rien. Il grandit en donnant des signes évidents de retard mental, fut analphabète jusqu'à l'âge de monter en graine, et n'aimait personne. Le premier symptôme de vie que l'in décela en lui, à vingt ans, fut son coup de foudre et sa disposition à prendre pour épouse une des recluses de la Divina Pastora dont les chants et les hurlements avaient bercé son enfance. Elle s'appelait Dulce Olivia. Fille unique d'une famille de bourreliers selliers de la maison royale, elle avait dû apprendre l'art de fabriquer des selles afin que ne se s'éteignît pas avec elle une tradition vieille de près de deux siècles. On attribua à cette curieuse ingérence dans un métier d'homme le fait qu'elle eût perdu la raison, par surcroît d'une si fâcheuse manière qu'il fallut lui enseigner à ne pas manger ses propres immondices. Ce défaut mis à part, elle eût fait un parti plus qu'honorable pour un marquis créole si peu éclairé.
Dulce Olivia avait l'esprit vif et un bon caractère, et il n'était guère facile de deviner qu'elle était folle. La première fois qu'il la vit, le jeune Ygnacio la distingua dans le tumulte sur la terrasse, et ce même jour ils s'entendirent par signes. Experte en cocottologie, elle lui envoyait des messages sur des petits morceaux de papier pliés avec art, et il apprit à lire et à écrire afin de pouvoir correspondre avec elle. Ce fut le début d'une passion légitime que personne ne voulut reconnaître. Scandalisé, le premier marquis somma son fils de la démentir en public.
« C'est la vérité; répliqua Ygnacio, et qui plus est elle m'a autorisé à demander sa main. » Et pour parer à l'argument de la folie il avança le sien :
« Aucun fou n'est fou tant que l'on se plie à ses raisons. »
Son père l'exila dans ses domaines en lui octroyant des pouvoirs seigneuriaux qu'il ne daigna pas même utiliser. Ce fut comme passer de vie à trépas. Ygnacio avait une peur panique des animaux, sauf des poules. Un jour, pourtant, à l'hacienda, il observa de près une poule vivante, l'imagina de la taille d'une vache et s'aperçut que c'était un monstre bien plus abominable que tous les endriagues de la terre et des eaux. Dans le noir, son corps se couvrait de sueurs glacées et au réveil le silence surnaturel des pâturages l'étouffait. Le cerbère qui veillait sans broncher devant sa chambre l'inquiétait plus encore que tout autre danger. « Je vis dans l'épouvante d'être vivant », avait-il déclaré un jour. Ce fut pendant son banissement qu'il acquit ce port lugubre, cette apparence secrète, cet air contemplatif, ces manières lugubres, ce parler traînant et la vocation mystique qui semblait le condamner à une cellule de cloître.

***

Odile nous propose sa traduction :

On ne sut jamais comment le marquis en était arrivé à un pareil état de laisser-aller, ni pourquoi il persista dans un mariage si peu harmonieux alors qu'il pouvait s'assurer un veuvage paisible. Il aurait pu faire ce qu'il voulait grâce au pouvoir démesuré du premier marquis, son père, chevalier de l'Ordre de Santiago, négrier ayant droit de vie et le mort, mestre de camp sans coeur, pour lequel le roi son seigneur ne lésina ni sur les honneurs, ni sur les prébendes, sans jamais châtier ses injustices.
Ygnacio, l'unique héritier, ne manifestait rien. Il grandit avec des signes certains de retard mental, resta analphabète jusqu'à l'âge de prendre épouse, et n'aimait personne. Le premier symptôme de vie que l'on décela en lui, à vingt ans, fut qu'il était amoureux et disposé à se marier avec une des recluses de la Divina Pastora dont les chants et les cris avaient bercé son enfance. Elle s'appelait Dulce Olivia. Fille unique d'une famille de selliers travaillant pour le roi, elle avait dû apprendre l'art de confectionner des selles afin que ne s'éteigne pas avec elle une tradition vieille de presque deux siècles. On attribua le fait qu'elle avait perdu la raison à cette étrange présence dans un métier d'homme, et le mal était tel qu'il fut difficile de lui apprendre à ne pas manger ses propres immondices. En dehors de cela, elle eût constitué un parti plus que convenable pour un marquis créole si peu éclairé.
Dulce Olivia avait un esprit vif et un bon caractère, et il n'était pas facile de découvrir qu'elle était folle. Dès la première fois qu'il la vit, le jeune Ygnacio la remarqua au milieu du tumulte de la terrasse, et le jour même, ils s'entendirent par signes. Elle, cocotologue remarquable, lui envoyait des messages sur des pliages de papier. Lui, apprit à lire et à écrire pour correspondre avec elle, et ce fut là le point de départ d'une passion légitime que personne ne voulut comprendre. Scandalisé, le premier marquis somma son fils de faire un démenti public.
«Non seulement c'est vrai», lui répondit Ygnacio, «mais j'ai aussi sa permission pour demander sa main». Et devant l'argument de la folie, il avança le sien :
«Aucun fou n'est fou si on s'accomode de ses raisons».
Son père l'exila sur ses terres en lui octroyant un pouvoir de maître et seigneur qu'il ne daigna pas utiliser. Ce fut une mort en vie. Ygnacio avait la terreur des animaux, sauf des poules. Pourtant, sur les domaines, il observa de près une poule vivante, l'imagina grossie à la taille d'une vache, et s'aperçut qu'elle était une créature monstrueuse bien plus épouvantable que tous les endriagues de la terre ou des eaux. Dans l'obscurité, il avait des sueurs froides et à l'aube il suffoquait à cause du silence fantomatique des enclos. Le mâtin de garde que veillait sans ciller face à sa chambre l'inquiétait plus que tous les autres dangers. Ygnacio l'avait dit : «Je suis effrayé d'être vivant». Pendant son exil, il acquit cet air lugubre, cette attitude discrète, cette nature contemplative, ces manières languides, ce parler lent, et une vocation mystique qui semblait le condamner à une cellule monacale.

3 commentaires:

Sonita a dit…

Je suis preneuse! Dès que je l'ai je vous l'envoie.
Bonne continuation, y un abrazo!

Emeline a dit…

alors...deux contresens au moins...beaucoup de faux sens...et finalement je me rends compte que j'ai rendu une simple version...

Tradabordo a dit…

Le problème étant le suivant : dès qu'il y a un peu de vocabulaire et que le texte paraît de facture un peu "classique", c'est la panique à bord et vous oubliez tous vos réflexes, votre savoir-faire… Certaines choses resteront en plan, parce qu'effectivement, un dictionnaire serait utile ou parce qu'il faudrait un peu plus de temps, mais pour l'essentiel, on peut largement se débrouiller seul… avec un peu de confiance en soi. Tout est là : la confiance en soi… Pas trop, mais un peu quand même.