jeudi 25 mars 2010

À la conquête de ma traduction longue, par Amélie

Toujours pour leur permettre de mieux comprendre les tenants et les aboutissants du texte qu'elles ont choisi de traduire, j'avais demandé aux apprenties traductrices de réfléchir à la manière dont le protagoniste de leur histoire était construit et le rôle qu'il jouait dans le récit.
Voici le produit des réflexions d'Amélie.

Le roman que je traduis étant une autobiographie, l’auteur est la narratrice ne sont qu’une seule et même personne.
Lorsqu’elle débarque à Utande pour la première fois, Juana Samper Ospina est une adolescente citadine et étrangère plutôt naïve –en apparence du moins–, pas du tout au fait de la vie à la campagne. Totalement fermée, au départ, aux découvertes et à un nouveau style de vie, cette première rencontre avec le moulin la transforme. Tant et si bien que quand elle y revient avec son mari et ses deux enfants, des années plus tard, elle est curieuse de tout apprendre –bien qu’elle méconnaisse toujours autant la nature. Tenace et optimiste, elle fait preuve d’une véritable envie d’avancer dans tout ce qu’elle entreprend : les cultures, l’achat du moulin, sa restauration, son intégration dans le village…Elle est d’ailleurs très observatrice, en témoigne la diversité et la précision des descriptions des personnes qu’elle rencontre. Le roman montre clairement que c’est quelqu’un de très cultivée, ou en tous les cas, de passionnée par sa région, tant elle y sème çà et là des références culturelles, en lien avec l’histoire
Cependant, vous allez me dire que ma narratrice n’a que des qualités. Effectivement, mais je doute qu’il en soit ainsi en vérité. Seulement, en faisant cet exercice, je me suis rendu compte qu’elle s’effaçait constamment derrière les anecdotes qu’elle livre au lecteur et derrière les multiples personnages qui en font partie. Mais alors, qui donne son unité au roman ?
Eh bien finalement, je pense que c’est le moulin. Chaque personnage, chaque épisode raconté dans ce livre est en relation directe avec le moulin. Ils partagent tous un lien avec un meunier, avec la fabrication de l’huile, ou avec quelqu’un qui a habité à cet endroit. C’est un lieu de vie, un lieu d’échange et de rencontre fondamental au sein du village d’Utande. Il a d’abord appartenu à un groupe de meuniers, puis à un couple espagnol, puis à Piero de Benedictis, célèbre chanteur argentin ; il a ensuite été « adopté » par le père de Juana, et enfin racheté par Juana elle-même. Il a traversé les époques et subi maintes transformations, jusqu’à la plus symbolique : la venue de l’électricité. Il semble agir comme un aimant : à la fois répulsif et attractif. Pour moi, le moulin n’est rien d’autre qu’une mise en abyme de ce que l’auteur nous dépeint ici : à l’état brut quand ils l’acquièrent, ils le réparent, le reconstruisent, l’enjolivent pour finir par y installer la plus simple marque de modernité, l’électricité. Il en est de même pour les villageois qui, s’ils paraissent rustres et énigmatiques pour commencer, ils s’avèrent finalement attachants au fil des rencontres et du partage, et finissent par apprendre au contact de la « modernité », tout comme ils enseignent leur mode de vie. Enfin, la transformation du moulin peut aussi s’apparenter à celle qui s’opère chez la narratrice au fil du roman.

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