jeudi 11 novembre 2010

Exercice d'écriture (imaginez la suite…), par Perrine Huet

Crac… Badaboum.
— Bon sang ! – s'exclama l'inspecteur principal Dover. J’ai déjà changé trois fois de chaise depuis le début du mois, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? La qualité du mobilier laisse vraiment à désirer de nos jours…
Il se releva à grand-peine, tout en s’appuyant au secrétaire, et se massa fermement le postérieur.
— Voulez-vous que j’en commande une nouvelle, monsieur l’inspecteur ? – interrogea son assistant Rouves d’une voix timide.
— Vous croyez vraiment que je vais rester debout à mon bureau ? Réfléchissez un peu, Rouves, faites travailler votre petite cervelle, pour une fois !
Le jeune homme ne savait plus où se mettre. Bien que les réprimandes fissent partie de son lot quotidien, ses joues s’empourpraient à chaque remontrance de son patron.
— Oui, bien entendu, monsieur. Souhaitez-vous conserver le même modèle, ou en choisir un quelque peu plus solide ?
— Comment ça, plus solide ! Insinueriez-vous que je suis gros ! – beugla Dover.
— Oh non, absolument pas, monsieur l’inspecteur ! Ce n’est pas du tout l’objet de mon propos. Je…je pensais que…
— Hé bien arrêtez de penser, Rouves, et agissez plutôt ! Vous me faites constamment perdre mon temps, je me demande parfois pourquoi je vous garde…
L’assistant savait parfaitement pourquoi il le gardait : Dover était désormais beaucoup trop âgé pour mener seul une enquête, et bien trop corpulent pour se déplacer sur le terrain. Mais Rouves jugea plus raisonnable de garder le silence et d’acquiescer à l’attaque directe de son supérieur.
— Je vous réserve donc immédiatement le même siège…
— Voyons, vous le faites exprès ! Je ne vais pas reprendre cette fichue chaise qui n’a même pas tenu une semaine !
— Mais…je croyais que…
— Je viens de vous dire d’arrêter de penser ! Il en est de même pour croire, cela va de soi mon cher… – l’interrompit-il sur un ton moqueur.
L’arrogance de l’inspecteur blessa de nouveau l’assistant, qui baissa la tête et reprit ses recherches sur son ordinateur. Comment faisait-il pour supporter tant de mépris et de sarcasmes ? Il se le demandait chaque jour. Mais il aimait trop son métier pour abandonner son poste qu’il eut tant de mal à intégrer. En effet, après plus d’un an de chômage, de solitude et de fins de mois difficiles, il avait enfin réussi à décrocher son premier emploi en tant qu’assistant, et il espérait bien devenir un jour, lui aussi, inspecteur principal.
Il se connecta à internet, se rendit sur la page du site d’Ikea, et tapa dans le moteur de recherche « fauteuils ». Il avait décidé de se venger discrètement, en choisissant une chaise de bureau proportionnelle au gabarit de Dover, soit deux fois plus grande que la précédente. Il en dénicha une en cuir noir, rembourrée et pivotante, portant le nom de « verksam ». Satisfait de sa trouvaille, il esquissa un léger sourire, qui n’échappa pas au regard inquisiteur de l’inspecteur.
— Qu’est-ce qui vous fait sourire comme ça, mon ami ?
— Euh…Je… Je viens de trouver un indice supplémentaire sur l’affaire Carneux, monsieur – balbutia-t-il.
— Eh bien, dites-moi donc de quoi il s’agit ! Je suis tout ouïe…
Rouves paniqua, ne sachant qu’inventer ; il n’avait jamais été très habile en matière d’improvisation. Il repensa alors au siège « verksam » qui l’inspira :
— L’épouse de Monsieur Carneux est brune, n’est-ce pas ? Or, la police scientifique a trouvé un cheveu blond sur le fauteuil en cuir de la victime, ce qui nous amène à penser qu’une autre femme a pénétré l’appartement de ce pauvre homme…
— Et puis-je savoir en quoi cette information est nouvelle? Je suis déjà au courant depuis trois jours. ! Vous feriez mieux de vous mettre sérieusement au travail, si vous ne voulez pas que je vous mette à la porte…
Rouves rougit une nouvelle fois, mais songea à sa mauvaise plaisanterie, ce qui lui remit du baume au cœur pour le restant de la journée.

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