samedi 27 novembre 2010

Exercice d'écriture : « Il n'a pas deux sous d'idée », par Auréba Sadouni

En photo : Fondant au chocolat
par aspros

Jean-Baptiste s’est rendu aujourd’hui rue Poquelin Molière, dans un café nommé Les Mots Bleus, dont l’intérieur est tapissé de livres rangés soigneusement dans des bibliothèques en bois. Pour accompagner son fondant au chocolat, il a commandé une « tisane des écrivains ». Armé de son stylo magique, il a fermé les yeux et attendu que les djinns se manifestent. Et il a attendu longtemps, car depuis ma chaise, alors que je buvais un délicieux chocolat chaud, j’ai pu voir que la feuille qu’il avait devant lui était restée immaculée, et j’imagine que tout ce qu’il y a maintenant sur cette feuille, ce sont d’affreux gribouillis, comme ceux qu’il a fait la semaine dernière, quand il a voulu s’improviser dessinateur, car toutes les semaines, Jean-Baptiste, il s’invente une nouvelle passion artistique. Il se sent peut-être une âme de créateur, mais en attendant, il n’a pas deux sous d’idée. C’est pourquoi tous les mots du dictionnaire ne lui serviront jamais à inventer quelque histoire que ce soit, même si à moi, il m’en inspire beaucoup. Il a essayé l’écriture automatique, ça n’a pas marché. Il a même essayé de faire un cadavre exquis tout seul. Rien. Rien de rien. Jean-Baptiste, déjà, il n’a pas les idées bien en place. À noël, il a offert à sa tante un abominable set de bureau, avec des rouleaux de papier toilette pour y mettre les stylos. Mais bon, ça, ce n’est rien comparé à toutes les idioties qu’il a pu enchainer. Un jour, il a enfilé une salopette rouge, il a fait fondre mille tablettes de chocolat blanc dans une marmite (pas la peine de vous préciser qu’il est resté sans le sous), et il a peint un des murs de sa chambre avec. « Comme ça, m’a-t-il dit, je joins l’utile à l’agréable. Ça me permet de cacher cette tache, là, et puis quand j’en aurai envie, je pourrai lécher le mur. Tu vois, j’ai inventé un nouveau genre de peinture, qui ne pue pas et n’est pas dégueulasse. Tu crois que je devrais la faire breveter ?». Comme ses absurdités me font mourir de rire, je l’ai laissé faire. Je l’ai même encouragé. Et puis il faut bien qu’il s’exprime ! Et son petit-frère, le pauvre, qui est obligé de porter une gouttière pour redresser ses dents et qui a commencé à se plaindre, Jean-Baptiste lui a suggéré d’y mettre de la confiture, pour que ça soit moins désagréable. Imaginez un peu comme ses dents doivent être belles, maintenant ! Y a pas à dire, Jean-Baptiste, il n’a pas deux sous d’idée, mais en attendant, il me fait bien marrer.

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