dimanche 28 novembre 2010

Entretien avec Émeline Laduche (promo Aline Schulman), réalisé par Auréba Sadouni

1) Parle- moi de ta traduction longue. Quel livre as-tu choisi de traduire ?
J’ai choisi un essai littéraire : Formas breves de Ricarco Piglia.

2) Pourquoi ce choix ?
Le point intéressant, c’est que c’est une réflexion sur la littérature argentine et contemporaine. Il y a aussi une partie autobiographique. L’aspect fragmentaire du texte aussi est intéressant.

3) Quelles difficultés de traduction as-tu rencontrées ?
Des problèmes dans le choix du temps. Comment délimiter la différence entre chaque partie, entre chaque forme de discours. Beaucoup de recherche du point de vue culturel, sur la littérature, et des auteurs que je ne connaissais pas forcément. Il a un style assez fluide. C’est un problème parce que je n’ai pas réussi à m’éloigner. Je suis restée trop littérale. À un moment, j’aurais dû prendre du recul, choisir d’autres mots et d’autres structures grammaticales.

4) Y as-tu pris du plaisir ?
C’était génial. J’ai adoré ça, passer six mois sur un même livre.

5) Pourquoi as-tu choisi un essai ?
Par pur hasard. J’ai choisi sur Qué leer, une revue littéraire en ligne. Ils proposaient et commentaient plusieurs livres. J’ai lu le résumé. Je suis tombée amoureuse de ce bouquin parce que ça explique énormément de choses sur la littérature argentine et européenne. C’est déjà une forme d’écriture particulière, c’est fragmenté, et c’est Piglia. C’est un monument de la littérature argentine, et traduire Piglia, c’est déjà un défi en soi.

6) Comment faisais-tu tes recherches ?
J’ai beaucoup utilisé Google Maps du fait qu’il y a énormément de lieux mentionnés. Puis j’ai dû faire des recherches sur les hôpitaux psychiatriques de Buenos Aires. Il y a une partie où Ricardo Piglia parle de littérature et de psychanalyse. Il parle aussi d’une femme qui sort d’un « hospicio »(en français, ça veut dire plusieurs choses : hôpital psychiatrique, maison de retraite…). J’ai dû rechercher tous les hôpitaux qu'il y avait. J’ai aussi dû lire les œuvres complètes de Borges, des résumés sur internet et des études sur certains livres. Il y avait quelques critiques sur le livre. Ça fait partie du travail préliminaire avant de traduire, se renseigner sur l’auteur.

7) As-tu regretté ton choix ?
Pendant une période, oui. Après ma soutenance, j’ai regretté mon choix, le fait que je n’aie pas pris le bon angle d’attaque. Même si j’ai complètement raté ma traduction, c’était très intéressant, difficile. Je ne vois pas ce que j’aurais pu traduire d’autre. Je n’ai pas eu un déclic sur un autre roman.

8) Que t’a apporté la formation de traduction littéraire ?
Une approche différente de la traduction, une ouverture sur la littérature et un travail sur la langue, aussi bien la langue espagnole que française. Beaucoup de culture, aussi.

9) As-tu amélioré ton usage du français ?
Oui. On apprend des mots dont on ne soupçonnait pas l’existence, une syntaxe particulière. On voit certains aspects grammaticaux qui deviennent des automatismes.

10) Comment se passaient tes ateliers de traduction ?
C’est ce qu’il y a de plus intéressant dans la traduction, le travail en groupe. Tu t’enrichis de ce que disent les autres. Caroline n’est jamais d’accord avec toi (ou presque), c’est ce qui te fait avancer. Tout est bon à prendre.

11) Et le tutorat ?
C’était avec Caroline. Ça revenait aux ateliers de traduction. On a travaillé sur ses textes et sur les nôtres.

12) Est-ce que la gestion du temps a été difficile pour toi ?
C’était difficile, parce que je travaillais à côté. Jusque vers novembre, décembre, ça va, mais après, quand il y a la traduction longue, une traduction par semaine et un exercice d’écriture, et les autres cours qui s’ajoutent… c’est difficile.

13) Comment s’est passé ton stage ?
Malheureusement, l’éditeur chez qui j’ai fait mon stage n’avait que très peu de temps à m’accorder et n’avait pas d’œuvre en cours de publication. Mon travail a consisté à créer une page web pour la maison d’édition. Ce stage n’a donc pas répondu à mes attentes dans le sens où je n’ai pas appris à corriger un manuscrit, ni appréhendé la chaîne du livre, ni appris non plus comment une petite maison d’édition arrive à survivre grâce à une autre activité ou aux subventions (de quel type, sommes allouées etc.).

14) As- tu envie de te remettre à la traduction ?
Peut-être. Là, j’ai besoin d’une pause. Je n’ai pas eu la possibilité de prendre des cours de traduction cette année, mais ça me manque. Caroline m’a proposé de venir aux ateliers… mais je me connais, j’y passerais trop de temps… et puis je prépare un mémoire. (Ça ne m’empêche pourtant pas d’aller sur Tradabordo tous les jours). Si j’arrive à avoir 14 de moyenne au master, je tenterai une thèse centrée sur la linguistique et les problèmes en traduction. Je prépare actuellement un mémoire sur la traduction. Je travaille sur l’argot. Je vois les aspects linguistiques, les aspects théoriques et pratiques.

15) As-tu des conseils à donner aux nouveaux apprentis ?
Ne jamais manger les Dragibus jaunes ni les verts. Amener une boîte de Quality Street à Caroline pour Noël. Etre toujours à l’affût de tout ce qui est outils utiles (dictionnaires, pages de lexique, textes de réflexion sur la traduction). Ne vivre que pour la traduction, respirer traduction, manger traduction, se laver traduction. De toute façon, si vous ne pensez pas au moins une dizaine de fois par jour à votre traduction en cours ou à un problème de traduction, c’est que ce n’est pas normal. Surtout, ne jamais hésiter à parler de ses problèmes de traduction, que ce soit avec les apprentis ou avec les professeurs. Quand vous avez une casserole (une énorme difficulté), faites-vous aider. Écouter les critiques des professeurs, surtout Caroline, car elle a une grande expérience dans la traduction. Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de toujours assumer ce que vous faites. Assumez vos choix de traduction même si vous pouvez être critiqués à cause de ça.

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