vendredi 12 novembre 2010

Plus qu'un exercice d'écriture… un projet d'écriture, par Olivier Marchand

Voici le mail qui accompagnait l'exercice d'écriture de notre apprenti traducteur, visiblement aussi apprenti auteur :

« Vu que j'aime bien compliquer la tâche, j'ai décidé d'écrire une nouvelle policière. Je vais profiter des 3 thèmes – "Crac Badaboum", "Mystère" et "Il n'a pas deux sous d'idée" – pour le faire. J'écrirai un chapitre par semaine, avec, bien entendu, le sujet d'écriture inséré (d'une façon ou d'une autre) à l'intérieur. Donc pour cette semaine, voici le premier chapitre.
Je sais que je prends un peu de liberté par rapport aux consignes, mais étant donné que j'aime bien ces exercices d'écriture et que j'avais un peu l'impression de tourner en rond avec les derniers envois, je me suis dit : "pourquoi pas ?" »

***

Chapitre 1

Crac… Badaboum.
—Bon sang ! – s'exclama l'inspecteur principal Dover. Faites un peu attention au matériel, Green !
—Excusez-moi inspecteur principal, c'est que …
—Ouais, comme d'habitude, c'est pas de votre faute, vous l'avez pas fait exprès … Épargnez-moi les détails, je connais la chanson.
L'inspecteur Dover n'était pas d'une humeur des plus joyeuses aujourd'hui. Il y avait à peine quelques minutes, il avait reçu un coup de téléphone du commissariat central lui annonçant la découverte d'une femme morte dans Barnard Park et c'est bien évidemment à son commissariat qu'allait être confié le dossier. Dover ne savait trop bien que ce genre d'enquête prenait des mois et que les 60 jours qui le séparaient de l'heureuse sérénité de la retraite allaient être sérieusement remis en question. Comme si cela ne suffisait pas, le superintendant Mc Fear lui collait dans les pattes ce nouvel inspecteur. Vraiment pas de quoi se réjouir ! Lui ne rêvait que d'une seule chose : prendre sa retraite et partir s'installer de façon définitive avec sa femme dans leur maison d'Hastings, sur la côte sud de l'Angleterre, là où le soleil savait se montrer un peu plus généreux qu'ici, dans la banlieue de Londres. À défaut de son confortable canapé avec vue sur la mer, il se serait contenté d'une journée au calme, dans son bureau, confortablement installé dans son grand fauteuil. Malheureusement pour lui, il allait devoir affronter la grisaille extérieure, les questions stupides des journalistes avides de scoop pour leurs torchons à scandales et les réprimandes injustifiés des politiciens ne songeant qu'à leur réélection. Sa paisible tranquillité fut soudainement interrompue par l'arrivée de Green.
—Inspecteur, je viens d'avoir Hills au téléphone. Le médecin légiste et les techniciens de scène de crime sont sur place, on n'attend plus que vous.
—J'arrive, j'arrive – répondit l'inspecteur à son jeune collègue. Donnez-moi juste le temps de prendre ma veste, d'aller chercher un café en bas et je suis prêt. Attendez-moi dans la voiture, Green.
—Bien, inspecteur.
La caféine l'aiderait sûrement à reprendre un peu de force – son corps de soixantenaire ne fournissait plus de façon naturelle l'énergie que demandait le métier – et la boisson chaude soulagerait sûrement le mal de gorge qui le faisait souffrir depuis le réveil. Sa veste en velours marron sur les épaules, un café noir fumant à la main, Dover sortit du commissariat et s'assit sur le siège passager dans la vieille Nissan Stanza grise.
—Allez, direction Barnard Park – lança-t-il à Green.
—Inspecteur, vous croyez que c'est un homicide ou un simple accident ?
—Réfléchissez un peu Green. D'après vous, une femme se retrouve découpée au beau milieu d'un parc par simple accident ?
—Euh...
—Prenez pas la peine de répondre, c'était une question rhétorique.
Quelque peu froissé par la réponse blessante de son supérieur, le jeune homme n'ouvrit pas la bouche du trajet. Tout juste promu inspecteur et récemment affecté au commissariat d'Islington, il était arrivé il y a deux mois à la brigade et on ne peut pas dire que son accueil avait été des plus chaleureux. Originaire d'une petite ville du comté de Plymouth, il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour comprendre la nature des gens de la capitale : des personnages froids, désagréables et insupportables. Il avait toujours, et ce malgré les semaines qui s'étaient écoulées depuis son arrivée, du mal à s'habituer à la vie dans la capitale et regrettait chaque jour plus son Devon natal. À vrai dire, lui aussi attendait avec impatience la retraite de l'inspecteur principal Dover. Le remaniement qui aurait lieu alors au sein du commissariat lui offrirait peut-être la possibilité de changer de département. Du moins, il n'aurait plus à supporter le supérieur aigri et amer qu'il lui fallait affronter chaque jour.

Le parc Barnard était plongé dans une macabre obscurité. Les nuages bas donnait à l'endroit des allures de vieille forêt sinistre et les branches des arbres se balançant au vent dans une danse morbide ajoutait à la situation une nuances des plus glauques. Une fois descendu de la voiture, Dover, d'un pas nonchalant se dirigea vers le corps de la victime. Green, ne sachant que faire d'autre, le suivit. À peine avaient-il franchi la limite matérialisée par le ruban jaune que Balsey, le médecin légiste, accourut vers eux.
—Qu'est ce qu'on a ?– demande Dover
—Penelope Bowen, femme caucasienne, cheveux bruns, 35 ans environ, 5,5 pieds, signes particuliers : aucun. La victime a été frappée à l'arrière de la tête, au niveau des cervicales. Au regard de l'hématome sous cutané , il semble que le coup ait été tout particulièrement violent. Je ne me mouillerais pas trop si je vous annonçais qu'il a été mortel. J'ignore encore avec quoi le tueur a brisé la nuque de sa victime : une batte ou quelque chose du genre. Une fois la victime décédée, le tueur l'a déshabillée – les techniciens ont retrouvé un paquet de vêtements dans le buisson, juste là et ils les ont déjà envoyés aux analyses –, il lui a arraché les yeux à l'aide d'un objet tranchant et lui a aussi sectionné les mains au niveau du poignet. Je ne peux pas vous garantir avec quoi mais, à première vue, le meurtrier a utilisé deux armes différentes. Par contre, je peux dès maintenant affirmer que ces découpes sont post-mortem. J'ai aussi observé des lacérations sur la poitrine et sur le sexe de la victime : il faudrait que vous alliez voir le psychologue de la police pour voir ce que cela implique. Les coupures sont fines et profondes : je pense que pour les lacérations, le tueur a utilisé la même arme que pour les yeux. Après, je situerai l'heure du décès aux alentours de 3h du matin. Je ne sais pas si je pourrais vous en dire plus là-dessus parce qu'avec les averses qui sont tombées cette nuit, le corps a été soumis à de soudains changements de température qui ne vont pas m'aider à fixer une heure de décès exacte. Bon allez, je vais faire transporter le cadavre à l'institut médico-légal et dès que j'ai quelque chose d'intéressant, ou du moins un peu plus d'informations, je vous appelle au commissariat.
L'inspecteur Dover, se tourna alors vers son jeune collègue, lequel avait perdu toute couleur, et lui déclara :
—Green, ne restez pas là, vous allez vomir ou vous évanouir. Ne vous inquiétez pas, ça fait toujours ça la première fois. Allez donc me récupérer les papiers de la victime, moi, je vais faire un tour auprès des techniciens de scène crime. On se retrouve dans 15 minutes à la voiture.

Les techniciens n'avaient rien trouvé jusque là et la pluie ne facilitait nullement le travail. Dover devrait prendre son mal en patience pendant quelques heures, le temps que le rapport détaillé de la scène du crime arrive sur son bureau. Il se dit qu'il attendrait tranquillement le dossier, au chaud, les fesses posées dans son fauteuil.
Le chemin du retour fut aussi silencieux que l'aller : Green avait du mal à reprendre ses esprits après la vision du corps découpé et Dover n'était pas d'humeur à entamer une conversation. Une fois arrivé au commissariat, il réunit son équipe et répartit le travail :
—Green et Burnett, vous allez voir la famille de la victime Je compte sur vous pour faire preuve d'un peu de tact pour annoncer la mort aux parents Bowen. Et essayez de voir si vous pouvez pas nous dégottez quelques informations intéressantes : relations de la victime, existence d'un petit copain, agenda des derniers jours, etc … Hodgkin, cherchez dans les archives si vous ne trouvez pas un cas correspondant dans les cinq dernières années à Londres : dossiers de la police, articles de presse … enfin débrouillez-vous quoi ! Moi, je file à la morgue !

L'inspecteur Dover s'était habitué au fil des ans à cette odeur si particulière qui flottait constamment dans la salle d'autopsie. Les premières fois, le simple fait de franchir la porte lui provoquait des nausées, mais au fil des visites, l'habitude avait remplacé le dégout et c'est impassible qu'il entra dans la salle où le corps nu de Penelope Bowen était étendu sur la table. Le médecin légiste Balsey commençait à peine l'autopsie.
Lui et Dover s'étaient rencontrés pour la première fois en 1992, tous deux réunis autour du corps d'une jeune femme d'une vingtaine d'années qu'un petit ami un peu trop jaloux avait égorgée et depuis lors ils avaient toujours entretenu de saines relations, un respect distant mais courtois. Le médecin légiste était un homme d'une quarantaine d'années, à l'allure sportive et d'aspect jeune : l'opposé même de l'inspecteur Dover. Le visage du médecin légiste aurait pu être jugé banal s'il n'était pas constamment illuminé par des yeux bleus étonnamment vifs.. Il était plutôt bel homme, en avait pleinement conscience et plaisait bien volontiers au femme.
—Je viens à l'instant de finir d'extirper les viscères – annonça-t-il. Je les ai envoyées à mon assistant pour qu'il puisse procéder aux examens histologiques. Je lui ai demandé de faire au plus vite , même si je n'ai pas grand espoir d'apprendre quelque chose d'autre avec l'examen anatomo-pathologique. Bon alors, à nous. Penelope Bowen. Cause du décès : violent coup sur la nuque qui a brisé les cervicales C1, C2 et C3 et provoqué une fracture de la C4. La victime a été attaquée par surprise, le coup a été violent : l'avantage, c'est que la pauvre n'a pas eu le temps de souffrir. Le tueur l'a sans doute retourné par la suite pour exécuter son petit « rituel macabre »... Alors, comme je vous le disais ce matin, le prélèvement des globes oculaires et des extrémités des membres antérieurs a été effectué après la mort de la victime. Les yeux ont été extirpés à l'aide d'un objet pointu et vu les coupures périphériques, il a l'air tout particulièrement tranchant : je dirais un long couteau – une vingtaine de centimètres environ – sans dents, parfaitement aiguisé. Pas du matériel d'amateur, si vous voyez ce que je veux dire. Pour les poignets, l'assassin a utilisé une autre arme, encore plus efficace : un hachoir. Regardez, si on observe attentivement l'os, on peut voir une coupure nette, sans hésitation, sans tremblement. Et même si les outils sont fins, aiguisés et tout ce qu'on veut, le meurtrier doit malgré tout posséder une force physique considérable : je ne sais pas si vous imaginez ce que c'est que de trancher une main avec ce genre d'instrument, mais on a vu tâche plus facile. Je peux vous garantir qu'on a affaire à un connaisseur qui a, non seulement le matériel adéquat et le sang froid nécessaire, mais en plus, les connaissances anatomiques. Si ça peut vous aider pour l'instant, interrogez donc les hommes ayant un rapport avec le milieu médical : chirurgiens, dentistes, … ; et aussi les bouchers, les employés d'abattoir, … ou encore les médecins légistes – ajouta-t-il dans un petit rire qui dévoila ses dents blanches et parfaites. En tout cas, je peux vous assurer qu'on a affaire à une personne méticuleuse, un professionnel qui connaît son métier, un tueur respectueux … Bon, il me reste encore deux bonnes heures de boulot. Je vous appelle quand j'ai fini pour que vous veniez chercher vous même le rapport d'autopsie. Ça vous évitera de perdre du temps avec la paperasse et tout le tintouin.

1 commentaire:

perrine a dit…

Le tueur me fait vaguement penser au personnage d'une série... En tout cas ton idée de nouvelle est fort intéressante, cher Oli, j'attends la suite avec impatience.