lundi 12 décembre 2011

Achèvement des relectures du deuxième jet Le Rêve du robot

Voilà ! Le travail a pris un peu de temps – pas plus qu'attendu, cela dit… ou à peine ; les quelques heures d'une balade dominicale, ponctuerait Irène – et n'a pas toujours été facile (car avancer à quatre demande patience et souplesse alors que la lassitude s'installe [des plus naturelles… car, je l'ai dit souvent, quelle que soit la qualité d'un texte, il est rare qu'il franchisse sans encombres le cap de plusieurs lectures, à plus forte raison des lectures de traducteurs/correcteurs ; et encore… imaginez que là, nous n'en sommes qu'au deuxième jet, sachant qu'un traducteur qui se respecte doit passer entre 8 et 10 fois…, de surcroît non pas sur quelques pages, mais sur un roman entier !], que l'impatience de commencer le prochaine nouvelle avec son binôme interstellaire gagne les troupes et que domine une forme d'aveuglement – car à force de tourner et retourner les phrases dans un sens, dans l'autre, on finit par soutenir tout et son contraire avec la même conviction et la même vigueur, sans plus y voir clair et net), mais il est bel et bien terminé… Et je crois que nous avons de quoi être fières. Je le publie à la suite et vous demande de bien relire deux autres fois.
La première : avec l'espagnol en regard… Simplement pour s'assurer qu'il ne nous manque pas une phrase, des mots…
La deuxième : sans plus du tout regarder la V.O. Que le texte vous apparaisse seul, sans le support de son aîné. La question à laquelle il faudra répondre au terme de votre lecture est celle de savoir si le cadet tient debout tout seul et si, donc, nous pouvons le laisser partir sans inquiétudes vers les contrées francophones.
Rendez-vous d'ici quelques jours pour la réponse… Chacune des traductrices de la nouvelle donnera son accord pour clôture dans les commentaires et les lecteurs « extérieurs » pourront éventuellement faire des remarques.

Le Rêve du robot – deuxième jet

Roservind était un robot automate affecté aux mines de Yanacocha. À 160 ans, il était encore en service effectif. Il ne se reposait jamais, hormis les jours où il devait recharger ses batteries ou lorsqu'il allait à la maintenance, comme ses semblables. Ce robot était toujours en fonctionnement à une époque pourtant ultérieure à la « Grande Révolution Robotique » (dont l'impact fut bien supérieur à celui de la Révolution Industrielle) et peu après la R.R.I. (Réforme Robotique Industrielle), au cours desquelles des millions et des millions de robots furent détruits par la main de l'homme sur l'ensemble de la planète. Bien que très évoluées grâce à leur intelligence artificielle, ces machines n'avaient jamais représenté un danger pour l'humanité. Pour la simple et bonne raison que leur intelligence n'égalerait jamais celle des humains. Jamais elles ne nourriraient le dessein de tuer des êtres vivants, ni n'auraient ne serait-ce que la malignité d'envisager une chose pareille. Pas plus qu'elles ne seraient pourvues de ce que les humains ont de spécial… ce que l’on appelle une âme. Recouvert d'un métal résistant à la corrosion, Roservind avait la structure morphologique d’un humain ; son visage, cependant, ne reflétait pas la moindre émotion. Employé dans l'industrie, il était nécessairement multitâches ; car en application de la loi numéro 5 de la R.R.I., il ne pouvait y avoir plus de 3 robots par usine. Outre divers travaux, telles étaient ses principales activités : agent d’entretien, médecin, comptabiliseur et poseur de dynamite. Il subissait quotidiennement les humiliations des travailleurs. Son corps avait beau être la cible des crachats, de jets d'urine et de projections de peinture, il ne percevait pas la malice de ceux qui se moquaient de lui. Un jour, Roservind fut envoyé à 4000 mètres sous terre pour aider un groupe de plus de 100 mineurs. Et c'est là que l'accident se produisit : un éboulement de rochers et de terre boucha toutes les entrées de la mine. Il faudrait huit bons mois pour les délivrer, à condition qu'ils fussent encore en vie d'ici là. Au bout de 4 mois, les travailleurs commençaient déjà à mourir les uns derrière les autres, à cause de la faim et de la soif. Même l'assistance médicale dispensée par le robot s'avéra insuffisante pour ces pauvres malheureux., Sur les 100 qu'il y avait au départ, il n'en restait plus que 10. Le robot assistait, impuissant, à l'agonie des ouvriers. Dépourvu de toute émotion, il pouvait néanmoins réfléchir. Il se remémora par exemple les souvenirs d'une époque passée – sauvegardée dans sa base de données – durant laquelle il avait été au service d'une famille en tant que majordome. Famille qui l'avait vendu à un ferrailleur, sans toutefois... qu'il en ait conçu de l'aigreur. Il ne comprenait jamais pourquoi les gens pleuraient ou riaient…, Ils étaient tellement imprévisibles. Finalement, il vit l'ultime mineur au seuil de la mort ; l'homme avait une photo de sa famille serrée dans une main, un crucifix dans l'autre, et pleurait. Peu après, il mourut. Le robot se trouva complètement seul au milieu des cadavres. Et pour la première fois il s'interrogea sur ce qui le rendait différent des humains. Pourquoi vont-ils au ciel, eux, alors que les robots… non ? Puisque les animaux non plus ne vont pas au ciel – se disait-il intérieurement – pourquoi les humains y vont-ils ? Est-ce que je pourrais y aller au ciel, moi aussi ? Notre robot se posait en effet bien des questions. L'une d'elles était liée au souvenir qu'il conservait d'une grève menée par les mineurs. Ils réclamaient leurs droits, ils avaient des buts dans la vie. Il songeait aux grandes victoires qui avaient marqué l'histoire de l'humanité ; ils avaient atteint leurs objectifs... réalisé leurs rêves. Plusieurs jours après, les lumières de la mine s'éteignirent et le robot demeura dans l'obscurité totale... Là, il se demanda : Moi, quel est mon objectif dans la vie ? Il alluma la frontale de son casque et commença à lire une bible qu'il avait prise sur l'un des cadavres. Plus de neuf mois s'écoulèrent avant que les secouristes n'arrivent… ; ils ne sortirent de là que le robot. À l'extérieur, voici ce qui arriva : tout le monde lui lança des regards haineux. Sans crier gare, un superviseur apostropha le robot :

« Hé, toi, là… retourne au boulot ! », Le superviseur s'étonna de la réaction du robot, qui resta planté devant lui sans bouger ; normalement, en effet, les robots exécutaient sur-le-champ les ordres qu'on leur donnait... ; celui-ci était manifestement différent.

« Retourne au boulot ! » répéta le superviseur.

Sauf que le robot avait compris la différence entre les robots et les humains... l'âme. Selon les Saintes Écritures, chaque être humain a une âme unique, qui va au ciel ou en enfer en quittant son enveloppe charnelle. Roservind était dubitatif : comment est-il possible que je parvienne à penser librement, sans obéir à de complexes lignes de programmation ? Comment faut-il que je m'y prenne pour avoir une âme ? Sans en être conscient, le robot avait désormais un objectif… un rêve. Il ne lui restait plus qu'à donner le coup d'envoi grâce auquel il serait à même d'entamer sa longue quête… ; deux mots : Je démissionne !

Roservind venait de naître.

1 commentaire:

Elena a dit…

Non... point de lassitude... juste une pointe de nostalgie. Comme quand on lâche pour la première fois la petite main de son enfant... on sait déjà qu'il ne reviendra pas, qu'il ne sera jamais plus le même, que désormais il nous regardera de loin, mais contentes et fières. Sensation ambiguë de perte et de devoir accompli...