jeudi 1 décembre 2011

Proposition de traduction pour la version du CAPES externe 2011-2012

À ma demande, Laëtitia Sworzil, jeune traductrice de talent (et, accessoirement, très drôle), a accepté de relever le difficile défi de nous proposer sa traduction du texte qui a été donné cette année pour l'épreuve de version du CAPES externe d'espagnol (à titre personnel, je me réjouis que Josefina Aldecoa ait été choisie… Magnifique auteure, insuffisamment connue et reconnue). Je la remercie vivement ! Il va de soi qu'il ne s'agit ni d'une traduction « officielle » ni d'un pré-corrigé du jury. Nous l'avons dit maintes et maintes fois, mais je répète : les critères d'évaluation d'un examen et a fortiori d'un concours ne sont généralement pas les mêmes que ceux qui nous guident pour la traduction littéraire, les objectifs étant radicalement différents. Raison pour laquelle il convient de lire et éventuellement de travailler la proposition de Laëtitia comme un simple support… un point de comparaison, peut-être une source d'inspiration. Vous pourrez lui poser vos questions via les commentaires, à notre habitude. En aucun cas vous lancer dans un curée, cela va de soi.

[Pour ce qui est du thème, je l'ai confié à une experte en la matière : Elena… Sa proposition de traduction ne devrait plus tarder]

Vous trouverez le sujet dans un post du 18 novembre (voir les archives du blog – colonne de gauche)

Les enfants progressaient. Un tiers d’entre eux lisait déjà après deux mois passés à mes côtés. « Je suis sur le point de devenir une institutrice », pensais-je, « mais j’en suis encore loin »., Un jour, le Maire vint me voir et il me dit : « Vous devez partir. La titulaire revient la semaine prochaine ». Et il me montra un papier de l’Inspection. Je ne lui avais parlé que deux fois : le jour de mon arrivée où j’allai le saluer en compagnie de mon père et un autre jour que je n’oublierai jamais. Alors que je me promenais, je le trouvai en train de cueillir les grains de blé qui étaient restés prisonniers des chaumes. Il les délogeait à l’aide de son canif et les introduisait au fur et à mesure dans un sachet en toile. « Je profite du temps tout en me distrayant », m’avoua-t-il. Je ressentis une oppression anxieuse dans la poitrine quand je pensai à la somme de jours qui lui seraient nécessaires pour remplir le sachet. C’était le riche du village mais il s’échinait encore et encore à ne pas perdre un seul grain., Si je devais chercher une image pour me rappeler ce village, je choisirais celle-ci, celle de ce vieillard avec son costume usé en velours côtelé, son chapeau noir enfoncé jusqu’aux sourcils, courbé au-dessus du sol., Et si je me souviens peu de ce village, je me souviens encore moins du second., C’était un village viticole et je commençai en septembre. Les enfants, au nombre de dix le premier jour, se retrouvèrent rapidement à trois. « Où sont les autres ? », demandai-je. « Aux vendanges », me répondirent-ils. Ils commençaient à s’intégrer à la classe quand on me renvoya chez moi. Deux mois à peine, comment me souviendrais-je ? Je passai une saison à attendre puis on finit par me confier une troisième classe. Cette dernière allait s’inscrire dans la durée. Personne ne demande les villages perdus dans la montagne. Cela n’intéresse personne de s’enterrer dans la neige. De sorte que je me rendis là-bas pleine d’intérêt et d’espoir. Et voilà qu’au moment où je débarque, l’homme chargé d’être mon guide vient à ma rencontre et me lâche ces quelques mots : « Madame l’Institutrice, je vous préviens qu’on va vous recevoir à coups de bâton… ».

2 commentaires:

xavier a dit…

Moi j'ai une question concernant la traduction des prétérits espagnol!

Voilà en fait Laetitia a traduit la plus part des prétérits par des passé simple français.

Moi j'ai traduit par un plus que parfait notamment la phrase:

" Era un pueblo de vino y empecé en septiembre"

" c'était un village de vignoble et j'avais commencé en septembre."

Etant donné que la narratrice se trouve dans le souvenir, il me semblait bon de mettre un plus que parfait pour souligner le fait que l'action se déroule dans le passé et est révolue.

Qu'en pensez vous Caroline?

Merci

Tradabordo a dit…

Bonjour Xavier,

Pour des raisons évidentes, je ne vais pas vous dire s'il « fallait » un passé simple ou un plus-que-parfait (il se peut que mes collègues du jury optent pour une autre solution…, avec, je l'ai dit, leurs raisons), mais je vous rappelle la « règle » et cela vous aidera peut-être à répondre à votre question :
Quand il s'agit de récit « ordinaire » au passé simple, on opte pour le passé simple (sauf quand il y a identité particulière du narrateur – exemple : un enfant – ou travail précis sur la relation entre narrateur et narrataire, en vue de créer une complicité, etc., et que cela appelle un passé composé). Vous pouvez, et même parfois devez, il est vrai, traduire le passé simple par du plus-que-parfait dans le cas de la concordance des temps. La question à se poser ici est donc la suivante (hors considération de savoir si « la narratrice se trouve dans le souvenir » ; ça n'est pas vraiment un argument, en tout cas formulé ainsi) : le passé simple concerné fait-il référence à une action ou plus globalement à un temps antérieurs à ceux de l'imparfait dans la même phrase ? S'il y a concomitance = passé simple… a priori. S'il y a décalage = plus-que-parfait. Avec une précision pour finir, qui peut moduler ce que je viens d'écrire : il faut également regarder le situation sur l'axe chronologique des autres passés simples dans le texte… en prenant encore une fois pour critère la simultanéité ou non.