vendredi 20 février 2009

Rendez-vous

Le 26 mars, nous recevrons la visite de Julia Roumier, enseignante dans notre département et actuellement en deuxième année de thèse. Elle nous fera un exposé sur les traductions médiévales espagnoles (aragonaise et castillane) de récits de voyages.

Voici sa présentation :

Parmi les œuvres médiévales qui connurent un grand succès figure en bonne place le Livre des Merveilles de Jean de Mandeville, une des œuvres les plus lues en Europe du 14e au 16e siècle. il compte parmi ses lecteurs d'aussi célèbres personnages que Christophe Colomb, Fernando de Rojas, Martorell et Cervantes. Ce texte pénétra en Espagne au travers d'une traduction aragonaise réalisée à la demande de Jean I d'Aragon vers 1480 (à partir du texte original rédigé en normand vers 1460) mais aussi au travers d'une traduction en castillan réalisée plus tardivement, à partir d'une version latine de ce texte.

Il faut ici prendre en compte le contexte culturel médiéval et souligner que les notions de droit d'auteur ou de plagiat n'y existaient pas. Se réapproprier les œuvres préexistantes constituait même une obligation si on voulait conférer à son texte un peu du sérieux et de l'autorité des auteurs anciens. Ainsi l'écriture consistait le plus souvent en une compilation et une refonte des matériaux écrits existants et c'est ce principe même d'écriture qui est à la source de la rédaction du genre des récits de voyage fictifs auquel appartient le texte de Mandeville. En effet, l'auteur s'invente de fantasques itinéraires en puisant librement dans les références que lui fournissent son érudition et sa bibliothèque.

Selon cette logique de réappropriation des sources, un texte n'est pas traduit dans le plus grand respect de l'intégrité du contenu original, comme le voudrait le concept de traduction tel que nous l''entendons aujourd'hui, mais, au contraire, peut être librement modifié ou recopié partiellement au sein d'un autre texte qui en modifie ainsi l'interprétation. Plus que la fidélité à la source importaient l'utilité du texte et sa conformité avec les normes en vigueur, ce qui impliquait qu'une bonne traduction se devait d'améliorer le texte. Ainsi, le traducteur, s'érigeant juge du texte à traduire, se permettait d'en couper ou modifier des passages, voire d'y introduire des ajouts, poussé par des motifs d'ordre politique ou idéologique. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit, non pas d'un auteur antique ou d'un père de l'Eglise éminemment respecté mais d'un auteur en langue vulgaire, d'un simple auteur de divertissement comme dans le cas de Jean de Mandeville.

Dans le cas de la traduction castillane du récit de Mandeville, on constate une véritable réorientation de la fonction et du sens de l'œuvre par des changements sémantiques, des omissions et amplifications, des changements sur les images qui accompagnent le texte et en éclairent l'interprétation, mais aussi des modifications plus subtiles du texte.

Pour résumer les caractéristiques de ces modifications, M.M. Rodriguez Temperley a souligné le fait que la traduction castillane privilégiait bien davantage les créatures monstrueuses, la dimension prodigieuse, mais accordait aussi une attention plus grande et plus rigoureuse à l'aspect dogmatique catholique, très certainement sous l'influence de la réaction contre le protestantisme qui se produisit en Espagne dès 1521.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vivement le 26 mars! La lecture de ctte présentation m'a vraiment donné envie d'entendre la suite. Et ce, d'autant plus que je me retrouve en terrain connu...