samedi 23 mai 2009

Entretien de Nathalie Lavigne avec Antonio Arévalo (éditeur)

Merci à Antonio Arévalo, responsable des Éditions Culture Suds, de m'avoir permis d'effectuer ce stage dans les meilleures conditions. Voici le compte rendu d'une entrevue qu'il m'a accordée et qui devrait vous permettre de faire un peu mieux connaissance avec cette généreuse maison d'édition bordelaise.

Circonstances de la création de Culture Suds
Il s'agit d'une création fortuite... Au départ, on trouve un groupe d'amis qui décide de monter une association en vue d'organiser des concerts de musique du Sud (flamenco, latino) et de diffuser en France l'hebdomadaire "6toros6" (revue taurine publiée en Espagne et dont le directeur de publication n'est autre que le père d'Antonio Arévalo, José Carlos Arévalo; Antonio participe d'ailleurs à l'élaboration de cette revue : il est chargé de couvrir les ferias qui se déroulent en France).
En 1999, l'asso abandonne l'organisation de concerts pour se tourner vers l'édition parce qu'Antonio souhaitait publier son 1er roman : "Quai de Queyries" est donc le premier ouvrage à paraître chez la toute nouvelle maison d'édition, Culture Suds (2001).

Quels sont les ressources financières d'une micro-structure ?
Outre les bénéfices engendrés par la vente des livres, une maison d'édition peut obtenir des aides publiques (notamment de la part du Conseil Général, qui va financer une partie des frais de publication d'un ouvrage) ou privés (par le biais de sponsors : depuis que la loi du 01 août 2003 favorise le mécénat d'entreprise, de nombreuses marques s'associent à des événements culturels de plus ou moins grande envergure). Ainsi, pour la prochaine parution d'un livre sur le monde du cheval, Culture Suds cherche à nouer des partenariats commerciaux (pas de noms pour l'instant, puisque rien n'est encore signé).

Comment naît un projet de livre ? (3 exemples)
- "La gueuze" de Patrick Espagnet (2001)
Ce livre est né d'une rencontre avec ce journaliste sportif reconnu (il a longtemps travaillé à Sud-Ouest) mais qui ne parvenait pas à trouver d’éditeur. Antonio Arévalo lui a fait confiance et a accepté de publier "La gueuze", recueil de nouvelles qui a connu un franc succès, mais moins que le suivant, "XV histoires de rugby" (2003), tiré à 1500 exemplaires puis à 7000 exemplaires, tous écoulés; une réédition en vue ?
Ce sont des textes remarquables, qui ont été adaptés dans deux spectacles que l'ont peut voir actuellement sur scène : "La gueuze" et "Chandelle".

- "Rencontres ovales" : nouvelles de rugby (2004)
Ce livre est né d'une série de rencontres avec le monde de l'Ovalie (anciens joueurs, journalistes sportifs...) même si au départ, A. Arévalo avait dans l'idée de créer des textes inédits autour d'un sujet donné, à l'image de cette collection de littérature jeunesse - "15 histoires de..." - qu'il a lue avec passion.
Vont ainsi paraître plusieurs recueils de textes autour d'une même thématique : le rugby (2), le toro (1), le cheval (1)... Cette série d'ouvrages est aussi l'occasion de réunir des personnes d'horizons divers, qui n'ont pas forcément l'habitude d'écrire ou de raconter des histoires. Une alchimie subtile qui, à l'arrivée, donne d'étonnants résultats.

- "Sébastien Castella, un héros français" (2007)
Ce livre est le résultat d'une expérience personnelle : Antonio Arévalo a suivi le jeune toréro pendant plusieurs mois, au moment de son ascension (il devient le n°1 mondial après avoir été longtemps le n°1 français).

Antonio est donc à l'origine et à la conclusion de ce bel ouvrage; une gageure, puisque malgré son prix élevé (29 euros), le livre, tiré à 4 000 exemplaires, est pratiquement épuisé.

Relations avec auteurs, diffuseurs et imprimeurs
- auteurs : création de liens de confiance et de convivialité.

Au hasard des rencontres (que ce soit au cours de matchs, de corridas ou de repas), des liens se tissent ; la volonté de mener à bien un projet commun peut ainsi voir le jour. Bénéficiant d'une crédibilité incontestable dans le milieu taurin, et s'appuyant sur la qualité de son catalogue, Culture Suds parvient à fédérer des personnalités de tous bords et à évoluer d'un monde à l'autre (de la tauromachie à l'école du cheval).

- diffuseurs : SO BO DI (Gradignan), Comptoir du Livre (Toulouse), MPP Mariani-Pinelli (Marseille)

Ces liens, de confiance et d'amitié, sont déterminants dans la mesure où l'avenir de chaque livre dépend de l'engagement des commerciaux chargés de défendre les ouvrages qu'on leur a confiés.

- imprimeurs : un à Madrid (pour la publication de "6toros6") qui assure un service qualité/prix satisfaisant mais implique suivi et frais de transport et un à Mont-de-Marsan, avec qui Culture Suds entretient des relations plus étroites (pour preuve, l'impression des programmes des prochaines ferias).

Avantages et inconvénients d'une micro-structure
- liberté de choix : l'éditeur est le seul maître à bord : il peut donc choisir le type d'ouvrage qu'il souhaite publier, son format, la qualité et la couleur du papier, la date de parution...) et participation à toutes les étapes de la création (avec des collaborateurs, évidemment, comme par exemple, des photographes)
- MAIS : manque de moyens, ce qui, forcément, restreint le champ d'action, et solitude (absence de dynamique apportée par un groupe).

Projets de livres
- orientation didactique : envie donner les clés de l'actu sur des sujets concernant les pays du Sud (le chavisme, Zapatero).

Il s'agit de créer une collection « grand public » où spécialistes et non-spécialistes confronteraient librement leurs points de vue et apporteraient des éclaircissements sur tel ou tel sujet, peu approfondi par les médias, en évitant, toutefois, les simplifications abusives.

Culture Suds souhaite ainsi donner la parole aux gens du Sud - sans tomber dans le folklore- et faire naître des débats intellectuels en dehors de Paris.

- autres projets : publier des auteurs du Maghreb ou d'Afrique francophone,
ainsi que des écrits de prisonniers (avec illustrations).

Pourquoi ne pas traduire des ouvrages publiés en espagnol ?
Par suite d’une expérience malheureuse, dans ce domaine, avec l'achat, il y a quelques années, des droits d'un livre technique sur l'alpinisme (publié chez Desnivel, Espagne, vendu à 4 ou 5000 exemplaires, ce qui est un bon chiffre pour ce genre d'ouvrages) : traduction faite mais pas de diffuseur intéressé parce qu'il s'agit d'un livre de vente lente, qui ne devient rentable que sur le long terme ; or, Culture Suds a besoin de rentrer dans ses frais avec les ventes des 2 premiers mois... Mais si un beau projet se présente, pourquoi pas. Un coup de cœur est très souvent le gage d'une belle réussite éditoriale.

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