lundi 12 novembre 2012

Projet d'écriture 5 – par Céline Rollero

« Lettre à mon juge »

Monsieur le Juge,

Vous m’aviez mis à l’essai à l’issue de mon dernier procès il y a quelques siècles déjà pour, je cite : « mauvaise gestion d’une planète entraînant la mise en péril d’une ou de plusieurs de ses espèces ».
Sachez, monsieur, que j’ai pleinement conscience de la grave erreur que j’ai commise en voulant introduire une nouvelle espèce sur Terre qui soit à mon image. C’est-à-dire dotée d’intelligence. En effet, j’aurais dû savoir que qui dit intelligence, dit évolution,  qui dit évolution, dit progrès et qui dit progrès, dit réduction de la mortalité, et, par là même, surpopulation. Surpopulation qui, comme vous me l’aviez reproché, entraîne « la mise en péril d’une ou de plusieurs espèces ». En l’occurrence, dans le cas de la Terre, de presque toutes les autres espèces endémiques.
Bien. Dans les années qui ont suivi mon procès, j’ai donc mis en place plusieurs actions visant à la diminution de cette espèce sur ma planète. Ainsi, j’y ai introduit de nombreux virus et bactéries – ne s’attaquant qu’à l’homme, il va de soi – de sorte à provoquer des épidémies mortelles. Et cela a assez bien fonctionné, je dois le reconnaître. 25 millions de morts pour la peste noire au XIVe siècle, entre 20 et 40 millions pour la grippe espagnole du début du XXe, et déjà 25 millions pour l’épidémie encore en cours aujourd’hui, celle du SIDA. Néanmoins, à cause précisément de leur intelligence, tôt ou tard, l’espèce trouve une parade à ces maladies en élaborant des vaccins ou des traitements. J’ai donc provoqué,  parallèlement aux épidémies,  toute une série de catastrophes dites « naturelles », qui ont, elles aussi, porté leurs fruits. J’ai déclenché des séismes (Lisbonne, XVIIIe siècle : 50 000 morts ; Tangshan, Chine, au XXe : 250 000 morts),  des éruptions volcaniques (le Krakatoa au XIXe : 36 000 morts ; le volcan Tambora, en Indonésie, au même siècle : 60 000 morts), des cyclones (Bangladesh, 1970 : 300 000 morts) ou encore des tsunamis. Mais, fort heureusement pour mon entreprise, les pertes humaines les plus importantes ont été déclenchées par les hommes eux-mêmes. Leur première guerre mondiale a causé 15 millions de morts, la seconde 40 millions et la deuxième guerre du Congo, quatre millions. Pour ne citer que quelques conflits.
Cependant, malgré tous mes efforts, les moyens mis en œuvre pour, sinon détruire, du moins réduire la population d’humains sur Terre, n’ont pas été suffisants. L’espèce continue de se reproduire et sa population augmente de manière exponentielle, atteignant actuellement plus de sept milliards d’individus.
J’avoue, Monsieur le Juge, que j’ai échoué. Je reconnais que la seule espèce que j’ai voulu créer à mon image est devenue une espèce invasive, dangereuse et destructrice. Elle m’échappe complètement, et je crains qu’elle ne soit devenue incontrôlable. Je suis tout à fait prêt à céder la gestion de la planète Terre à quelqu’un qui aurait les compétences pour la remettre sur le droit chemin.
Veuillez toutefois être indulgent envers un créateur qui, voulant laisser un peu de lui-même dans son œuvre, a commis une grave erreur de jeunesse.
En attendant votre verdict,                                                                          

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