samedi 1 novembre 2008

Le tour du Quichotte en 80 traductions

Les traductions de Don Quijote au fil du temps – le test de la première page (pour alimenter l'inquiétant débat lancé par Jacqueline sur la question d'une nécessaire retraduction perpétuelle) :

1847

L’admirable don Quichotte de la Manche,
Traduction nouvelle par M. DAMAS-HINARD, 1847, CHARPENTIER, Libraire-Éditeur.

Qui traite du caractère et des habitudes du fameux don Quichotte de la Manche

Dans un certain bourg de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait naguère un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, roussin maigre et lévrier de chasse, un pot-au-feu où il entrait plus de bœuf que de mouton,un saupiquet presque tous les soirs, des abatis de bétail le samedi, des lentilles le vendredi, et quelque pigeonneau en surcroît le dimanche, consommaient les trois quarts de son bien. Le reste de son revenu, il l’employait à une casaque de drap fin, à des chausses de velours avec leurs pantoufles de même étoffe pour les jours de fête ; portant, les jours ordinaires, un habit de bon drap bien solide , pas trop gros cependant. Il avait chez lui une gouvernante qui passait la quarantaine, une nièce qui n’avait pas atteint sa vingtième année, et un garçon pour la campagne et pour les commissions, aussi propre à seller le bidet qu’à manier la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, sec de corps, maigre de visage, fort matineux et grand chasseur. On a voulu dire qu’il se nommait Quixada ou Quesada (car il y a sur ce point quelque divergence entre les auteurs qui en ont écrit ) ; mais, d’après les conjectures les plus vraisemblables, il importe peu à notre histoire : il suffit que dans le récit, on ne s’écarte pas d’un point de la vérité.

1863

Traducteur : Louis Viardot


En photo : merci à Roger Cummiskey

Chapitre premier

Qui traite de la qualité et des occupations du fameux hidalgo don Quichotte de la Manche

Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n'y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abatis de bétails le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelques pigeonneau outre l'odinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin, des chausse de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce qui n'atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi bien qu'il maniait la serpette. L'âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse. On a dit qu'il avait le surnom de Quixada ou Quesada, car il y a sur ce point quelque divergence entre les auteurs qui en on écrit, bien que les conjectures les plus vraisemblables fassent entendre qu'il s'appelait Quijana. Mais cela importe peu à notre histoire ; il suffit que, dans le récit des faits, on ne s'écarte ps d'un atome de la vérité.

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1905

Traducteur : Florian


En photo : merci à Roger Cummiskey

Chapitre 1

Du caractère et des occupations du fameux don Quichotte de la Manche


Dans un village de la Manche dont je ne me soucie guère de me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un de ces gentilshommes qui ont une vieille lance, une rondache rouillée, un cheval maigre et un lévrier. Un bouilli, plus souvent de vache que de mouton, une vinaigrette le soir, des œufs frits le samedi, le vendredi des lentilles, et quelques pigeonneaux de surplus le dimanche, emportaient les trois quarts de son revenu. Le reste payait sa casaque de drap fin, ses chausses de velours avec les mules pareilles pour les jours de fête, et l’habit de gros drap pour les jours ouvriers. Sa maison était composée d’une gouvernante de plus de quarante ans, d’une nièce qui n’en avait pas vingt, et d’un valet qui faisait le service de la maison, de l’écurie, travaillait aux champs et taillait la vigne. L’âge de notre gentilhomme approchait de cinquante ans. Il était vigoureux, robuste, d’un corps sec, d’un visage maigre, très matinal et grand chasseur. L’on prétend qu’il avait le surnom de Quixada ou Quésada. Les auteurs varient sur ce point. Ce qui paraît le plus vraisemblable, c’est qu’il s’appelait Quixada. Peu importe, pourvu que nous soyons certains des faits.

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1949

Traducteurs : César Oudin et François Rosset, revue et corrigée par Jean Cassou


En photo : merci à Delire Lucide

Chapitre premier

De la condition et des occupations du fameux gentilhomme don Quichotte de la Manche

En un village de la Manche, du nom duquel je ne me veux souvenir, demeurait, il n'y a pas longtemps, un gentilhomme de ceux qui ont lance au râtelier, targe antique, roussin maigre et levrier bon coureur. Une marmite, avec un peu plus de bœuf que de mouton, un saupiquet la plupart du temps à souper, des œufs et du lard les samedis, des lentilles le vendredi et quelques pigeonneau de surcroît les dimanches, consommaient les trois parts de son bien. Le reste s'employait en une saie de fin drap et en des chausses de velours pour les fêtes, avec ses pantoufles de même, et les jours ouvriers il se paraît de son gris de minime des plus fins. Il avait en sa maison une gouvernante qui passait quarante ans, une nièce qui n'en avait pas encore vingt, et un valet bon pour les champs et pour la place, lequel sellait aussi bien le roussin comme il prenait la serpe. L'âge de notre gentilhomme frisait la cinquantaine. Il était de forte complexion, sec de corps et maigre de visage, fort matineux et grand amateur de chasse. On veut dire qu'il avait le surnom de Quixada ou Quesada (car en ceci il y a quelque différend entre les auteurs), encore que par conjectures vraisemblables on pense qu'il s'appelait Quixana ; mais cela importe peu à notre conte : il suffit qu'en la narration d'icelui on ne sorte un seul point de vérité.

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1962

En photo : Don Quichotte par Bruggeling

Traduction de Francis de MIOMANDRE

Chapitre premier
Qui traite du caractère et des occupations du fameux gentilhomme don Quichotte de la Manche


Dans un village de la Manche, dont je ne veux point me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un de ces gentilshommes qui ont lance au râtelier, bouclier à l’ancienne, roussin efflanqué, et lévrier de course. Du bouilli, où il entrait moins de mouton que de vache, du miroton presque tous les soirs, une omelette au lard le samedi, le vendredi des lentilles, et un pigeonneau de supplémént le dimanche lui mangeaient les trois quarts de son revenu. Un justaucorps de drap fin et des chausses de panne pour les fêtes, avec des galoches de même, absorbaient le reste ; et les jours de la semaine il se contentait de bon drap gris.
Il avait chez lui une gouvernante qui comptait plus de quarante ans et une nièce qui n’en avait pas vingt, avec un valet à tout faire qui à la fois pansait le roussin et prenait la serpette…
Notre gentilhomme frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, sec de corps, maigre de visage, fort matineux et amateur de chasse.
On prétend qu’il avait le surnom de Quijada ou de Quesada, car les auteurs qui en ont parlé ne sont pas d’accord sur ce point ; néanmoins, il est probable, d’après les meilleures conjectures, qu’il s’appelai Quejana. Mais cela n’importe guère à notre histoire : il suffit que le récit ne s’écarte sur aucun point de la vérité.

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1997

Traductrice : Aline Schulman

Chapitre 1

Où l’on dit qui était le fameux don Quichotte de la Manche et quelles étaient ses occupations


Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n’y a pas longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l’ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée. Du bouilli où il entrait plus de vache que de mouton, du hachis presque tous les soirs, des œufs au lard le samedi, le vendredi des lentilles et, le dimanche, un pigeonneau pour améliorer l’ordinaire, voilà qui mangeait les trois quarts de son revenu. Un justaucorps de drap fin, avec chausses et pantoufles de velours pour les jours de fête, et l’habit de bonne serge dont il se contentait les jours de semaine absorbaient le reste.
Il avait chez lui une gouvernante de plus de quarante ans, une nièce qui en avait moins de vingt, et un valet bon à tout, qui sellait la rosse aussi bien qu’il maniait la serpe.
Notre gentilhomme frisait la cinquantaine ; il était de constitution robuste, sec de corps, maigre de visage, toujours matinal et grand chasseur. On ne sait pas très bien s’il avait nom Quichada ou Quesada (les auteurs qui en ont parlé sont en désaccord sur ce point) ; néanmoins d’après les conjectures, il est probable qu’il s’appelait Quechana. Mais c’est sans importance pour notre histoire ; il suffit qu’en la racontant on ne s’écarte en rien de la vérité.


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2001

Traducteurs : Claude Allaigre, Jean Canavaggio, Michel Moner


En photo : merci à Vgerasimov

Chapitre 1

Qui traite de la condition et des occupations du fameux et vaillant gentilhomme don Quichotte de la Manche

Dans un village de la Manche dont je ne veux me rappeler le nom, vivait, il n'y a pas longtemps, un gentilhomme de ceux qui ont lance au râtelier, bouclier antique, maigre roussin et lévrier chasseur. Un pot-au-feu, avec un peu plus de bœuf que de mouton, un salpicon presque tous les soirs, des œufs frits au lard le samedi, des lentilles le vendredi, quelque pigeonneau de sucroît le dimanche consommaient les trois quarts de son bien. Le reste, il le dépensait en une casaque de drap fin, des chausses de velours pour les jours de fête, avec leurs chaussons de même étoffe ; et les jours de semaine, il se parait de son gris le plus fin. Il avait en sa maison une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce, qui n'en avait pas encore vingt, et un valet de maison et de ferme, qui sellait aussi bien le roussin qu'il prenait la serpe. L'âge de notre gentilhomme frisait la cinquantaine : il était de robuste complexion, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et ami de la chasse. On affirme qu'il avait pour nom Quijada ou Quesada – car là-dessus, il y a quelque divergence entre les auteurs qui ont écrit à ce sujet –, bien que des conjectures vraisemblables donnent à entendre qu'il s'appelait Quijana. Mais ceci importe peu à notre histoire ; il suffit que, dans le récit, on ne s'écarte pas d'un point de la vérité.


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2008


Traducteur : Jean-Raymond Fanlo


En photo : merci à Flemma

CHAPITRE PREMIER

Qui traite du caractère et des occupations du fameux et vaillant
don Quichotte de la Manche

Dans un village de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas si longtemps, un de ces hidalgos à lance au râtelier, bouclier antique, maigre rosse et lévrier courant. Un pot-au-feu plus vache que mouton, du ragoût tous les soirs ou presque, les deuil- et- peine le samedi, des lentilles le vendredi, quelque pigeonneau le dimanche en plus de l’ordinaire, consommaient les trois quarts de son bien. Le reste filait avec une casaque de bon drap noir et des chausses de velours pour les fêtes avec leurs couvre-pieds assortis ; les jours de la semaine il tenait son rang avec un drap fin, gris souris. Il entretenait chez lui une gouvernante de plus de quarante ans et une nièce qui n’en avait pas vingt, plus un garçon de ville et de champ qui sellait le roussin comme il prenait la serpe. Notre hidalgo approchait de la cinquantaine. Il était de constitution robuste, sec de corps, maigre de visage, très lève-tôt et il aimait la chasse. Certains voudraient qu’il eût nom « Quichada », ou « Quesada ». Il y a sur ce point quelque variation parmi les auteurs qui en ont traité par écrit. Cependant des conjectures vraisemblables laissent penser qu’il s’appelait « Quichana ». Mais cela importe peu pour notre histoire : il suffit que le récit ne s’écarte en rien de la vérité.

3 commentaires:

Tradabordo a dit…

Appel :
Je n'ai chez moi que la traduction de La Pléiade… Quelqu'un est-il en possession de l'une des autres et, le cas échéant, peut-il m'envoyer le fragment correspondant, avec les références précises (attention, il me faut la première édition ; le but étant d'établir une chronologie) ?

Tradabordo a dit…

De la part de Jacqueline :

Le tour du Quichotte en 80 traductions




Actuellement -voir post du 1er novembre-, nous avons recensé 6 traductions, de 1863 à 2008 :


- 1863 : Louis VIARDOT
- 1905 : FLORIAN
- 1949 : César OUDIN
- 1997 : Aline SCHULMAN
- 2001 : Claude ALLAIGRE
- 2008 : J R FANLON

C’est peu, mais c’est déjà un bon début.
Qui m’aidera à enrichir notre corpus ? Je ne sais pas si je-ou quelqu’un d’autre- en fera quelque chose un jour, mais je trouve amusant de relever ce défi. A défaut d’un nom de baptême, nous pourrions être LA promo qui a réussi à… Il suffit que chacun d’entre nous se fixe pour objectif d’en collecter quelques unes, de ces fameuses premières pages. Qu’en pensez-vous ?

jacqueline a dit…

- Pour mémoire :
- LISTE actualisée au 2 avril 2009
- des traductions du DON QUICHOTTE
- publiées dans le blog.
-
o 1614 : César Oudin (1è partie)
- 1615 : François de Rosset (2è partie)
o 1678 : Filleau de Saint-Martin
o 1799 : Florian
o 1807 : Bouchon-Dubournial
o 1847 : Damas-Hinard
- 1863 : Louis Viardot
o 1997 : Aline Schulman
o 2001 : Claude Allaigre
- 2008 : J R Fanlo


Qui dit mieux?