vendredi 28 novembre 2008

Compte rendu de l'atelier de traduction de littérature enfantine, séance du 26 novembre

En photo : Little Jabalí par Beauty Addict

Secrétaire de séance :Brigitte









« Shola y los jabalíes » de Bernardo ATXAGA

Au cours de cette séance très fructueuse en échanges, nous avons fait le choix de nous détacher du texte original en espagnol. Cela nous a permis de prendre davantage du recul pour nous concentrer uniquement sur le « rendu » en français du texte traduit.

Pages 11 à 18

Elle s’était placée sous la table, de façon stratégique.
- Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas, chasser le béglier, je veux dire.
- On ne dit pas béglier. On dit sanglier, répondit Monsieur Grogó en trempant une frite dans le jaune d’œuf et en la portant à sa bouche.
- Qu’on dise béglier ou sanglier, peu, importe, le fait est que tu ne devrais pas y aller. Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas.
- Mais qu’est-ce que tu crois, Shola, qu’on est tous comme toi, qu’on fait toujours ce qu’on veut ? Eh bien non, Shola, on n’a pas tous cette chance, on doit tenir certains engagements, qu’on le veuille ou non.
- Moi aussi, j’ai des engagements, dit Shola, en pointant son museau.
- Tu ne sais pas ce qu’est un engagement, dit Monsieur Grogó, en mangeant une autre frite.
- Bien sûr que je le sais.
- Non, tu ne le sais pas.
- Je le sais ! Bien sûr que je le sais.
- Alors dis- le, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda Monsieur Grogó laissant un instant ses frites de côté pour regarder Shola droit dans les yeux.
- Si tu me donnes une frite, je te le dirai. Sinon, rien.
- Tiens, lui dit Monsieur Grogó, et la frite disparut dans la gueule de Shola.
- Eh bien, un engagement c’est…un engagement, dit Shola en savourant le goût savoureux, délicieux, merveilleux et presque miraculeux de la frite.
- C’est tout ? voulut savoir Monsieur Grogó.
- C’est tout, dit Shola, sentant la douce chaleur de la frite se répandre dans son estomac.
- Si tu reconnais ton ignorance, je t’en donnerai trois de plus, lui dit Monsieur Grogó.
Shola réfléchit un instant et se rendit compte que le monde était divisé en deux.
D’un côté du monde il y avait, évidemment, les trois frites. De l’autre, la colère d’avoir à baisser la tête et donner raison à Monsieur Grogó.
Très vite, cependant, l’un des deux côtés l’emporta.
- Je n’en ai pas la moindre idée. Qu’est ce qu’une frite …pardon, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda-t-elle.
- Un engagement, c’est une obligation, expliqua Monsieur Grogó. Par exemple, quand tu promets quelque chose à quelqu’un, tu prends un engagement. Et c’est précisément ce qui m’est arrivé. J’ai promis à des amis que j’irai chasser le sanglier et maintenant je suis obligé d’y aller. C’est vraiment lamentable, déplorable, intolérable et insupportable. Je n’aime pas les sangliers et, pis encore, j’en ai peur.
- S’il te plaît, respecte ton engagement, donne-moi mes trois frites, l’interrompit Shola.
- C’est vrai, j’ai failli oublier.
- Pourquoi as-tu peur des bégliers ? demanda Shola après avoir mangé les frites savoureuses, délicieuses, merveilleuses et presque miraculeuses.
- Ce ne sont pas des bégliers, ce sont des sangliers, je te l’ai déjà dit. Ils vivent dans la montagne et sont très dangereux. Beaucoup de gens en ont peur, il n’y a pas que moi.
Une fois la conversation terminée, Monsieur Grogó alla regarder la télévision et Shola s’apprêta à faire un somme sur le tapis du salon où elle aimait bien s’installer pour passer la nuit.
Ce tapis lui donnait envie de dormir et lui faisait faire également de beaux rêves.
Cette nuit-là, les bégliers ou sangliers occupèrent toutes ses pensées. Comment étaient-ils en réalité ? A quoi ressemblaient-ils ? Etaient-ils aussi redoutables que l’affirmait Monsieur Grogó ?
Elle s’endormit en pensant à tout cela et se mit aussitôt à rêver.

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