mercredi 12 novembre 2008

Assises d'Arles, par Jacqueline

LES AVENTURIERS DE L’ARLES PERDUE…

Ce ne fut pas un flop comme la toile (presque) éponyme, mais une succession de moments agréables et instructifs que ces 25èmes Assises de la Traduction Littéraire qui viennent de se dérouler en Arles. Pour ceux et celles d’entre vous qui n’ont pas eu la chance de bénéficier des travaux de ce colloque, nous allons livrer nos impressions à plusieurs voix. Devant rentrer la première à Bordeaux, voici pour commencer les miennes tirées de mon journal de bord:

Vendredi 7 novembre
–14h. Arrivée en gare d’Arles et premier contact un peu surréaliste avec la ville : sommes-nous bien dans le midi ? Peu de sourires, une signalétique déficiente, voire absente ; nous nous frayons un passage à travers une forêt de caravanes… Après ce trajet pédestre assez curieux, nous voici installés et à pied d’œuvre à l’espace Van Gogh, à côté des Éditions Acte Sud ; les noms chantent, mais là encore une organisation improbable. Ce bémol une fois posé, venons-en aux choses plus consistantes. Après les discours d’usage, où nous apprenons que « les étranges traducteurs donnent la main à de Belles Étrangères » - Arles accueille en même temps que nous ces Étrangères qui fêtent leurs 20 ans, tandis qu’Acte Sud fête ses 30 ans ! -, nous entrons dans le vif du sujet avec la conférence inaugurale de Claude Mouchard, « Lire en traduction ». Quelques phrases notées à la volée traduisent une dualité que nous avons déjà soulignée : « S’expatrier vers le texte de départ ou l’amener au plus près de la langue d’arrivée » ; « le texte vient vers nous avec la marque de sa traversée » ; « traduire : combat entre le possible et l’impossible » etc…
Cette intervention est suivie d’une table ronde « Traduire, écrire ». Une des intervenantes, Claire Malroux, regrette cette virgule qui semble souligner un partage qui selon elle n’a pas lieu d’être – « Traduire, c’est écrire », disait déjà Laure Bataillon-.
Florence Delay rapporte une anecdote amusante : Borges ayant découvert le Don Quichotte en version anglaise qui se trouvait dans la bibliothèque de son père eut après cette première lecture, l’impression « d’une mauvaise traduction » lorsqu’il qu’il la lut ensuite en espagnol ! Pour elle, « lire est écrire et traduire » et « le traducteur d’un auteur est son meilleur lecteur ».
Pour Sylvia Baron-Supervielle, « la traduction est une histoire d’amour comme l’écriture » ; « seuls comptent le rythme, les accents des mots et l’ambiance qui se dégage de l’auteur ».
Tous les intervenants s’accordent à dire que la traduction est une vocation, et qu’ « après », on ne peut plus s’en passer, que lorsqu’on traduit on apprend beaucoup sur soi à travers l’autre, qu’on se libère en traduisant, qu’il faut prendre le texte comme un plaisir et ne pas se fixer sur les savoirs –Florence Delay se réfère à « la musique silencieuse et à la solitude sonore du torero » et qu’enfin, à l’assertion « ça ne se dit pas en français », il convient de répondre : « eh bien, ça se dira »…
Mais laissons le dernier mot à Borges soulignant avec humour, à propos d’un de ses ouvrages : « l’original est infidèle à la traduction ».
Fin de la 1ère journée ? Pas tout-à-fait car :

Vendredi 7 novembre
–soirée. Délicieux italien (restaurant) ! On s’éloigne de la traduction ? Pas du tout, nous avons beaucoup échangé, Caroline, Laure et moi. Personnellement, j’en ai tiré grand profit. Les colloques servent aussi à cela, à faire des rencontres, à approfondir des relations, à prendre le temps de se poser et de réfléchir sur soi-même.

Samedi 8 novembre
–9h. La 1ère partie est consacrée à des conseils pratiques ; quelques tuyaux : le site de l’ATLF : Association des Traducteurs Littéraires de France – lire « des armes pour éviter les larmes »-, un texte de référence : le code des usages pour la traduction des œuvres de littérature générale de 1993. Je retiens ce code de bonne conduite du traducteur :
Obtenir des preuves des contacts avec l’éditeur
Lire les consignes
Respecter ses propres engagements
Ne pas se sous estimer ni se surestimer
Prendre les devants
Mais le traducteur a en contre partie des droits à la fois moraux – droit de paternité, droit de respect de l’œuvre- et patrimoniaux –droit d’exploiter l’œuvre cédée, et bien sûr rémunération.

Samedi 8 novembre
–10h 30. Les ateliers nous permettent de faire de belles rencontres avec deux auteurs guatémaltèques, Rodrigo Rey Rosa et Alan Mills, et de leurs traducteurs. Dans le large débat qui s’installe (sur : « la traduction doit se lire comme un texte autonome, il faut restituer non pas une littéralité mais une atmosphère, une émotion qui va rendre celle du lecteur qu’est le traducteur ») la question traduction = création littéraire n’est toujours pas tranchée. Heureusement car il y aura d’autres colloques.

En conclusion, une expérience intéressante même si je regrette un peu l’absence de contacts, malgré nos sollicitations, avec les anglicistes bordelais. Une occasion de perdue, comme l’Arles, il y en aura d’autres, n’est-ce pas Indiana ? (je suis fan, mais vous l’aviez compris). Jacqueline.

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