mardi 23 décembre 2008

Devoirs de vacances (Noël), 2

En photo : Loro de madera par ÐÂnNY ○○○ ¡esta foto es...

Lo oyó muy cerca, casi a su lado, y enseguida lo vio en la rama más baja del mango.
— Sinvergüenza — le gritó.
El loro replicó con una voz idéntica :
— Más sinvergüenza serás tú, doctor.
Siguió hablando con él sin perderlo de vista, mientras se puso los botines con mucho cuidado para no espantarlo, y metió los brazos en los tirantes, y bajó al patio todavía enlodado tanteando el suelo con el bastón para no tropezar con los tres escalones de la terraza. El loro no se movió. Estaba tan bajo, que le puso el bastón para que se parara en la empuñadura de plata, como era su costumbre, pero el loro lo esquivó. Saltó a una rama contigua, un poco más alta pero de acceso fácil, donde estaba apoyada la escalera de la casa desde antes que vinieran los bomberos. El doctor Urbino calculó la altura, y pensó que con subir dos travesaños podía cogerlo. Subió el primero, cantando una canción de cómplice para distraer la atención del animal arisco que repetía las palabras sin la música, pero apartándose en la rama con pasos laterales. Subió el segundo travesaño sin dificultad, agarrado de la escalera con ambas manos, y el loro empezó a repetir la canción completa sin cambiar de lugar. Subió el tercer travesaño, y el cuarto enseguida, pues había calculado mal la altura de la rama, y entonces se aferró a la escalera con la mano izquierda y trató de coger el loro con la derecha. Digna Pardo, la vieja sirvienta que venía a advertirle que se le estaba haciendo tarde para el entierro, vio de espaldas al hombre subido en la escalera y no podía creer que fuera quien era de no haber sido por las rayas de los tirantes elásticos.
— ¡ Santísimo Sacramento ! — gritó—. ¡ Se va a matar !
El doctor Urbino agarró el loro por el cuello con un suspiro de triunfo : ça y est. Pero lo soltó de inmediato, porque la escalera resbaló bajo sus pies y él se quedó un instante suspendido en el aire, y entonces alcanzó a darse cuenta de que se había muerto sin comunión, sin tiempo para arrepentirse de nada ni despedirse de nadie, a las cuatro y siete minutos de la tarde del domingo de Pentecostés.

Gabriel García Márquez, El amor en los tiempos del cólera, 1985.

***

La traduction officielle, L'Amour aux temps du choléra, par Annie Morvan, [Grasset, 1987], Le Livre de poche, p. 66-67.

Il l’entendit tout près de lui, presque à son côté, et soudain le vit sur la branche la plus basse du manguier.
« Dévergondé ! » lui cria-t-il.
Le perroquet répliqua d’une voix identique :
« Dévergondé toi-même, docteur. »
Il continua de lui parler sans le quitter des yeux tandis qu’il enfilait ses bottines en prenant soin de ne pas l’effrayer et passait ses bretelles par-dessus ses bras, puis il descendit dans le jardin encore boueux en frappant le sol à petits coups de canne fin de ne pas trébucher sur les trois marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas. Il était si bas que le docteur Urbino tendit sa canne afin qu’il se posât sur le pommeau d’argent comme à son habitude, mais le perroquet l’esquiva. Il sauta sur une branche contiguë, un peu plus haute mais d’accès plus facile, om était appuyée l’échelle de la maison avant l’arrivée des pompiers. Le docteur Urbino calcula la hauteur et pensa qu’en grimpant deux barreaux il pourrait l’attraper. Il monta sur le premier en chantant une chanson complice pour distraire l’attention de l’animal effarouché qui répétait les mots mais sans la musique tout en reculant sur la branche à petits pas latéraux. Il monta le deuxième barreau sans difficulté, les deux mains agrippées aux montants, et le perroquet commença à répéter la changer tout entière sans bouger d’un pouce. Il monta le troisième puis le quatrième car il avait mal calculé le hauteur de la branche et, saisissant fortement un des montant de la main gauche, il tenta d’attraper l’animal de la droite. Digna Pardo, la vieille bonne qui venait le prévenir qu’il risquait d’être en retard à l’enterrement, vit de dos l’homme grimpé sur l’échelle et n’aurait pas cru qu’il était celui qu’il était, n’eussent été les rayures vertes des bretelles élastiques.
« Doux Jésus ! cria-t-elle, il va se tuer ! »
Le docteur Urbino attrapa le perroquet par le cou avec un soupir de triomphe : ça y est. Mais il le lâcha aussitôt car l’échelle se déroba sous ses pieds. Il resta un instant suspendu dans l’air et parvint à se rendre compte que sans même avoir communié, sans avoir eu le temps de se reprentir de rien ni de dire adieu à personne, il était mort à quatre heures sept minutes de l’après-midi du dimanche de Pentecôte.

***

Eva nous propose sa traduction (c'est la première étudiante du groupe 2 de CAPES à se lancer… donc je la félicite vivement pour son courage !) :

Il l'entendit tout près, presqu'à côté de lui, et le vit immédiatement sur la branche la plus basse du manguier.
- Effronté - lui cria-t-il.
Le perroquet répliqua d'une voix identique :
- Tu es sûrement bien plus effronté que moi, docteur.
Il continua à parler avec lui sans le quitter des yeux, pendant qu'il enfila ses bottines avec grande attention pour ne pas l'effrayer, passa les bras dans ses bretelles et descendit dans la cour encore boueuse, tâtonnant avec son bâton pour ne pas trébucher sur les trois marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas d'une plume. Il était si bas, qu'il lui tendit le bâton pour qu'il se pose sur le pommeau d'argent, comme il avait l'habitude de le faire, mais le perroquet l'esquiva. Il sauta sur une branche contigüe, un peu plus haute mais d'acès facile, là où était posée l'échelle de la maison déjà bien avant que les pompiers ne vinssent. Le docteur Urbino estima la hauteur et pensa qu'en montant deux barreaux il pouvait l'attraper. Il grimpa le premier, tout en chantant une chanson complice pour distraire l'attention de l'animal farouche qui répétait les paroles sans la musique, mais tout en s'éloignant sur la branche par de petits pas latéraux. Il monta sur le second barreau sans peine, les deux mains bien cramponnées à l'échelle, et le perroquet se mit à répéter la chanson entière sans changer de place. Il grimpa sur le troisième barreau et, dans la foulée, sur le quatrième, car il avait mal évalué la hauteur de la branche, et il s'accrocha alors à l'échelle de la main gauche tandis qu'il essaya d'attraper le perroquet de la droite. Digna Pardo, la vieille servante qui venait le prévenir qu'il commençait à se faire tard pour l'enterrement, vit de dos l'homme perché sur l'échelle et elle n'aurait pu croire que ce fût lui si elle ne l'avait reconnu par les rayures des bretelles élastiques.
- Dieu tout puissant! - s'écria-t-elle- Il va se tuer!
Le docteur Urbino empoigna le perroquet par le cou dans un soupir triomphant à la française : "ça y est". Mais il le lâcha aussi vite, car l'échelle se déroba sous ses pieds et il se trouva un instant en suspens dans l'air, et c'est alors qu'il prit conscience qu'il était mort sans communion, sans avoir eu le temps de se repentir de la moindre chose ni de faire ses adieux à qui que ce soit, à seize heures et sept minutes du dimanche de Pentecôte.

Eva nous propose sa deuxième mouture (avec à la fin encore quelques questions) :

Il l'entendit tout près, presque à côté de lui, et le vit aussitôt sur la branche la plus basse du manguier.
- Espèce de canaille - lui cria-t-il.
Le perroquet répliqua sur le même ton :
- Entre nous, docteur, c'est toi le plus canaille.
Il continua à lui parler sans le quitter des yeux, tout en s'affairant à chausser ses bottines avec précaution pour ne pas l'effrayer, à enfiler ses bretelles puis à descendre dans la cour encore boueuse, tâtonnant avec sa canne pour ne pas trébucher sur les trois marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas d'une plume. Il était si bas, qu'il lui tendit sa canne pour qu'il se pose sur le pommeau d'argent, comme il avait l'habitude de le faire, mais le perroquet l'esquiva. Il sauta sur une branche contiguë, un peu plus haute mais d'accès facile, là où était posée l'échelle de la maison déjà bien avant que les pompiers ne vinssent. Le docteur Urbino jaugea la hauteur et pensa qu'en montant deux barreaux il pouvait l'attraper. Il grimpa sur le premier, tout en chantant une chanson charmeuse pour distraire l'attention de l'animal farouche qui répétait les paroles sans la musique, mais tout en s'éloignant sur la branche à petits pas latéraux. Il monta sur le second barreau sans peine, les deux mains bien cramponnées à l'échelle, et le perroquet se mit à répéter la chanson entière sans décamper de sa place. Il grimpa sur le troisième barreau et, dans la foulée, sur le quatrième, car il avait mal évalué la hauteur de la branche, et, tandis qu'il tenait fermement le montant de la main gauche, il essaya d'attraper le perroquet de la droite. Digna Pardo, la vieille servante qui venait le prévenir qu'il allait être en retard pour l'enterrement, vit, de dos, l'homme perché sur l'échelle, et elle n'aurait pu croire que c'était lui si ce n'avait été grâce aux rayures des bretelles élastiques.
- Dieu tout puissant! - s'écria-t-elle- Il va se tuer!
Le docteur Urbino empoigna le perroquet par le cou dans un soupir triomphant : "ça y est". Mais il le lâcha aussi vite, car l'échelle se déroba sous ses pieds et, l'espace d'un instant, il resta suspendu en l'air; c'est alors qu'il prit conscience qu'il était mort sans communier, sans avoir eu le temps de se repentir de rien ni de faire ses adieux à personne, à seize heures et sept minutes du dimanche de Pentecôte.

Gabriel García Márquez, El amor en los tiempos del cólera, 1985.

(je reste peu convaincue de la traduction de "sin cambiar de lugar", car ce qui me paraîtrait le plus approprié serait une expression du style "sans bouger d'un iota" mais qui me semble trop répétitive par rapport à "sans bouger d'une plume" utilisé plus haut ; ou alors faudrait-il déplacer cette expression à cet endroit et ne laisser plus haut que "sans bouger" ?
Pour le "ça y est", faut-il le mettre entre guillemets pour rendre l'idée qu'il a été exprimé tel quel, en français, ou y a t-il d'autres moyens ?

***

Carole nous propose sa traduction :

Il l’entendit tout près, presque à côté de lui, et il le vit aussitôt sur la branche la plus basse du manguier.
-Quel effronté ! lui cria-t-il.
Le perroquet répliqua d’une voix identique :
- Encore plus effronté, ce sera toi, Docteur.
Il continua à lui parler sans le perdre de vue, tandis qu’il mettait ses bottines avec beaucoup de précaution pour ne pas l’effrayer. Il mit ses bras dans ses bretelles, et descendit dans la cour encore boueuse en tâtant le sol avec sa canne pour ne pas trébucher sur les trois marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas. Il était si bas qu’il lui tendit sa canne pour qu’il se posât sur le pommeau d’argent, comme à son habitude, or le perroquet l’esquiva. Il sauta sur une branche contiguë, un peu plus haute, mais facile d’accès, où était appuyée l’échelle de la maison avant l’arrivée des pompiers. Le docteur Urbino calcula la hauteur, et il estima qu’en montant deux barreaux, il pouvait l’attraper. Il monta sur le premier, en chantant une chanson familière pour détourner l’attention de l’animal effarouché qui répétait les paroles sans la musique, mais tout en reculant en pas chassés sur la branche. Il monta sur le deuxième barreau sans difficulté, agrippé à l’échelle avec les deux mains, et le perroquet commença à répéter la chanson en entier sans changer de place. Il monta sur le troisième barreau et sur le quatrième dans la même foulée, car il avait mal calculé la hauteur de la branche, puis il se cramponna alors à l’échelle avec la main gauche et essaya d’attraper le perroquet avec la droite. Digna Pardo, la vieille servante qui venait l’avertir qu’il allait être en retard à l’enterrement, vit de dos l’homme juché sur l’échelle et ne pouvait croire que c’était lui, si elle ne l’avait pas reconnu aux rayures de ses bretelles élastiques.
-Seigneur Jésus ! -cria-t-elle- Vous allez vous tuer !
Le docteur Urbino se saisit du perroquet par le cou dans un soupir de triomphe : ça y est. Mais il le lâcha immédiatement, parce que l’échelle glissa sous ses pieds et il resta un instant suspendu dans les airs, et il parvint alors à se rendre compte qu’il était mort sans communion, sans avoir le temps de se repentir de rien ni de dire au revoir à personne, à quatre heures et sept minutes de l’après-midi, le dimanche de pentecôtes.

***

Brigitte – qui ne saurait laisser passer une traduction devant sa fenêtre sans l'inviter à entrer boire un café… même rapidement (figurez-vous que je lui ai demandé de se chronométrer sur ce texte-là et que nous arrivons au résultat suivant : 1h11… sans dictionnaire) – nous propose sa traduction :

Il l’entendit tout près, presque à côté de lui, et il le vit aussitôt sur la branche la plus basse du manguier.
- Chenapan ! – lui cria-t-il
Le perroquet lui répondit d’une voix identique :
- Tu es sûrement plus chenapan que moi, Docteur.
Il continua à parler avec lui sans le quitter des yeux, pendant qu’il enfilait ses guêtres en prenant soin de ne pas l’effrayer, et il glissa les bras dans ses bretelles, puis il descendit dans le patio encore boueux, tâtonnant le sol avec sa canne pour ne pas trébucher sur les trois marches de la terrasse.
Le perroquet ne bougea pas. Il était tellement bas sur la branche qu’il lui présenta sa canne pour qu’il se pose sur le pommeau d’argent, comme il en avait l’habitude, mais le perroquet s’esquiva. Il sauta sur une branche contiguë, un peu plus haute mais d’accès facile, sur laquelle était appuyée l’échelle de la maison avant la venue les pompiers. Le docteur Urbino évalua la hauteur, et pensa qu’il lui suffirait de monter deux barreaux pour pouvoir l’attraper.
Il gravit le premier échelon en entonnant une chanson de complice pour détourner l’attention de l’animal farouche qui répétait les paroles sans l’air, mais en s’éloignant sur la branche de façon latérale. Il gravit le deuxième barreau sans difficulté, agrippé des deux mains à l’échelle, et le perroquet commença à répéter la chanson complète sans changer de place. Il gravit le troisième barreau, et le quatrième dans la foulée, car il avait mal apprécié la hauteur de la branche, puis il se cramponna à l’échelle avec sa main gauche et essaya d’attraper le perroquet avec la droite.
Digna Pardo, la vieille servante qui venait l’avertir qu’il commençait à se faire un peu tard pour l’enterrement, vit l’homme de dos, juché sur l’échelle et elle n’aurait pu croire qui c’était si elle n’avait reconnu les rayures des bretelles élastiques.
- Par la vierge Marie et tous ses saints !, s’écria-t-elle, Mais vous allez vous tuer !
Le docteur Urbino saisit le perroquet par le cou avec un soupir de triomphe : ça y est. Mais il le lâcha aussitôt, car l’échelle se déroba sous ses pieds et il resta un instant suspendu en l’air. Il réalisa alors qu’il était mort sans avoir communié, sans avoir eu le temps de se repentir de rien ni de dire adieu à personne, à quatre heures et sept minutes de l’après-midi en ce dimanche de Pentecôte.

***

Olivier nous propose sa traduction :

Il l’entendit tout près, presque à côté de lui, et le vit aussitôt sur la branche inférieure du manguier.
- Vieille crapule ! lui cria-t-il.
Le perroquet lui répondit sur le même ton :
- Vieille crapule toi-même, docteur !
Il continua à lui parler, le surveillant du coin de l’œil, pendant qu’il enfilait ses boots en prenant garde à ne pas l’effrayer. Il passa ses bretelles et descendit dans la cour, encore sous la boue, en tâtant le sol avec sa canne pour ne pas se prendre les pieds dans les trois premières marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas d’un poil. Il était si bas qu’il lui tendit sa canne afin qu’il puisse se poser, comme à son habitude, sur le pommeau en argent. Mais le perroquet l’ignora. Il sauta sur une branche voisine, juste au-dessus mais facile à atteindre, où s’appuyait déjà l’échelle de la maison avant même la venue des pompiers. Le docteur Urbino calcula la hauteur et pensa qu’il pourrait l’atteindre en escaladant deux barreaux de plus. Il mit le pied sur le premier, chantonnant comme si de rien n’était pour distraire l’attention de l’animal rétif, qui répétait les paroles sans la musique, mais tout en s’écartant de quelques pas sur la branche. Il mit le pied sur le deuxième barreau sans problèmes, accroché fermement des deux mains à l’échelle, et le perroquet commença à entonner la chanson complète sans changer de place. Il mit le pied sur le troisième, puis sur le quatrième, car il avait mal calculé la hauteur de la branche, se cramponna au montant de la main gauche et tenta d’attraper le perroquet avec la droite. Digna Parda, la vieille servante qui venait le prévenir qu’il allait être en retard à l’enterrement, vit l’homme de dos, grimpé sur l’échelle. Sans les rayures de ses bretelles élastiques, elle n’aurait pu en croire ses yeux, que c’était bien lui qui était bien là.
- Tabernacle ! – s’écria-t-elle - . Il va se tuer !
Le docteur Urbino attrapa le perroquet par le cou et poussa un soupir triomphal : ça y est*. Mais il le relâcha aussitôt. L’échelle se déroba et il resta suspendu un instant dans l’air. Il se rendit compte alors qu’il était mort sans communion, sans rien regretter faute de temps, sans dire adieu à personne, à quatre heures sept, un dimanche après-midi de Pentecôte.

***

Laure L. nous propose sa traduction :

Il l’entendit vraiment près, presque à côté de lui et l’instant suivant il le vit sur la branche la plus basse du manguier.
– Crapule- lui cria-t-il.
Le perroquet répliqua sur le même ton:
— Le plus crapule des deux, c’est toi, docteur.
Il continua à lui parler sans le perdre de vue. Pendant ce temps, il mit ses bottines avec beaucoup de précaution pour ne pas l’effrayer, il enfila ses bretelles et il descendit dans la cour encore boueuse jaugeant le sol avec sa canne pour ne pas se heurter aux trois marches de la terrasse. Le perroquet ne broncha pas. Il était si bas qu’il lui présenta sa canne pour qu’il se posât sur son pommeau d’argent comme il en avait l’habitude. Mais le perroquet l’évita. Il sauta sur une branche contigüe, un peu plus haute mais facile d’accès, où l’échelle de la maison était appuyée bien avant la venue des pompiers. Le docteur Urbino évalua la hauteur et pensa qu’en montant deux barreau il pouvait lui mettre la main dessus. Il monta sur le premier tout en entonnant un air qui les rendait complice pour distraire l’attention de l’animal farouche qui répétait les paroles sans la mélodie tout en s’enfonçant dans les branches avec des pas de côté. Il monta sur le second barreau sans difficulté, cramponné des deux mains à l’échelle, et le perroquet se mit à répéter la chanson entière sans changer de place. Il monta sur le troisième barreau et en suivant sur le quatrième, car il avait mal évalué la hauteur de la branche, il s’agrippa à l’échelle avec sa main gauche et essaya d’attraper le perroquet avec la droite. Digna Pardo, sa vieille servante qui venait l’avertir qu’il commençait à se faire tard pour l’enterrement, vit l’homme de dos, juché sur l’échelle, et elle n’aurait pu en croire ses yeux si elle ne l’avait pas reconnu aux rayures de ses bretelles élastiques.
— Par tous les saints ! – cria-t-elle – il va se tuer !
Le docteur Urbino saisit le perroquet par le cou avec un soupir de triomphe : ça y est. Mais il le lâcha aussitôt parce que l’échelle se déroba sous ses pieds et il resta un instant suspendu dans l’air ; c’est alors qu’il se rendit compte qu’il était mort sans communion, sans avoir eu le temps de se repentir de quoi que ce soit, ni d’avoir dit adieux à personne, à quatre heures sept l’après-midi du dimanche de Pentecôte.

***

Odile nous propose sa traduction :

Il l'entendit tout près, presque à côté de lui, et le vit aussitôt, sur la branche la plus basse du manguier.
-Crapule- lui cria-t-il
Le perroquet répliqua d'une voix identique :
-Le plus crapule, c'est toi, docteur.
Il continua à parler avec lui, sans le perdre de vue, tandis qu'il mettait ses bottines sans faire de bruit afin de ne pas l'effrayer et passa les bras dans ses bretelles, puis descendit dans la cour encore boueuse, touchant de temps à autre le sol avec sa canne, pour ne pas trébucher à cause des trois marches de la terrasse. Le perroquet ne bougea pas. Il était si près du sol qu'il approcha la canne afin qu'il se pose sur la poignée d'argent, comme il avait l'habitude de faire, mais le perroquet l'esquiva. Il sauta sur une branche contigüe, un peu plus haute mais d'accès facile, contre laquelle était appuyée l'échelle de la maison déjà bien avant que ne viennent les pompiers. Le docteur Urbino calcula la hauteur et pensa qu'en montant sur le deuxième barreau, il pouvait l'attraper. Il monta sur le premier, tout en chantant une chanson qui leur était familière, afin de distraire l'attention de l'oiseau farouche qui répétait les paroles sans la musique, mais s'éloignait peu à peu en se déplaçant latéralement. Il posa le pied, sans difficultés, sur le deuxième barreau, agrippé des deux mains à l'échelle, et le perroquet commença à répéter la chanson tout entière, sans bouger de place. Il monta sur le troisième barrreau, puis sur le quatrième, car en fait il avait mal calculé la hauteur de la branche, et se retint à l' échelle avec la main droite essayant d'attraper le perroquet avec la gauche. Digna Pardo, la vieille domestique qui venait le prévenir du retard pris pour l'enterrement, vit de dos l'homme monté sur l'échelle et n'arrivait pas à croire que c'était bel et bien lui, si elle ne l'avait reconnu grâce aux rayures des bretelles élastiques.
-Par tous les saints!-cria-t-elle- Vous allez vous tuer!
Le docteur Urbino agrippa le perroquet par le cou avec un soupir de triomphe : ça y est. Mais il le lâcha aussitôt, car l'échelle glissa sous ses pieds. Il resta un moment suspendu en l'air et se rendit alors compte qu'il était mort sans avoir communié, sans s'être repenti de rien ni dire au revoir à personne, à quatre heures et sept minutes de l'après-midi du dimanche de Pentecôte.

33 commentaires:

Tradabordo a dit…

Remarque 1 :

« presqu'à côté »
Il y a une faute d'orthographe grammaticale. Attention : on ne peut faire l'élision car le "e" final s'élide seulement dans presqu'île.

Tradabordo a dit…

Remarque 2 :

le "immédiatement" peut être un peu travaillé… Il y a un adverbe simple et qui serait plus naturel ici. Il l'entend et presque simultanément il le voit.
La solution ?

Tradabordo a dit…

Remarque 3 :

L'adjectif « effronté » manque un peu de force. Il faut bien se mettre dans la tête du personnage qui est à la recherche de son perroquet depuis un moment déjà et se dit qu'il va devoir aller le déloger de son perchoir improvisé. Il n'est pas sans savoir que ce sera ardu !
Que proposez-vous ?

Tradabordo a dit…

Remarque 4 :

« d'une voix identique »… Certes la traduction littérale est satisfaisante, mais je me demande s'il s'agit véritablement d'une imitation de la voix en soi ou plutôt du contenu et du mode d'expression… Avec ces deux petits indices, je ne doute pas que vous trouviez le mot et donc la traduction que je cherche.

Tradabordo a dit…

Remarque 5 :

La réponse du perroquet est correcte mais assez plate ainsi formulée. Il faut à la fois qu'il y ait de l'humour et de la vivacité. Il s'agit qu'on comprenne bien que nous avons à faire à une bestiole plus que récalcitrante et, surtout, très très très insolente.

Tradabordo a dit…

Remarque 6 :

« Il continua à parler avec lui » ; de nouveau, on peut être un peu plus naturel qu'avec la traduction littérale (qui, dans ce cas, reste également correcte). D'autant que même si le perroquet lui a répondu une fois, ça n'est pas non plus un interlocuteur à part entière.
Préférons : Il continua à lui parler.

Tradabordo a dit…

Remarque 7 :

« pendant qu'il enfila » est incorrect. On ne peut le construire avec le passé simple. Mais en même temps, je vous ai demandé de ne pas traduire le passé simple par de l'imparfait… À l'évidence, comme toujours en traduction, il y a des exceptions. Cela dit, je vais vous demander ici de trouver une solution qui ne serait ni le passé simple ni l'imparfait. Avez-vous une idée ?

Tradabordo a dit…

Remarque 8 :

« avec grande attention », n'est pas très bon. Il faut reformuler cela. Comme toujours, vous aurez la solution en vous mettant à la place du personnage et en vous demandant ce que vous diriez vous-même dans le même contexte. Ce que j'appelle les "équivalents situationnels".

Tradabordo a dit…

Remarque 9 :

« passa les bras dans ses bretelles »… me semble correct mais peut-être un peu bizarre. Je me demande juste si nous n'aurions pas intérêt à dire cela plus simplement, c'est-à-dire sans décrire le geste mais le désigner en soi : avec quelque chose comme « il enfila ses bretelles ». Mais je ne suis pas certaine d'avoir raison. J'attends votre avis. Si ce qui vous inquiète c'est la répétition du verbe "enfiler"… nous avons quelques solution de rechange pour les bottines.

Tradabordo a dit…

Remarque 10 :

« Le perroquet ne bougea pas d'une plume »
Je crois que vous ajoutez un peu au texte… (en l'occurrence un petit trait d'humour) mais c'est une bonne idée.

Tradabordo a dit…

Remarque 11:

« il lui tendit le bâton »
Deux choses ici :
- LE bâton… lequel ? Celui de qui ? Nous sommes confrontés là toujours au même problème… Cela va être facile de vous corriger.
- Étant donné la description qui en est faite, croyez-vous adapté de parler d'un "bâton" ? N'y aurait-il pas un terme plus approprié ?

Tradabordo a dit…

Remarque 12 :

- Attention au féminin de contigu : CONTIGUË (sur le e)

- Accès : 2 "c"… c'est sans doute une étourderie. Mais le jour du concours, il faut tout relire, très attentivement, même ces mots qui ne nous posent apparemment pas de problème. Ce serait idiot de perdre des points là-dessus.

Tradabordo a dit…

En guise de comparaison, je mets aujourd'hui en ligne la traduction de trois étudiants du M2… À vous de bien regarder ce qu'ils ont fait. Ce ne sont évidemment pas des absolus, mais des très bons points de départ… avec des styles très différents.

Tradabordo a dit…

Remarque 13 :

« estima la hauteur »… Il y a un verbe bien plus adapté. On l'emploie aussi pour les distances

Tradabordo a dit…

Remarque 14 :

« Il grimpa le premier » ; il faut "sur"… sinon, c'est incorrect. Allez voir pour plus de détails l'explication dans Le Robert, dictionnaire des difficultés du français (Jean-Paul Colin), p.271.

Tradabordo a dit…

Remarque 15 :

« Une chanson complice »… je pense que pour un lecteur français qui n'aurait pas la V.O. en regard, c'est assez compliqué à comprendre. Ça oblige à une deuxième, voire à une troisième lecture. Et encore, je ne suis même pas certaine qu'ensuite, le sens apparaisse clairement. Peut-être serons-nous obligés de passer par une périphrase. N'hésitez pas à regarder ce qu'ont fait nos deux apprentis traducteurs… à donner votre avis.

Eva a dit…

N'ayant d'autre idée que "aussitôt" proposé par Brigitte, je trouve que c'est l'adverbe qui semble correspondre le mieux à la simultanéité de l'action; Pour ce qui est d"éffronté" on pourrait peut-être le remplacer par "canaille" ce qui pourrait donner dans la réplique du perroquet " De nous deux c'est toi le plus canaille, docteur."ou "Entre nous, docteur, vous êtes bien plus canaille."?

Eva a dit…

Pour remplacer la "voix identique" j'ai hésité à utiliser "d'une même voix" car il me semble que cela renvoie aussi à une façon simultanée de s'exprimer (lorsque plusieurs personnes répondent la même chose en même temps...) qui n'est pas présente ici; cela dit peut-être "sur le même ton" suffirait à rendre à la fois l'intonation et l'intention?

Eva a dit…

"Pendant qu'il enfila"...en effet je m'étais beaucoup interrogée pour cette construction car en pensant recourir au participe présent "(tout) en enfilant..."(qui me semblait pouvoir éviter passé simple ou imparfait sans perdre la notion temporelle)je pensai qu'il deviendrait redondant avec le "tâtonnant" qui suivait, par traduction d'un participe présent dans le texte cette fois. Y a-t-il une autre solution?
Pour la "grande attention" peut-être "avec précaution" semblerait-il plus naturel.
Pour ce qui est du bâton je pense évidemment que canne est beaucoup plus approprié...j'en conviens, un bâton au pommeau d'argent me paraît bien incongru rétrospectivement! Pour "estima" la hauteur je ne voulais pas répéter le "évalua "employé plus bas; peut- être "jugea" permettrait de concilier tout cela?

Eva a dit…

Enfin, pour remplacer la "chanson complice" plutôt vague,(qui d'ailleurs me semble mieux amenée par un "entonnant" que "chantant" qui tient du pléonasme) serait-il trop lourd de dire "une chanson inspirant la confiance",ou "charmeuse" tout simplement; ou alors, en s'écartant (peut-être trop) "poussant la chansonnette l'air de rien"?

Anonyme a dit…

Remarques 3, 4, 5 : Pour rendre l'exclamation plus vivante et montrer l'agacement de l'homme, je propose de dire plutôt : "Espèce de chenapan ! " (chenapan semble un peu faible, non ? ) ou même "Espèce de crapule !" et le perroquet répondrait alors "sur le même ton" "Espèce de crapule toi même !" ou "C'est plutôt toi l'espèce de crapule !" comme le disent les enfants lorsqu'ils se chamaillent.
Est-ce trop s'éloigner du texte ?
Qu'en pensez-vous ?

Tradabordo a dit…

Remarque 16 :

« mais tout en s'éloignant sur la branche par de petits pas latéraux »

Plutôt "à" que "par de"…

Tradabordo a dit…

Remarque 17 :

« sans changer de place »
Est-ce que ça ne mérite pas un petit travail pour rendre cela plus amusant ?

Tradabordo a dit…

Remarque 19 :

« et il s'accrocha alors à l'échelle de la main gauche tandis qu'il essaya d'attraper le perroquet de la droite »

Le début n'est pas très naturel. Encore une fois, dans le cas précis de ce texte (j'insiste bien là dessus. Pas question de généraliser à partir de cet exemple bien particulier), nous sommes confrontés aux limites de la traduction littérale. Rendu à ce point de son travail, le traducteur littéraire – qui, évidemment, ne poursuit pas le même objectif que le candidat au CAPES – doit déjà avoir conscience de ce que le roman de García Márquez exigera de lui… à savoir une attention constante pour ne jamais se laisser aller au calque, au sens strict. Ce qui sera en revanche la consigne à suivre dans quantité d'autres textes.

« Tandis qu'il essaya » est à reprendre !

Tradabordo a dit…

Remarque 20 :

« qui venait le prévenir qu'il commençait à se faire tard pour l'enterrement »

Quel sens la phrase ainsi formulée ? Je me répète : le lecteur français n'a pas la V.O. en parallèle (sinon, à quoi bon lire votre traduction ? Rares sont ceux à faire cette lecture croisée… Heureusement !). Ce qui suppose que, sans pour autant aplatir le texte, vous devez vous efforcer que votre traduction soit toujours claire. Or là… je ne suis pas certaine de comprendre et je crois même que le lecteur lambda suspecterait – à juste titre – un petit CS.
Relisez un peu mieux le texte original et, comme toujours, écrivez aussi naturellement que possible. La question à se poser est la suivante : quelle action décrivez-vous et comment cela s'écrit-il spontanément en français ?

Tradabordo a dit…

remarque 21 :

« vit de dos l'homme perché sur l'échelle et elle n'aurait pu croire que ce fût lui si elle ne l'avait reconnu par les rayures des bretelles élastiques »

Un sérieux problème de grammaire… qui fait que votre phrase est très embrouillée, voire incompréhensible. À reprendre impérativement. Comme d'habitude : faites simple !

Tradabordo a dit…

Remarque 22 :

« dans un soupir triomphant à la française : "ça y est" »

??????????
Pourquoi donc ce "à la française" ?
Ça n'est pas parce qu'il parle en français que c'est un "soupir à la française". D'ailleurs que serait un soupir à la française par rapport à un soupir à la colombienne ? Plus court ? Plus long ?
Le jour du concours, il faut absolument éviter ce genre de choses… Non seulement ça n'apparaît pas en V.O. (et donc vous faites du zèle intempestif), mais c'est très maladroit.
À reprendre aussi.

Tradabordo a dit…

Remarque 23 :

« Mais il le lâcha aussi vite, car l'échelle se déroba sous ses pieds et il se trouva un instant en suspens dans l'air, et c'est alors qu'il prit conscience qu'il était mort sans communion, sans avoir eu le temps de se repentir de la moindre chose ni de faire ses adieux à qui que ce soit, à seize heures et sept minutes du dimanche de Pentecôte »

Globalement la fin demande à être reprise. À présent que vous connaissez les enjeux de cette traduction (impossibilité de s'en tenir à une littéralité absolue), il faut vraiment que vous fassiez un effort sur l'écriture en elle-même, pour rendre naturel et lisser les aspérités de l'espagnol (que je sens trop derrière). Tout cela est un peu raide et pas assez distancié par rapport à la V.O.
Et puis attention à l'essoufflement. Le candidat au CAPES comme le traducteur littéraire doit se garder de l'usure naturelle… un phénomène qui pourrait vous pousser à multiplier les erreurs – plus ou moins graves – dans les dernières lignes. Pas de relâchement !!!
Si vous avez le courage… Eva, ce serait bien que vous repreniez tout depuis le début pour une deuxième mouture, réalisée à partir de mes remarques, de celles de Brigitte et d'une lecture attentive des autres traductions proposées. Il ne s'agit pas faire un patchwork… mais d'essayer de voir comment améliorer votre version.

Tradabordo a dit…

Remarque à Carole :

Est-ce qu'on apostropherait quelqu'un en lui disant « Quel effronté ! » ?

Tradabordo a dit…

Remarque 2 à Carole :

- Encore plus effronté, ce sera toi, Docteur.

Outre que la construction manque vraiment de naturel, il y a un problème grammatical. À reprendre !

Tradabordo a dit…

Remarque 3 à Carole :

« tandis qu’il mettait ses bottines avec beaucoup de précaution pour ne pas l’effrayer. Il mit ses bras dans ses bretelles ».

Outre la répétition du verbe "mettre", je pense que pour un lecteur français "mettre les bras dans ses bretelles" n'est pas très clair. Bien sûr, je comprends… mais pour un traducteur littéraire, ça ne suffit pas. Est-ce ainsi qu'on le dirait spontanément ?

Tradabordo a dit…

Remarque 4 à Carole :

« tâtant le sol avec sa canne »
Est-ce qu'on tâte le sol, a fortiori avec une canne ?

Tradabordo a dit…

Réponse aux deux questions posées par Eva dans sa deuxième mouture :

Effectivement… pour ne pas répéter un effet (en l'occurrence l'humour), mieux vaut n'utiliser l'expression "pas bouger d'une plume" qu'une seule fois (à vous de voir si au début ou à la fin du texte). Ou alors vous pouvez opter pour la solution du jeu d'échos interne, par exemple avec la surenchère… Ce qui suppose de trouver quelque chose d'encore plus "petit" que la plume. « Pas bouger d'? » Je vous laisse chercher.

Pour le problème du texte en français.
Le fait de le mettre en italique implique en soi que c'était au départ en français. Donc pas d'autre signalement nécessaire.