lundi 22 décembre 2008

Devoir de vacances (Noël), 1

En photo : Libros clasicos par FernandoRey

À faire en 2h30, sans dictionnaire
(sujet donné au concours – CAPES externe – en 2004)

Gustavo Barceló era un viejo colega de mi padre, dueño de una librería cavernosa en la calle Fernando que capitaneaba la flor y nata del gremio de libreros de viejo. Vivía perpetuamente adherido a una pipa apagada que desprendía efluvios de mercado persa y se describía a sí mismo como el último romántico. Barceló sostenía que en su linaje había un lejano parentesco con lord Byron, pese a que él era natural de la loicalidad de Caldas de Montbuy. Quizá con ánimo de evidenciar esta conexión, Barceló vestía invariablemente al uso de un dandi decimonónico, luciendo fular, zapatos de charol blanco y un monóculo sin graduación que según las malas lenguas no se quitaba ni en la intimidad del retrete. En realidad, el parentesco más significativo en su haber era el de su progenitor, un industrial que se había enriquecido por medios más o menos turbios a finales del siglo XIX. Según me explicó mi padre, Gustavo Barceló estaba, técnicamente, forrado, y lo de la librería era más pasión que negocio. Amaba los libros sin reserva, y aunque él lo negaba rotundamente, si alguien entraba en su librería y se enamoraba de un ejemplar cuyo precio no podía costearse, lo rebajaba hasta donde fuese necesario, o incluso lo regalaba si estimaba que el comprador era un lector de casta y no un diletante mariposón. Al margen de estas peculiaridades, Barceló posía una memoria de elefante y una pedantería que no desmerecía en porte o sonoridad, pero si alguien sabía de libros extraños era él. Aquella tarde, después de cerrar la tienda, mi padre sugirió que nos acercásemos hasta el café de Els Quatre Gats en la calle Montsió, donde Barceló y sus compinches mantenían una tertulia bibliófila sobre poetas malditos, lenguas muertas y obras maestras abandonadas a merced de la polilla.

Carlos Ruiz Zafón, La sombra del viento, Barcelona, Planeta, 2001

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La traduction « officielle », L'Ombre du vent par François Maspero, pour les éditions Grasset, 2004.

Gustavo Barceló était un vieux collègue de mon père, propriétaire d’une librairie caverneuse dans la rue Fernando. La fleur de la corporation des libraires d’ancien le considérait comme son maître. Il vivait perpétuellement collé à une pipe éteinte qui répandait des effluves de marché persan, et se décrivait lui-même comme le dernier romantique. Bien que natif d’une localité de Caldas de Montbuy, Barceló excipait d’une lointaine parenté avec lord Byron. Peut-être dans le but de faire ressortir ce lien, il était toujours habillé à la manière d’un dandy du XIX° siècle, portant foulard, souliers vernis blancs et un monocle parfaitement inutile dont les mauvaises langues disaient qu’il ne le quittait jamais, même dans l’intimité des cabinets. En réalité, la seule parenté dont il pouvait se targuer était celle de son géniteur, un industriel qui s’était enrichi par des procédés plus ou moins douteux à la fin du siècle précédent. D’après mon père, Gustavo vivait, sur le plan matériel, à l’abri du besoin, et la librairie était pour lui plus une passion qu’un commerce. Il aimait les livres à la folie et, bien qu’il le niât catégoriquement, quand quelqu’un entrait dans sa boutique et tombait amoureux d’un ouvrage dont il ne pouvait payer le prix, il baissait celui-ci autant qu’il le fallait, ou en faisait cadeau, s’il estimait que l’acheteur était un authentique lecteur et non un éphémère dilettante. Ces particularités mises à part, Barceló possédait une mémoire d’éléphant, et était d’une pédanterie qui éclatait dans toute sa personne ; mais si quelqu’un s’y connaissait en livres bizarres, c’était bien lui. Cette après-midi-là, après avoir fermé la librairie, mon père suggéra de faire quelques pas en direction du café Els Quatre Gats – Les Quatre Chats –, rue Montsió, où Barceló et ses compères se réunissaient pour discuter poètes maudits, langues mortes et chefs-d’œuvre abandonnés à la merci des mites.

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La traduction que je vous propose :

Gustavo Barceló était un vieil ami de mon père, propriétaire d’une caverneuse librairie de la rue Fernando dirigeant la fine fleur de la corporation des libraires de livres anciens. Il avait perpétuellement à la bouche une pipe éteinte qui exhalait des effluves de marché perse et il se décrivait lui-même comme le dernier des romantiques. Barceló soutenait compter dans son lignage un lointain lien de parenté avec Lord Byron ; ce, alors même qu’il était originaire de la localité de Caldas de Montbuy. Peut-être dans l’intention d’affirmer une telle connexion, Barceló s’habillait invariablement à la façon d’un dandy du dix-neuvième siècle, arborant un foulard, des chaussures vernis blanches et un monocle avec un verre neutre dont, aux dires des mauvaises langues, il ne séparait même pas dans l’intimité des toilettes. En réalité, la parenté la plus significative qu’il pût faire valoir était celle de son géniteur, un industriel qui s’était enrichi par des moyens plus ou moins troubles à la fin du XIXe siècle. Selon ce que m’expliqua mon père, techniquement parlant, Gustavo Barceló roulait sur l’or, et la librairie était, pour lui, plus une passion qu’un négoce. Il aimait les livres sans réserve et, bien qu’il le nia catégoriquement, si d’aventure quelqu’un entrait dans sa librairie et tombait amoureux de quelque exemplaire dont il ne pouvait payer le prix, il lui faisait un rabais aussi bas que nécessaire, ou, même, il le lui offrait s’il estimait que l’acheteur était un lecteur d’élite et non un dilettante inconstant. En dehors de ces particularités, Barceló possédait une mémoire d’éléphant et faisait montre d’une pédanterie dont la pause n’avait rien à envier à la parole, mais si quelqu’un s’y connaissait en livres étranges, c’était bien lui. Cet après-midi-là, après avoir fermé la boutique, mon père me proposa de nous rendre au café d’Els Quatre Gats de la rue Montsió, où Barceló et ses compères bibliophiles se réunissaient pour discuter des poètes maudits, des langues mortes et de chefs-d’œuvre livrés à la merci des mites.

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Brigitte nous propose sa traduction (les étudiants de CAPES qui la liront peuvent faire les commentaires ou poser les questions qu'ils souhaitent ; je suis certaine que Brigitte vous répondra avec plaisir… en bonne enseignante et en traductrice expérimentée qu'elle est).

Gustavo Barceló était un vieil ami de mon père, propriétaire d’une librairie retirée dans la rue Fernando, et qui chapotait la fine fleur de la corporation des libraires de l’édition ancienne. Il vivait accroché en permanence à une pipe éteinte qui dégageait des effluves de marché persan, et il se décrivait lui-même comme le dernier romantique. Bien qu’étant originaire de la localité de Caldas de Montbuy, Barceló affirmait qu’il existait dans sa généalogie une lointaine parenté avec Lord Byron. Peut-être dans le but de rendre ce lien évident, Barceló s’habillait invariablement à la manière d’un dandy du siècle passé, portant foulard, souliers vernis blancs et monocle factice ; monocle dont il ne se déparait jamais, pas même - au dire des mauvaises langues - dans l’intimité du cabinet de toilette.
En réalité, le lien de parenté le plus significatif qu’il possédait, était celui de son géniteur, un industriel qui s’était enrichi par des moyens plus ou moins douteux à la fin du XIXème. Comme me l’expliqua mon père, techniquement, Gustavo Barceló était imbattable, et la librairie était davantage affaire de passion que de négoce. Il aimait les livres sans réserve et, bien qu’il s’en défende énergiquement, si quelqu’un entrait dans sa librairie et tombait amoureux d’un exemplaire qu’il n’avait pas les moyens de payer, il en baissait le prix autant qu’il le fallait ou même, il allait jusqu’à l’offrir gracieusement s’il estimait que l’acheteur était un lecteur digne de ce nom et pas un dilettante papillonnant.
En dehors de ces particularités, Barceló était doté une mémoire d’éléphant et d’une pédanterie qui ne déméritait ni en allure ni en sonorité, mais si quelqu’un était connaisseur en livres étranges, c’était bien lui.
Cet après midi-là, après la fermeture de la boutique, mon père suggéra que nous allions jusqu’au café de Els Quatre Gats, dans la rue Montsió, où Barceló et ses compères tenaient un cercle de bibliophiles sur les poètes maudits, les langues mortes et les œuvres maîtresses livrées à la merci des mites.

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Carole (étudiante du groupe 2 de CAPES) nous propose sa traduction :

Gustavo Barceló était un vieux collègue de mon père, propriétaire d’une librairie caverneuse dans la rue Fernando qui régentait la fine fleur de la confrérie des bouquinistes. Il vivait perpétuellement soudé à une pipe éteinte dont émanaient des effluves de marché persan et il se décrivait lui-même comme étant le dernier des romantiques. Barceló soutenait que dans sa lignée, il y avait une lointaine parenté avec lord Byron, bien qu’originaire de la localité de Caldas de Montbuy. Peut-être mû par l’envie de mettre en évidence ce lien, Barceló portait invariablement, à la manière d’un dandy du dix-neuvième, un foulard brillant, des chaussures vernies blanches et un monocle au verre sans correction qu’il ne quittait jamais, et aux dires des mauvaises langues, pas même dans l’intimité des cabinets. En réalité, la parenté la plus significative à son actif était celle de son progéniteur, un industriel qui avait fait fortune par des méthodes plus ou moins obscures à la fin du XIXe siècle. D’après ce que m’avait expliqué mon père, Gustavo Barceló était, techniquement, plein aux as, et la librairie, c’était plus par passion que pour les affaires. Il aimait les livres éperdument, et bien qu’il le niât catégoriquement, si quelqu’un entrait dans sa librairie et tombait amoureux d’un exemplaire qu’il n’avait pas les moyens d’acheter, il lui baissait le prix jusqu’à ses possibilités, ou même, il lui offrait s’il estimait que l’acheteur était un lecteur pure race et non un dilettante papillonnant. Mises à part ces quelques particularités, Barceló possédait une mémoire d’éléphant et était d’une pédanterie qui ne déméritait ni par son allure, ni par le ton de sa voix, mais si quelqu’un était érudit en livres étranges, c’était bien lui. Cet après-midi-là, après avoir fermé la boutique, mon père suggéra que nous nous avancions jusqu’au café d’Els Quatre Gats dans la rue Montsió, où Barceló et ses acolytes participaient à une causerie bibliophile sur les poètes maudits, les langues mortes et les chefs d’œuvres abandonnés à la merci des mites.

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Olivier nous propose sa traduction :

Gustavo Barcelo était un vieil ami de mon père, propriétaire dans la rue Fernando d’une librairie aux airs de caverne et leader de la fine fleur de la corporation des libraires de livres anciens. Il avait toujours aux lèvres une pipe éteinte qui diffusait des effluves de marché persan et se considérait comme le dernier des romantiques. Barcelo, bien qu’étant né à Caldas de Montbuy, revendiquait une lointaine parenté avec lord Byron. Peut-être pour rendre ce lien évident, Barcelo s’habillait toujours comme un dandy du dix-neuvième siècle, portant foulard, chaussures vernies blanches et un monocle factice, qu’il ne quittait jamais, même dans l’intimité des toilettes, si on en croit les mauvaises langues. Mais en vérité, c’est avec son progéniteur que le lien de parenté était le plus flagrant, un industriel qui avait fait fortune de façon assez trouble à la fin du siècle dernier. Si j’en crois mon père, Gustavo Barcelò était, techniquement, plein aux as, et la librairie était pour lui plus une passion qu’un gagne-pain. Il vouait aux livres un amour sans bornes, et même s’il refusait catégoriquement de l’admettre, si quelqu’un entrait dans sa librairie et tombait amoureux d’un exemplaire au dessus de ses moyens, il en baissait le prix autant qu’il fallait, allant même jusqu’à en faire cadeau s’il estimait que l’acquéreur en valait la peine et n’était pas un simple dilettante papillonant. Ces quelques singularités mises à part, Barcelò possédait une mémoire d’éléphant qui n’avait d’égal que sa pédanterie dans la pose et la voix. Mais si quelqu’un s’y connaissait en livres rares, c’était bien lui. Cet après-midi-là, après avoir fermé la boutique, mon père suggéra que nous fassions un tour du côté de la rue Montsiò, au café Els Quatre Gats, là où Barcelò et ses compères devisaient entre bibliophiles sur les poètes maudits, les langues mortes et les oeuvres majeures vouées aux mites.

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Odile nous propose sa traduction :

Gustave Barceló était un vieil ami de mon père, propriétaire d'une librairie aux airs de caverne dans la rue Fernando, et qui dirigeait la fine fleur de la corporation des libraires de livres anciens. Il avait une pipe éteinte, éternellement rivée à la bouche, qui répandait des effluves de marché persan et se décrivait lui-même comme le dernier des romantiques. Barceló soutenait que dans son ascendance il existait un lointain lien de parenté avec lord Byron, bien qu'il soit lui-même natif de la localité de Caldas de Montbuy. Peut-être afin d' affirmer ce lien, Barcelo s'habillait invariablement dans le style d'un dandy du dix-neuvième siècle, portant foulard, chaussures de cuir verni blanches et un monocle factice dont, aux dires des mauvaises langues, il ne se séparait même pas dans l'intimité des toilettes. En réalité, le lien de parenté le plus significatif à son actif était celui de son géniteur, un industriel qui s'était enrichi de façon plus ou moins trouble à la fin du XIX ème siècle. Selon ce que m'expliqua mon père, Gustave Barceló, en fait, roulait sur l'or, et la librairie était pour lui davantage une passion qu'un négoce. Il aimait les livres sans réserve, et bien qu'il le niât catégoriquement, si quelqu'un entrait dans sa librairie et tombait amoureux d'un exemplaire trop onéreux sa bourse, il en baissait le prix autant que nécessaire, allant même jusqu'à le lui offrir s'il estimait que l'acheteur était un lecteur de classe et non un dilettante inconstant. En dehors de ces particularités, Barceló possédait une mémoire d'eléphant et montrait une pédanterie qui ne déméritait ni en allure ni en puissance de voix, mais si quelqu'un était connaisseur en livres rares, c'était bien lui. Cette après-midi là, après avoir fermé la boutique, mon père suggéra que nous nous rendions au café d'Els Quatre Gats dans la rue Montsió, où Barceló et ses compères tenaient une causerie bibliophile sur des poètes maudits, les langues mortes et sur des oeuvres majeures abandonnées à la merci des mites.

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