lundi 29 décembre 2008

Devoirs de vacances (Noël), 9

En photo : Hormiga sube al albol par Vagamundos

Je pense que vous comprendrez tous, étudiants du groupe 2 de CAPES ou apprentis traducteurs, la saveur particulière qu'il y a dans ce "Hormiga sube al árbol". Ça ne vous rappelle rien ? Peut-être devrais-je alterner, pour laisser el mono se reposer un peu.

À faire en 2h30, sans dictionnaire

Ñam ñam

Nada más entrar en el restaurante nos abordó un chino tan untuoso de modales como pérfido de catadura, que insistió, como primera providencia, en que me despojara de la gabardina que traía abotonada hasta la nuez y la depositara en el guardarropa. Yo me resistí pretextando ser friolero de natural.
—Restaurante ser un horno —perseveró el chino—. Servidor tener camisa pegada a cuerpo.
Se quitó la chaquetilla y nos mostró los húmedos rodetes que circundaban sus axilas. Por no empezar mal la velada me quité la gabardina y la dejé sobre el mostrador del guardarropa. El rostro del chino permaneció inescrutable a la vista de mi atuendo, pero no me pasó por alto el disimulado codazo que le dio a otro chino que por allí pasaba. La Emilia se puso a contemplar la abigarrada decoración del establecimiento como si no me conociera. Mientras el chino me entregaba el resguardo de la gabardina, le pregunté si había llegado un señor italiano, a lo que contestó deshaciéndose en zalamerías :
—Famoso productor estar esperando en reservado. Larga espera. Subirse por paredes.
Nos hizo recorrer un pasillo oscuro que desembocaba en el salón comedor donde había unos pocos comensales con aspecto desvalido, atravesar éste y pasar a un reservado situado al fondo, junto a las cocinas, y separado del resto por unas mamparas como de papel cebolla. Era el reservado una especie de toril con una mesita en el centro a la que alguien, quién sabe con qué intenciones, había serrado las cuatro patas. En la estera que cubría el suelo se sentaba un individuo cincuentón, de aspecto aristocrático, escrupulosamente vestido y agraciado con una perilla blanca que contrastaba con su cabellera color de azafrán. Al vernos entrar hizo el productor, pues de él sin duda se trataba, ademán de levantarse, pero llevaba mucho rato en aquella forzada postura y sólo consiguió soltar una prolongada pedorrera y volver a caer en la misma posición.
—Mi excusi —dijo a la Emilia señalándose la entrepierna—: le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Pasé por alto el sarcasmo y me presenté.
—Soy el agente de la señorita Trash. ¿Habla usted nuestro idioma?
—A fe que lo hablo, y con notable fluidez —dijo el italiano—. Me llaman il poliglota di Cinecittá. ¿Qué les parece si pedimos? Tengo el estómago en los pies. ¡Eh, tú, Fumanchú, ven acá!
El chino, que se había quedado junto a la puerta, asomó la cabeza, más siniestro que nunca.
—Mira —le dijo el productor—, nos traes un poco de esto y un poco de aquello, que así probaremos de todo. Para beber yo quiero una botella de tinto de la casa; a la señorita me le traes un agua mineral sin gas, y a la carabina, una pepsi-cola.
Se retiró sigiloso el chino deslizando una puerta corredera y dejándonos a los tres encerrados en el reservado y sin saber qué decir. Fue la Emilia la que rompió el silencio y lo hizo de un modo harto sorprendente.
—Mire usted, señor —le dijo al productor—, yo no sé quién es usted ni qué quiere de mí, pero puedo asegurarle que esta farsa es innecesaria, porque yo soy ajena a todo este mare mágnum. Me he visto involucrada en él a mi pesar y por mi mala cabeza. Lo único que deseo es vivir en paz y no pasar más sobresaltos. Lo que usted busca, según creo, es un maletín que yo robé en Madrid. El maletín está en la consigna del aeropuerto. Puede usted pasar a retirarlo cuando guste y que buen provecho le haga. En cuanto a mi discreción, puede contar con ella: ni sé nada ni aunque lo supiera iría con el soplo a la policía. Lo único que le pido a cambio es que no se vuelva a interponer en mi vida y, de paso, que tampoco le haga nada a este camarada a quien no voy a dejar en la estacada. No creo que después de esto tengamos nada más que hablar. Aquí tiene usted, señor, el resguardo de la consigna.
Rebuscó en su bolso, sacó un ticket arrugado y se lo dio al productor, que se lo guardó en el bolsillo superior de la americana. Yo no sabía qué cara poner.

Eduardo Mendoza, El laberinto de las aceitunas

***

La traduction « officielle », Le labyrinthe aux olives, réalisée par Françoise Rosset, pour les éditions du Seuil, 1985, p. 89-91 :

À peine entrés dans le restaurant, nous fûmes abordés par un Chinois dont les manières étaient aussi onctueuses que la mine perfide, et qui insista, comme une marque d’attention, pour que je me défasse de la gabardine que j’avais boutonnée jusqu’au cou et la dépose au vestiaire. Je refusai, prétextant ma nature frileuse.
— Restaurant être chaud comme un four, insista le Chinois. Serviteur avoir chemise collé au corps.
Il ôta sa veste et nous montra des ronds de sueur sous ses aisselles. Pour ne pas mal commencer la soirée, j’enlevai ma gabardine et la laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du Chinois demeura impénétrable à la vue de ma tenue, mais le discret coup de coude qu’il donna à un autre Chinois qui passait par là ne m’échappa point. Emilia s’était mise à contempler la décoration bariolée de l’établissement, faisant celle qui ne me connaissait pas. Tandis que le Chinois me remettait un ticket de vestiaire, je lui demandai si un monsieur italien n’était pas arrivé, à quoi il répondit en se pliant en mille courbettes :
— Fameux producteur attendre dans cabinet particulier. Attendre longtemps. Ne plus tenir en place.
Il nous fit parcourir un couloir obscur qui déboucha dans une salle à manger où dînaient quelques clients d’aspect minable. Nous traversâmes cette pièce pour passer dans une autre, proche des cuisines, isolée par des paravents qui semblaient faits de papier pelure. Ce cabinet particulier était une sorte de réduit avec en son centre une petite table dont, Dieu sait dans quel but, on avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui recouvrait le sol était assis un homme, dans la cinquantaine, d’aspect distingué, d’une mise soignée et portant une barbiche blanche qui contrastait avec ses cheveux couleur safran. En nous voyant entrer, le producteur, car il s’agissait sans aucun doute de lui, tenta de se lever, mais il devait être depuis si longtemps dans cette posture inhabituelle qu’il ne parvint qu’à lâcher une longue suite de pets ; puis il retomba dans la même position.
— Mi excusi, dit-il à Emilia en montrant son entrejambe : le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je fis mine de ne pas comprendre le sarcasme et me présentai :
— Je suis l’agent de Mlle Trash. Parlez-vous notre langue ?
— Certes, et assez couramment même, dit l’Italien. On m’appelle il poliglota di Cinecittà. Si nous commandions le menu, qu’en pensez-vous ? J’ai l’estomac dans les talons. Eh ! toi, Fu Manchu, approche !
Le Chinois qui était resté près de la porte, passa une tête plus sinistre que jamais.
— Écoute, commanda le producteur, tu vas nous apporter un peu de ceci et un peu de cela, pour que nous goûtions à tout. Pour boire, je veux une bouteille de vin rouge de la maison ; tu apporteras de l’eau minérale sans gaz pour mademoiselle et, pour ce zigoto, un Pepsi-Cola.
Le Chinois se retira sans bruit en refermant la porte glissante qui nous laissa enfermés tous les trois dans le cabinet particulier sans que nous sachions quoi nous dire. C’est Emilia qui rompit le silence et d’une manière tout à fait inattendue.
— Voyez-vous, monsieur, dit-elle au producteur, je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous attendez de moi, mais je puis vous assurer que toute cette mise en scène est inutile car je n’ai rien à voir dans cet embrouillamini. On m’y a fourrée malgré moi et j’ai cédé par étourderie. Tout ce que je demande, c’est qu’on me laisse vivre en paix. Je pense que vous cherchez une mallette que j’ai volée à Madrid. Elle est à la consigne de l’aéroport. Vous pouvez passer la reprendre quand vous voudrez et grand bien vous fasse ! Vous pouvez compter sur ma discrétion : je ne sais rien et, même si je savais quelque chose, je ne dirais rien à la police. La seule chose que je vous demande en échange, c’est de ne plus intervenir dans ma vie et, soit dit en passant, de ne rien faire non plus à mon camarade ici présent, que je ne veux pas laisser tomber. Je crois que nous n’avons rien d’autre à nous dire. Voici, monsieur, le bulletin de consigne.
Elle fouilla dans son sac, en sortit un ticket froissé et le donna au producteur qui l’introduisit dans la poche intérieure de sa veste. Moi, je ne savais pas quelle tête faire.

***

La traduction que je vous propose :

Miam Miam

À peine entrés dans le restaurant, nous fûmes abordés par un Chinois dont les manières étaient aussi onctueuses que la mine était perfide. Il insista pour que, toutes affaires cessantes, je me défasse de la gabardine que je portais boutonnée jusqu'au cou et que je la laisse au vestiaire. Je renâclai, prétextant être de nature frileuse.
— Restaurant être four – revint à la charge le Chinois. Serveur avoir chemise collée à corps.
Joignant le geste à la parole, il ôta son gilet et nous montra les auréoles de sueur qu'il avait sous les bras. Ne voulant pas que la soirée commence mal par ma faute, j'enlevai finalement ma gabardine et la posai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du Chinois demeura de marbre à la vue de mon accoutrement, mais je ne manquai pas pour de remarquer le discret coup de coude qu'il envoya à un autre Chinois qui passait dans le coin. Emilia, elle, s'absorba dans la contemplation de la décoration bariolée de l'établissement, comme si elle ne me connaissait pas. Tandis que le Chinois me remettait le ticket pour ma gabardine, je lui demandai si un monsieur italien était arrivé. Il répondit, avec force courbettes :
— Célèbre producteur attendre dans salon privé. Lui attendre longtemps. Lui comme un camion de puces.
Il nous fit parcourir un couloir sombre débouchant dans une salle à manger où dînaient une poignée de clients à l'aspect plutôt minable. Nous la traversâmes puis nous entrâmes dans un salon privé situé au fond, près des cuisines, et séparé du reste par des paravents en papier pelure. Ce salon privé ressemblait à une espèce de toril, avec, au centre, une petite table à qui, Dieu seul sait pourquoi, quelqu'un avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui couvrait le sol, était assis un homme, la cinquantaine bien tassée, à l'allure aristocratique, soigneusement vêtu et favorisé par une barbiche blanche en contraste avec la couleur safran de sa chevelure. En nous voyant arriver, le producteur – car il ne pouvait s'agir que de lui – fit mine de se lever ; mais, comme il était resté dans cette inconfortable position pendant un bon moment, tout ce qu'il obtint fut de lâcher un chapelet de perlouzes et de retomber dans la même position.
— Mi excusi – dit-il à l'attention d'Emilia en désignant son entrejambe. Le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je passai outre le sarcasme et me présentai.
— Je suis l'agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
— Certes oui, et assez couramment de surcroît – répondit l'Italien. On m'appelle il poliglota di Cinecittá. Bien… et si nous commandions ? J'ai l'estomac dans les talons. Eh toi, Chang viens voir un peu ici !
Le Chinois, qui était resté près de la porte, avança la tête, plus sinistre que jamais.
— Écoute donc – lui lança le producteur –, tu vas nous apporter un peu de ceci et un peu de cela, pour qu'on goûte de tout. Côté boissons, moi, je vais prendre une bouteille de rouge de la maison ; pour la petite demoiselle, là, ce sera de l'eau minérale plate et pour l'autre chaperon, un Pepsi-Cola.
Le Chinois se retira discrètement en refermermant derrière lui une porte coulissante, nous laissant tous les trois prisonniers de ce salon privés et sans savoir quoi dire. C'est finalement Emilia qui rompit le silence, au demeurant d'une manière particulièrement inattendue.
— Voyez-vous, monsieur – interpella-t-elle le producteur – j'ignore qui vous êtes et ce que vous me voulez, mais je peux vous assurer que toute cette mise en scène est inutile, parce que personnellement, je n'ai rien à voir dans cet imbroglio. Je m'y suis trouvée impliquée bien malgré moi et par un manque de jugeote. La seule chose que je souhaite, c'est vivre en paix et sans davantage d'émotions de la sorte. À ce que je comprends, vous êtes à la recherche d'une malette que j'ai volée à Madrid. Or cette malette se trouve à la consigne de l'aéroport. Vous pouvez passer la retirer quand bon vous semble. Grand bien vous fasse ! Sachez que vous pouvez compter sur ma discrétion : je ne sais rien, et même si je savais quoi que ce soit, loin de moi l'intention d'aller chanter chez la police. Tout ce que je vous demande en échange, c'est de ne plus intervenir dans ma vie, et, par la même occasion, de ne rien faire non plus contre mon camarade ici présent, que je n'ai pas l'intention de laisser tomber comme une vieille chaussette. Sur ces bonnes paroles, je crois que nous n'avons rien d'autre à nous dire. Cher monsieur, voici le ticket de la consigne.
Elle fouilla dans son sort, en sortit ledit ticket, froissé, et le remit au producteur, qui le rangea dans la poche intérieure de sa veste. Quant à moi, j'étais bien en peine de savoir quelle tête il fallait que je fasse.

***

Vanessa nous propose sa traduction avec une demande d'indulgence formulée en ces termes : « je pense que ma traduction ressemble plus à el mono platano comer en el arbol que à la hormiga en el arbol, pero bueno… »

Nam, Nam

Au moment où nous entrions, nous aborda un chinois aussi onctueux de manières que perfide d’aspect, qui insista, comme première providence, pour que j’ôtasse l’imperméable que je portais boutonné jusqu’à la pomme d’Adam et que je laissasse au vestiaire. Je m’y niais prétextant être frileux de nature.
— Restaurant être comme un four – persévéra le chinois. Serveur avoir chemise collée au corps.
Il enleva son gilet fin et nous montra les humides auréoles de sueur qui entouraient ses aisselles. Pour ne pas mal commencer la soirée, j’enlevai mon imperméable et le laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du chinois resta impénétrable à la vue de mon accoutrement, mais il ne put me dissimuler le discret coup de coude qu’il donna à un autre chinois qui passait par-là. La Emilia se mit à contempler la bigarrée décoration de l’établissement comme si elle ne me connaissait pas. Alors que le chinois me donnait le ticket du vestiaire pour l’imperméable, je lui demandai si était arrivé un homme italien, ce à quoi il répondit en s’attardant sur des détails.
— Célèbre producteur être en train d’attendre dans salon privé. Longue attente. Monter aux murs.
Il nous fit parcourir un couloir sombre qui débouchait dans la salle de restauration où il y avait quelques clients avec un air déshérité, traverser celle-ci et passer dans un salon privé situé au fond, à côté des cuisines, et séparé du reste par des paravents semblables à du papier oignon. Le salon privé était une espèce de toril avec une table basse au milieu, à laquelle, quelqu’un avec qui sait quelles intentions, avait scié les quatre pattes. Sur le tapis qui couvrait le sol était assis un individu d’une bonne cinquantaine d’années, à l’aspect aristocratique, scrupuleusement vêtu et à la grâce d’une petite barbe blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. En nous voyant entrer le producteur fit, il ne pouvait s’agir que de lui, geste de se lever, mais il était resté assis tant de temps dans cette posture forcée qu’il ne parvint qu’à émettre une longue flatulence et retomber dans la même position.
— Mi excusi – dit-il à la Emilia lui montrant son entrejambes. Le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je passai outre le sarcasme et me présentai.
— Je suis l’agent de Mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
— Evidemment que je la parle, et avec une remarquable fluidité – dit l’italien – On m’appelle il poliglota di Cinecitta. Qu’est-ce que vous en pensez si nous commandons ? J’ai l’estomac dans les chaussettes. Eh, toi, Fumanchu, viens ici !
Le chinois qui était resté près de la porte, tendit la tête, plus sinistre que jamais.
— Ecoute, lui dit le producteur, tu nous amènes un peu de ceci et un peu de cela, et ainsi on goûtera à tout. Comme boisson, moi je veux une bouteille de vin rouge de la maison, à la jeune femme tu me lui amènes de l’eau minérale, et à la carabine, un pepsi-cola.
Le chinois se retira discret faisant glisser une porte coulissante nous laissant ainsi tous les trois enfermés dans le salon privé et sans savoir que dire. Ce fut la Emilia qui brisa le silence et elle le fit d’une façon extrêmement surprenante.
— Voyez-vous, Monsieur – dit-elle au producteur –, moi je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce n’est pas nécessaire, car je suis étrangère à tout ce mare magnum. Je me suis vue intégrée dans celui-ci à mon grand regret et à cause de ma mauvaise tête. La seule chose que je désire est vivre en paix et ne plus avoir de sursauts. Ce que vous cherchez, d’après ce que je pense, c’est une mallette, que j’ai volée à Madrid. La mallette se trouve à la consigne de l’aéroport. Vous pouvez allez la reprendre quand vous voulez et que cela vous fasse le plus grand bien. Quant à ma discrétion, vous pouvez y compter : je ne sais rien et même si je le savais je n’irais pas le raconter à la police. La seule chose que je vous demande en échange est que vous ne vous interposiez plus dans ma vie et, soit dit en passant, que vous ne fassiez rien à ce camarade que je ne vais pas laisser tomber. Je ne pense pas qu’après ceci nous ayons quelque chose à ajouter. Ici vous avez, Monsieur, le ticket de la consigne.
Elle fouilla dans son sac, en sortit un ticket chiffonné et le donna au producteur, lequel le garda dans la poche supérieure de sa veste. Moi, je ne savais quelle tête faire.

***

Aurélie Breuil nous propose sa traduction :

Ñam ñam

Aussitôt entrés dans le restaurant, on fut abordé par un chinois aux manières aussi mielleuses qu’à la mine perfide. Comme première prévoyance, il insista pour que je me dévête de ma gabardine que je portais boutonnée jusqu’à la pomme d’Adam et pour que je la dépose dans le vestiaire. Moi je résistai prétextant être frileux par nature.
-Restaurant être un four-persévéra le chinois-, Serviteur avoir chemise collée au corps.
Il enleva sa petite veste et nous montra les tortillons humides qui encerclés ses aisselles. Pour ne pas mal commencer la veillée, j’enlevai ma gabardine et je la laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du chinois resta impénétrable à la vue de ma toilette, mais le coup de coude donné en douce à un autre chinois qui passait par là ne m’échappa pas. L’Emilia commença à contempler la décoration bigarrée de l’établissement comme si elle ne me connaissait pas. Tandis que le chinois me confiait le reçu de la gabardine, je l’interrogeai si un monsieur italien était arrivé, ce à quoi il répondit en se confondant en salamalecs:
-Fameux producteur être en train d’attendre dans salon privé. Longue attente. Monter aux murs.
Il nous fit parcourir un petit couloir sombre qui débouchait dans la salle à manger ou il y avait quelques convives à l’aspect déshérité, il nous la fit traverser et aller dans un salon privé situé au fond, près des cuisines, et séparé du reste par des paravents fins comme de la peau d’ognon. Le salon réservé était une sorte de loge avec au milieu une petite table, à laquelle quelqu’un, qui sait dans quelles intentions, avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui recouvrait le sol, était assis un quinqua, à l’aspect aristocratique, vêtu scrupuleusement et orné d’une barbiche blanche qui contrastait avec sa chevelure de la couleur du safran. En nous voyant entrer, le producteur fit, car il s’agissait bien de lui sans aucun doute, mine de se lever, mais cela faisait longtemps qu’il se tenait dans cette position forcée et il réussit seulement à lâcher un pet et à retomber dans la même position.
-Mi excusi-dit il à la Emilia montrant son entrejambe: le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je dépassai mon sarcasme et me présentai.
-Je suis l’agent de Mademoiselle Trash. Vous parlez notre langue, Monsieur?
-A fe que je la parle et avec une fluidité remarquable- dit l’italien-.On m’appelle il poliglota di Cinecittà. Que diriez-vous de passer commande? J’ai l’estomac en bas des chaussettes.
Eh, toi Fu Manchu, viens ici!
Le chinois, qui était resté près de la porte, montra sa tête, plus sinistre que jamais.
-Regarde-lui dit le producteur-, tu nous apportes un peu de ça et un peu de ça, ainsi on goutera à tout. Pour boire je veux une bouteille du rouge de la maison; a la demoiselle vous me lui apportez une bouteille d’eau minérale plate, et à la carabina, un Pepsi cola.
Le chinois se retira discrètement, faisant glisser une porte dérobée, et nous laissant tous trois enfermés dans le salon privé et sans savoir quoi dire. Ce fut l’Emilia celle qui rompit le silence et elle le fit d’une manière plus que surprenante.
-Regardez, Monsieur, dit elle au producteur-, moi je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous voulez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce est inutile, parce que je suis étrangère à tout ce magma. Je me suis retrouvée plongée dedans contre ma volonté et à cause de ma mauvaise tête. Je ne désire qu’une seule chose: vivre en paix et ne pas avoir d’avantage de craintes.
Ce que vous recherchez, je crois, c’est une valisette que j’ai volé à Madrid. La valisette est à la consigne de l’aéroport. Vous pouvez passer la retirer quand bon vous semble, et faites en bon profit! Quant à ma discrétion, vous pouvez compter dessus: je ne sais rien et même si je le savais, je n’irais pas le dénoncer à la police. La seule chose que je vous demande en échange c’est de ne plus vous interposer dans ma vie et, par la même occasion que vous ne fassiez rien à mon ami, que je ne vais pas laisser dans le pétrin. Je ne crois pas qu’après ceci nous ayons d’autres choses à nous dire. Vous avez ici, Monsieur, le reçu de la consigne.
Elle rechercha dans son sac, sortit un ticket froissé et le donna au producteur, qui le garda dans la poche supérieure de sa veste. Je ne savais pas quelle tête faire!

***

Marlène nous propose sa traduction :
Miam miam

A peine entré dans le restaurant, nous fûmes abordés par un chinois, aussi onctueux dans ses manières que perfide dans son attitude, qui insista, comme première résolution, pour que j'enlevasse mon manteau que je portais boutonné jusqu'au cou, et que je le déposasse au vestiaire. Je résistai sous prétexte d'être de nature frileuse.
⁃ Restaurant être four -persévéra le chinois-. Serveur avoir chemise collée au corps.
Il enleva son veston et nous montra les traces humides qui auréolaient ses aisselles. Pour ne pas mal commencer la soirée, j'ôtai mon manteau et le laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du chinois demeura impassible en voyant mon accoutrement, mais je ne pus faire abstraction du coup de coude dissimulé qu'il donna à un autre chinois qui passait par là. Emilia se mit à contempler la décoration bigarrée de l'établissement comme si elle ne me connaissait pas. Pendant que le chinois me donnait le ticket pour mon manteau, je lui demandai si un monsieur italien était arrivé, ce à quoi il répondit en se répandant en flatteries:
⁃ Fameux producteur être en train d'attendre dans petite salle. Longue attente. Monter par murs.
⁃ Il nous fit parcourir un couloir obscur qui débouchait dans la salle à manger où il y avait quelques convives à l'allure dépouillée; nous la traversâmes et passâmes dans une petite salle située au fond, à côté des cuisines et séparée du reste par des paravents comme en papier crépon. La petite salle était une espèce de toril avec une petite table, au centre, à laquelle quelqu'un, qui sait avec quelles intentions, avait scié les quatre pattes. Sur le parquet qui couvrait le sol s'asseyait un individu cinquantenaire, à l'aspect aristocratique, scrupuleusement habillé et doté d'une barbiche blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safranée. Quand il nous vit entrer, le producteur, car il s'agissait sans aucun doute de lui, fit mine de se lever mais il était dans cette posture forcée depuis un long moment et il ne put que lacher une plainte prolongée et retomber dans la même position.
⁃ Mi excusi – dit-il à Emilia en montrant son entrejambe-: le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je ne fis pas attention à son sarcasme et je me présentai:
⁃ Je suis l'agent de Mademoiselle Trash. Vous parlez notre langue?
⁃ Biensur que je la parle, et avec une fluidité notoire – répondit l'italien. On m'appelle il poliglota di Cinecittà. Et si nous commandions, qu'en pensez-vous? J'ai l'estomac dans les talons. Hey, toi, Fumanchù, viens ici!
Le chinois, qui était resté près de la porte, montra sa tête, plus sinistre que jamais.
⁃ Ecoute -lui dit le producteur-, tu nous amènes un peu de ça et un peu de ça, comme ça, nous goûterons à tout. Comme boisson, je veux une bouteille du vin de la maison; à la demoiselle, tu lui apportes de l'eau minérale sans bulle et au chaperon, un coca-cola.
Le chinois se retira silencieusement en ouvrant une porte coulissante, nous laissant tous les trois enfermés dans la petite salle et ne sachant que dire. C'est Emilia qui rompit le silence et elle le fit d'une façon bien surprenante.
— Ecoutez Monsieur -dit-elle au producteur-, je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce n'est pas nécessaire car je suis insensible à tout ce mare magnum. Je m'y suis trouvée impliquée malgré moi et à cause de mon sale caractère. La seule chose que je désire, c'est vivre en paix et ne plus connaître de mauvaises passes. Ce que vous cherchez, je pense, c'est une malette que j'ai volée à Madrid. La malette est à la consigne de l'aéroport. Vous pouvez passer la prendre quand il vous plaira et grand bien vous fasse. Quant à ma discrétion, vous pouvez y compter: je ne sais rien et même si je le savais, je n'irais pas le raconter à la police. La seule chose que je vous demande en échange, c'est que vous ne vous interposiez plus dans ma vie et, à propos, que vous ne fassiez rien non plus à ce camarade que je ne vais pas laisser en plan. Je crois qu'après ça, nous n'aurons plus rien à nous dire. Vous avez ici, Monsieur, le ticket de la consigne.
Elle farfouilla dans son sac, sortit un ticket chiffonné et le donna au producteur, qui le rangea dans la poche supérieure de sa veste. Moi, je ne savais pas quelle tête faire.

***

Laure L. nous propose sa traduction :
A peine étions nous entrés dans le restaurant que nous aborda un chinois aux manières aussi mielleuses que sa mine était perfide, et qui insista, premier coup du sort, pour que je me défisse de la gabardine que je portais boutonnée jusqu’en haut et que je la déposasse au vestiaire. Je résistai, prétextant être d’un naturel frileux.
- Restaurant être un four – persévéra le chinois- serveur avoir chemise collé à corps.
Il enleva sa veste et nous montra les auréoles humides qui entouraient ses aisselles. Pour ne pas mal commencer la soirée, j’enlevai ma gabardine et la laissai sur le comptoir du vestiaire.
Le visage du chinois demeura impassible à la vue de ma tenue, mais le coup de coude discret qu’il donna à un autre chinois qui passait par là ne m’échappa pas. Emila se mit à contempler la décoration bigarrée de l’établissement come si elle ne me connaissait pas. Pendant que le chinois me confiait le reçu pour ma gabardine, je lui demandai si un italien était arrivé, ce à quoi il me répondit en se répandant en flatteries :
- Célèbre producteur en train d’attendre dans salon particulier. Attendre longtemps. Grimper aux murs.
Il nous fit parcourir un couloir obscur qui débouchait sur la salle à manger où il y avait quelques convives à l’air déshérité, traverser cette salle et passer dans un salon particulier situé au fond, à côté des cuisines, et séparé du reste par des paravents fins comme du papier de riz. Le salon particulier était une sorte de toril avec une table au milieu à laquelle quelqu’un, qui sait avec quelles intentions, avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui couvrait le sol s’asseyait un individu quinquagénaire, l’air aristocratique, habillé de façon très soignée et charmé par une petite chienne blanche qui contrastait avec sa chevelure safran. En nous voyant entrer, le producteur, car sans doute s’agissait-il de lui, fit le geste de se lever, mais cela faisait un bon moment qu’il était dans cette position forcée et il ne parvint qu’à produire une pétarade prolongée et à se laisser retomber dans la même position.
- Mi excusi – dit-il à Emilia en lui montrant son entrejambe - : le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
J’ignorai le sarcasme et me présentai.
- Je suis l’agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
- Ma foi je la parle, et avec une fluidité remarquable – dit l’italien-. On m’appelle il poliglota di cinecittá. Qu’en pensez-vous si nous commandons ? J’ai l’estomac dans les talons. Et toi, Fumanchú, viens ici ! Le chinois qui était resté à côté de la porte pencha la tête, plus sinistre que jamais.
- Ecoute – dit le producteur -, tu nous apportes un peu de ci un peu de ça, ainsi nous goûterons à tout. Pour boire je prendrais une bouteille du vin de la maison ; à la demoiselle tu me lui apportes une eau plate minérale, et au chaperon, un pepsi-cola.
Le chinois se retira silencieux en se glissant par une porte coulissante et nous laissant tous les trois enfermés dans le salon particulier sans savoir que dire. Ce fut Emilia qui rompit le silence et elle le fit d’une façon assez surprenante.
- Ecoutez bien monsieur - dit-elle au producteur -, je sais qui vous êtes et ce que vous voulez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce est inutile, car je suis étrangère à tout ce mare magnum. Je m’y suis vue impliquée malgré moi et à cause de ma mauvaise tête. La chose que je désire c’est vivre en paix et ne pas subir d’autres soubresauts. Ce que vous cherchez, d’après ce que je sais, c’est une mallette que j’ai volée à Madrid. La mallette est à la consigne de l’aéroport. Vous pouvez aller la retirer quand il vous plaira et que grand bien vous fasse. En ce qui concerne ma discrétion, vous pouvez compter dessus : je ne sais rien et même si je savais quelque-chose je n’irais pas moucharder à la police. La seule chose que je vous demande en échange c’est de ne plus vous mêler de ma vie et, au passage, ne faite rien non plus à ce camarde que je ne vais pas laisser tomber. Je ne crois pas qu’après tout cela nous n’ayons rien de plus à nous dire. Voici, monsieur, le reçu de la consigne.
Elle chercha dans son sac, en sortit un ticket tout froissé et le donna au producteur qui le rangea dans la poche intérieure de sa veste. Je ne savais pas quel air adopter.

***

Barbara nous propose sa traduction :

Miam miam

A peine étions-nous entrés dans le restaurant que nous aborda un chinois aussi onctueux dans ses manières que perfide de figure, qui insista, comme un premier signe du destin, pour que je me dépouillasse de ma gabardine, que je portais boutonnée jusqu’ à la pomme d’Adam et que je la remisse au vestiaire. Mais je m’y refusai, prétextant être frileux par nature.
—Restaurant être un four —persévéra le chinois—. Serveur avoir chemise collée à corps. Il enleva sa veste courte et nous montra les humides cercles qui entouraient ses aisselles. Afin de ne pas mal commencer la soirée, je quittai ma gabardine et je la laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du chinois demeura impassible à la vue de ma tenue, mais le coup de coude dissimulé qu’il donna à un autre chinois qui passait par là ne me passa pas inaperçu. Emilia se mit à contempler la décoration bigarrée de l’établissement, comme si elle ne me connaissait pas. Tandis que le chinois me remettait le coupon de ma gabardine, je lui demandai s’il n’était pas arrivé un monsieur italien, ce à quoi il répondit en se confondant en flatteries.
— Célèbre producteur être attendant dans salle privée. Longue attente. Très, très fâché.
Il nous fit parcourir un couloir sombre qui débouchait sur la salle à manger où se trouvaient quelques clients à l’aspect misérable, traverser celle-ci et entrer dans une salle privée située au fond, à côté des cuisines, et séparée du reste par des panneaux tel du papier en pelure d’ oignon. Cette salle privée était une espèce d’enceinte pourvue au centre d’une petite table dont quelqu’un, qui sait dans quelle intention, en avait scié les quatre pieds. Sur le tapis qui couvrait le sol, était assis un individu qui avait la cinquantaine, d’aspect aristocratique, scrupuleusement vêtu et rehaussé d’une barbichette blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. En nous voyant entrer, le producteur, car sans aucun doute il s’agissait bien de lui, fit mine de se lever, mais il se maintenait un bon bout de temps dans cette position embarrassée et ne parvint qu’à laisser échapper une série de pets prolongée et à retomber dans cette même position.
—Mi excusi —dit-il à Emilia, tout en lui montrant son entre-jambe — : le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace. Je passai sur son sarcasme et je me présentai.
—Je suis l’agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
—Pour sûr que je la parle, et avec une aisance remarquable —dit l’italien. On m’appelle il poliglota di Cinecittà. Ca vous dirait de passer commande ? J’ai l’estomac dans les talons. Eh ! Toi, Fumanchú ! Viens-ici ! Le chinois, qui était resté près de la porte, montra sa tête, plus sinistre que jamais.
—Ecoute—lui dit le producteur— tu nous apportes un peu de ceci et un peu de cela, comme ça nous goûterons à tout. En boisson, je veux une bouteille de rouge maison, à cette demoiselle, tu me lui apportes une eau minérale non gazeuse, et à son gorille, un pepsi-cola. Le chinois se retira discrètement, glissant une porte coulissante et nous laissant tous les trois enfermés dans la salle privée, sans savoir quoi raconter. C’est Emilia qui rompit le silence et elle le fit d’une façon assez surprenante.
—Ecoutez bien, monsieur —lui dit- elle au producteur, je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce est inutile, parce que je suis étrangère à toute cette embrouille. Je m’y suis vu embarquée malgré moi et à cause de mon manque de jugeote. Je ne désire qu’une seule chose, c’est vivre en paix et ne plus avoir à vivre à l’improviste. Ce que vous cherchez, d’ après ce que je crois, c’est une mallette que j’ai volé à Madrid. La mallette se trouve dans la consigne de l’aéroport. Vous pouvez passer le retirer quand il vous plaira et pourvu que vous en tiriez bien du profit. Quant à ma discrétion, vous pouvez compter sur elle : je ne sais rien et même si je savais quelque chose, je n’irais pas vous donnez à la police. La seule chose que je vous demande en échange c’est que vous ne fassiez plus intrusion dans ma vie et, au passage, que vous ne fassiez rien non plus à ce camarade, que je ne vais pas laisser en rade. Je ne crois pas qu’après cela nous ayons grand-chose à nous dire. Voici pour vous, monsieur, le coupon de la consigne.
Elle fouilla dans son sac, en sortit un ticket chiffonné et elle le donna au producteur, qui le rangea dans la poche supérieure de sa veste. Moi, je ne savais sur quel pied danser.

***

Brigitte nous propose sa traduction :

A peine étions nous entrés dans le restaurant qu’un chinois, aussi onctueux dans ses manières que perfide dans son expression, insista lourdement – première aubaine - pour que je me débarrasse de ma gabardine boutonnée jusqu’à la glotte et pour que je la dépose au vestiaire. Je résistai, prétextant que j’étais d’un naturel frileux.
- Restaurant être comme four – ajouta le chinois -. Serviteur avoir chemise collée au corps.
Il ôta sa veste et nous montra les ronds humides qui auréolaient ses aisselles. Pour éviter tout scandale, j’enlevai ma gabardine et la déposai sur le comptoir du vestiaire. Le chinois ne se dérida pas resta à la vue de mon vêtement, mais le coup de coude discret qu’il donna à l’autre chinois qui passait par là ne resta pas inaperçu. Emilia se mit à contempler la décoration bigarrée de l’établissement comme si elle ne me connaissait pas. Pendant que le chinois me remettait le reçu de la gabardine, je lui demandai si un monsieur italien était arrivé, ce à quoi il répondit en se confondant en flatteries :
- Célèbre producteur attendre dans salon privé. Longue attente. Monter par
murs.
Il nous fit parcourir un sombre couloir qui débouchait sur la salle à manger où se trouvaient quelques clients l’air en perdition, nous fit traverser et passer à un salon privé situé au fond, près des cuisines, et séparé du reste par des paravents en papier crépon.
Le salon privé était une espèce de toril avec une petite table au milieu, dont quelqu’un -Dieu seul sait pourquoi- avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui recouvrait le sol était assis un type à la cinquantaine bien entamée, à l’allure aristocratique, vêtu avec grand soin et arborant une barbichette blanche qui tranchait avec sa chevelure couleur safran.
En nous voyant entrer, le producteur -car sans nul doute c’était bien de lui qu’il s’agissait-, fit mine de se lever, mais il était dans cette posture forcée depuis un bon moment déjà et il ne réussit qu’à lâcher un long chapelet de flatulences et retomba dans la même position.
- Mi excusi – dit-il à la Emilia en montrant son entrejambe - : le gambe tumefacte, Ah vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je passai outre le sarcasme et je me présentai.
- Je suis l’agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
- Evidentement que je la parle, et avec une notable fluidité – dit l’italien – On me surnomme le polyglotte de Cinecittá. Qu’en dites-vous si nous passons commande ? J’ai l’estomac dans les pieds. Eh ! toi Wang, amène-toi !
Le chinois qui était resté près de la porte, tendit le cou, plus sinistre que jamais.
- Voyons voir- lui dit le producteur -, tu nous apportes un peu de ça et un peu de ça, comme ça on goûtera un peu de tout. Comme boisson, je veux une bouteille de rouge de la maison ; pour la demoiselle tu me mets une eau minérale plate, et pour la carabine, un pepsi.
Le chinois se retira avec humilité, tirant une porte coulissante et nous laissant tous trois dans le salon privé et sans savoir quoi dire. Ce fut Emilia qui rompit le silence, ce qu’elle fit d’une façon on ne peut plus surprenante.
- Voyez-vous, monsieur – dit-elle au producteur -, je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que toute cette mascarade n’est pas nécessaire, parce que je suis étrangère à tout ce mic-mac. J’ai été mêlée malgré moi à tout ça et à cause de ma mauvaise tête. La seule chose que je souhaite c’est vivre en paix et ne plus avoir à trembler.
- Ce que vous cherchez, je crois bien, c’est une mallette que j’ai volée à Madrid. La mallette se trouve à la consigne de l’aéroport. Vous pouvez passer la retirer quand bon vous semblera et grand bien vous fasse.
- Quant à ma discrétion, vous pouvez y compter ; je ne sais rien et même si je savais quelque chose je n’irais pas cafeter à la police. La seule chose que je vous demande, en contrepartie, c’est que vous disparaissiez de mon existence et, par la même occasion, que vous ne fassiez rien non plus à ce camarade que je ne vais pas laisser sur le carreau. Je ne crois pas qu’après ça, nous ayons besoin d’ajouter quoi que ce soit. Voilà, Monsieur, le ticket de la consigne.
Elle fouilla dans sa poche, en sortit un ticket froissé et elle le donna au producteur qui le rangea dans la poche supérieure de sa vareuse.
Moi, je ne savais pas quelle tête faire.

***

Elisabeth nous propose sa traduction :

A peine étions-nous rentrés dans le restaurant qu’un chinois nous aborda, le comportement aussi mielleux que le regard perfide et me pria – premier signe du destin - de me défaire de ma gabardine boutonnée jusqu’au cou et de la déposer au vestiaire. Je me retins prétextant être frileux de nature ;
— Restaurant être un four, insista le chinois. Serveur avoir chemise collée au corps.
Il enleva son gilet et nous montra les auréoles humides qui entouraient les aisselles. Pour bien débuter la soirée, j’ôtai ma gabardine et la déposai sur le présentoir du vestiaire. Le visage du chinois resta indifférent à la vue de mon accoutrement, mais il ne passa pas sous silence le discret coup de coude à l’autre chinois qui passait par-là. Emilia se mit à contempler la décoration bigarrée de l’établissement comme si elle ne me connaissait pas. Lorsque le chinois me remit le ticket de la gabardine, je lui demandai si un italien était arrivé, ce à quoi il répondit en se répandant en flatteries.
— Un célèbre producteur attendre vous dans la petite salle. Attendre longtemps. Monter sur ses grands chevaux.
Il nous fit parcourir un couloir sombre qui débouchait sur une petite salle où étaient assis quelques clients à l’aspect maladif, nous fit traverser cette dernière et passer par une pièce privée, située au fond, à côté des cuisines et séparée par des paravents aussi fins que de la pelure d’oignon. La petite salle était une sorte de cagibi avec une petite table au milieu dont quelqu’un – Dieu seul sait pourquoi - en avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui recouvrait le sol était assis un homme d’une cinquantaine d’années, d’allure aristocratique et à la tenue vestimentaire fort soignée, portant une barbichette blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. Dès qu’il nous vit entrer, le producteur, -il s’agissait bel et bien de lui-, fit semblant de se lever, car il était assis depuis un long moment dans cette posture et ne parvint qu’à lâcher une interminable cascade de pets pour revenir dans sa position initiale.
—Mi excusi, dit-il à Emilia, lui montrant l’entrejambes. Le gambe tumefacte. Ah vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi place, mi place.
J’ignorai le sacarsme et me présentai.
—Je suis l’agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
—Bien évidemment, et je la parle très bien et couramment dit l’italien. Me llaman il poliglota di Cinecitté. Et si on commandait ? J’ai l’estomac dans les talons. Eh, toi, Fumanchú, viens par-là !
Le chinois, qui était resté à côté de la porte, montra sa tête plus sinistre que jamais.
— Bien dit le producteur, vous nous apportez un peu de cela et un peu de cela aussi, comme ça nous goûterons à tout. Comme boisson, je veux une bouteille de vin rouge, celui de la maison ; pour la demoiselle tu lui apportes de l’eau minérale et pour son garde du corps un pepsi.
Le chinois se retira en silence s’éclipsant par la porte coulissante, nous laissant tous les trois enfermés dans la petite salle sans avoir à se dire quoi que ce soit. C’est Emilia qui brisa le silence et le fit de façon vraiment surprenante.
— Ecoutez Monsieur, dit-elle au producteur, je ne sais pas qui vous êtes et ce que vous voulez de moi, mais je peux vous assurer que ce genre de comédie n’est pas nécessaire, parce que je n’ai rien à voir dans toute cette histoire. J’y ai été mêlée à mon insu et par un manque de jugeote. Mon seul souhait c’est de vivre en paix et de ne plus avoir à subir ce genre d’émotions. Ce que vous cherchez, que je sache, c’est l’attaché-case que j’ai volé à Madrid. L’attaché-case est à la consigne de l’aéroport. Vous pourrez passer le retirer quand ça vous dira et vous en ferez ce que vous voudrez. Quant à ma discrétion, vous pouvez compter sur moi. Je ne sais rien, et même si je savais quelque chose, je n’irai pas souffler mot au commissariat. La seule chose que je vous demanderai en revanche, c’est de ne plus entrer dans ma vie et au passage de ne pas faire de mal à ce camarade que je ne laisserai pas dans la mouise. Après cela, je crois que nous n’avons plus rien à nous dire. Voici Monsieur, le ticket de la consigne.
Elle fouilla dans son sac, en sortit un ticket froissé et le donna au producteur, qui le mit dans la pochette supérieure de sa veste. Je ne savais plus où me mettre.

***

Odile nous propose sa traduction :

Ñam ñam

A peine entrés dans le restaurant nous fûmes abordés par un Chinois, aussi mielleux dans ses manières que perfide d'aspect, qui insista par une première prévenance, afin que je j'enlève l'imperméable que je portais, boutonné jusqu'à la pomme d'Adam, et le dépose au vestiaire. Je m'y refusai prétextant être frileux de nature.
— Restaurant être un four- insista le Chinois- . Serveur avoir chemise collée corps. Il enleva sa veste et nous montra les auréoles humides sous ses aisselles. Afin de ne pas gacher la soirée, j' ôtai mon imperméable et le laissai sur le comptoir du vestiaire. Le visage du Chinois resta impénétrable à la vue de mon vêtement mais le discret coup de coude qu'il fit à un autre Chinois qui passait par là ne m'échappa pas. Emilia se mit à contempler la décoration hétéroclite de l'établissement comme si elle ne me connaissait pas. Pendant que le Chinois me remettait le ticket de vestiaire de mon imperméable, je lui demandai si un monsieur italien était arrivé, à quoi il répondit, se répandant en flatteries :
— Célèbre producteur être attendant dans le salon réservé. Attendre longtemps. Pas tenir en place.
Il nous fit parcourir un couloir obscur qui débouchait dans la salle à manger où se trouvaient quelques commensaux à l'air égaré, nous fit traverser celle-ci et passer dans un salon réservé situé au fond, près des cuisines, et séparé du reste par des cloisons de papier de riz. Le salon particulier paraissait une sorte de toril avec une petite table en son milieu, à laquelle quelqu'un, va savoir pourquoi , avait scié les quatre pieds. Sur la natte qui recouvrait le sol était assis un individu à la cinquantaine bien tassée, à l'air aristocratique, soigneusement vêtu et comique à cause d'une barbichette blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. En nous voyant entrer, le producteur, car sans doute aucun il s'agissait de lui, voulut se lever, mais il était resté longtemps dans cette posture forcée et il ne put que lacher un long chapelet de flatulences , retombant dans la même position.
— Je m'excuse - dit-il à Emilia en désignant son entrejambe- : le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je passai outre le sarcasme et me présentai.
— Je suis l'agent de MademoiselleTrash. Vous parlez notre langue?
— Bien sûr que je la parle, et avec une grande aisance-dit l'Italien-. On m'appelle il poliglota di Cinecittá. Qu'en dites-vous si nous passions commande? J'ai l'estomac dans les talons. Hé toi, Chang, viens ici!!
Le Chinois qui était resté près de la porte montra sa tête, plus sinistre que jamais.
— Ecoute, lui dit le producteur-, porte-nous un peu de ça et un peu de ça, comme cela nous goûterons de tout. Pour boire, je veux une bouteille de rouge de la maison; à la demoiselle, tu lui portes une eau minérale plate et au pistolet, là, un pepsi-cola.
Le Chinois se retira discrètement faisant glisser une porte coulissante et nous laissant tous les trois enfermés dans le salon et sans savoir quoi dire. Ce fut Emilia qui rompit le silence et elle le fit d'une façon très surprenante.
— Écoutez, Monsieur, -dit-elle au producteur-, je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce est inutile, car je suis étrangère à tout ce mare magnum. Je m'y suis vue impliquée malgré moi et à cause de ma mauvaise tête. La seule chose que je désire est de vivre en paix et de ne plus subir d'autres frayeurs. Ce que vous cherchez, d'après ce que je crois, est une petite valise que j'ai volée à Madrid. Elle est à la consigne de l'aéroport. Vous pouvez passer l'y retirer quand vous il vous plaira et faites-en bon profit. Quant à ma discrétion, vous pouvez compter sur elle : je ne sais rien, et même si je savais je n'irais pas le dire à la police. La seule chose que je vous demande en contrepartie c'est que vous ne reveniez pas vous mêler de ma vie et, aussi, que vous ne fassiez rien à ce camarade que je ne vais pas laisser dans cette sale histoire. Je ne crois pas après cela que nous ayons autre chose à nous dire. Voici, Monsieur, le ticket de la consigne.
Elle fouilla dans son sac, sortit un ticket froissé et le donna au producteur qui le mit dans la poche supérieure de sa veste. Moi, je ne savais plus quelle tête faire.

4 commentaires:

Tradabordo a dit…

Aurélie Breuil me pose cette question par mail. J'imagine que d'autres se la poseront… donc je réponds collectivement :

« Pourriez-vous me dire comment on traduit les 2 derniers parragraphes de la page 1, c'est à dire le psuedo dialogue en italien, on traduit ce que l'on pense déchiffrer en mélangeant avec les mtos que l'on connait en italien et que l'on pense pouvoir traduire ? »

Dans une traduction littéraire, quand il y a des mots dans une autre langue que celle qu'on traduit, il faut les laisser tels quels… On ne traduit surtout pas (sacrilège !), même si c'est du charabia… car le lecteur français doit savoir que c'était dans une troisième langue ou dans du charabia au départ.

Tradabordo a dit…

Question de Barbara :

« J'aimerais plus de précision quant à la non traduction des langues étrangères dans les textes. Si jamais le fameux passage comporte des termes en français, comment les rendre dans notre traduction, en faisant bien comprendre au lecteur qu'initialement ils étaient déjà en français? »

Donc pour toutes les autres langues, nous sommes d'accord, la question ne se pose pas puisqu'on laisse tout en V.O.
Pour le français, vous pouvez le mettre en italique… ou alors placer un * à la fin du mot ou de la phrase concernés. Cela signifie implicitement que c'était en français dans le texte de départ. Ou, dernière option, vous pouvez introduire une note de bas de page – mais là, c'est un sujet sur lequel nous réfléchissons depuis un moment déjà et nous sommes tous très pointilleux sur la question. Je doute que la petite troupe des apprentis traducteurs de Tradabordo accepte qu'on fasse une note pour une chose pareille, et alors que nous avons des tas d'autres solutions pour l'éviter. Qu'en pensez-vous, les amis ?

Tradabordo a dit…

Caroline pour Vanessa :

J'étais coincée cet après-midi dans un lieu clos sans connexion, avec pour seule compagnie votre traduction. J'en ai donc profité pour vous faire des commentaires jusqu'aux 3/4. Bref, largement de quoi vous permettre de reprendre votre travail.

Voici :

« Nam Nam » ??????
Connaissez-vous ce mot-là en français ? N’oubliez pas qu’en espagnol, il faut toujours prononcer les mots (à voix haute si nécessaire) pour en retrouver le sens.
Un exemple : bisnero… À votre avis, qu’est-ce que cela signifie ?

« Au moment où nous entrions, nous aborda un chinois aussi onctueux de manières que perfide d’aspect »,
La précision « au moment » n’est pas anodine… donc il faut la travailler davantage. Il y a simultanéité et c’est cela qu’il faut expliciter. On leur saute littéralement dessus.

« nous aborda un chinois » :
deux choses :
La syntaxe ne va pas. Encore une fois, nous sommes confrontés à un type de phrase qui demande à être retravaillé après le premier jet, la traduction littérale.
Attention à l’orthographe : un Chinois (avec majuscule) et un rouleau de printemps chinois (avec minuscule).

« qui insista, comme première providence » :
Je sais que cette phrase est complexe… mais là, pour un lecteur français de base, c’est absolument incompréhensible. À l’évidence, il faut prendre ses distances vis-à-vis des mots en espagnol et ne faire confiance qu’à son propre bon sens. Posez-vous toujours la seule question valable dans de telles situations : qu’est-ce que l’auteur a voulu dire ? C’est-à-dire non pas ce que les mots signifient, mais le sens de la scène que décrit le narrateur.

« pour que j’ôtasse l’imperméable » :
Dans un texte de ce type, c’est-à-dire humoristique et – surtout - avec une narration à la première personne, il vaut mieux ne pas faire la concordance des temps ; cela crée un effet bizarre et un vrai décalage avec le contenu et la tonalité du paragraphe.

« que je portais boutonné jusqu’à la pomme d’Adam et que je laissasse au vestiaire. »
Idem

« Je m’y niais prétextant être frileux de nature. »
« Je m’y niais » ne veut rien dire. C’est à reprendre. Attention aux hispanismes !


« Restaurant être comme un four - persévéra le chinois. »
« persévérer », n’est pas très bien… dans la mesure où il ne s’agit pas de reprendre un travail diffcile en faisant preuve de ténacité, mais d’évoquer un personnage pénible à cause de son insistance.

« collée au corps » :
Vu sa façon de parler l’espagnol, « collée à corps » me semble plus indiqué. S’il ne faut pas inutilement accentuer le chariaba, il ne faut pas le réduire… a fortiori ici, où une partie de l’umour repose sur la façon de se comporter et de s’exprimer du serveur.

« Il enleva son gilet fin »
Pourquoi gilet « fin » ? N’oubliez pas ce que et qui vous décrivez pour retrouver spontanément la bonne traduction. Faites-vous un peu confiance !


« et nous montra les humides auréoles de sueur qui entouraient ses aisselles. »
« humides auréoles » :
Pourquoi l’inversion de l’adjectif et du substantif ?
« qui entouraient ses aisselles » ????? Les auréoles font le tour du bras ? Si je ne savais pas ce que vous voulez dire, je trouverais cela bizarre. Donc, ça ne va pas… puisque la traduction doit se suffire à elle-même, sans que le lecteur ait besoin de réfléchir pour accéder au sens ou pour visualiser ce que l’auteur a voulu dire. Le traducteur ne doit pas être une entrave.

« Pour ne pas mal commencer la soirée »
On a l’impression que c’est lui qui ne veut pas passer une mauvaise soirée… alors que ça n’est pas cela. Il ne veut pas faire de scandale. Trouvez donc autre chose.

« j’enlevai mon imperméable et le laissai sur le comptoir du vestiaire. »
« laissai » ou posai ?

« Le visage du chinois resta impénétrable à la vue de mon accoutrement »
« impénétrable ». On doit pouvoir trouver quelque chose de plus amusant. « Se dérider » par exemple. Là, c’est drôle vu qu’il est asiatique, mais c’est un peu trop… Qu’en pensez-vous ?

« mais il ne put me dissimuler le discret coup de coude qu’il donna à un autre chinois qui passait par-là. »
« dissimuler » n’est pas très bien employé ici.
« donner » ; pour un coup de coude, il y a un verbe plus approprié.

« La Emilia se mit à contempler la bigarrée décoration de l’établissement comme si elle ne me connaissait pas. »
« La Emilia » Ça ne fait pas un peu « campagne » avec le LA. Vous savez bien que cela n’a pas la même valeur en espagnol.
« la bigarrée décoration ». Encore un problème de syntaxe. Vous savez, en français l’inversion de l’adjectif et du substantif n’est pas courante… en doit donc être motivée, par un effet de style, par exemple.

« Alors que le chinois me donnait le ticket du vestiaire pour l’imperméable »
« L’imperméable » de qui ?

« je lui demandai si était arrivé un homme italien, ce à quoi il répondit en s’attardant sur des détails. »
De nouveau, il faut retrouver une syntaxe française. Votre premier jet n’est pas mauvais, mais ensuite, vous devez impérativement vous atteler à un gros travail de réécriture. Il ne s’agit pas de changer pour changer, mais véritablement de proposer une phrase qui suit un modèle de réadction français. Or là, « si était arrivé un homme italien » ne viendrait pas spontanément ni sous une plume ni dans une bouche françaises.
Concernant la fin de la phrase « ce à quoi il répondit… » est un CS.

« Monter aux murs. » :
Sans la V.O. à côté, je crois qu’on ne comprend pas ce qu’il veut dire. Il faut trouver autre chose.

« Il nous fit parcourir un couloir sombre qui débouchait dans la salle de restauration où il y avait quelques clients avec un air déshérité »
Un petit travail de reformulation est nécessaire ici. Ça n’est pas mal… mais de nouveau, un zest de naturel ne ferait pas de mal.

« des paravents semblables à du papier oignon. »
Non, ils ne sont pas « semblables à »… ils sont faits en papier…
« oignons », non, ça n’est pas comme cela qu’on dit en français.

« Le salon privé était une espèce de toril avec une table basse au milieu, à laquelle, quelqu’un avec qui sait quelles intentions, avait scié les quatre pattes. »
« quelqu’un avec qui sait quelles intentions » est assez plat… sachant que c’est l’une des phrases les plus amusantes du passage. Vous voyez bien que le personnage confond les restaurants chinois et les restaurants japonais.
« quatre pattes ». Ah bon, vos tables ont des pieds chez vous ? Les animaux ont des pattes (les grues par exemple), mais pas les meubles. Attention aux hispanismes… Il convient de prendre de la distance à l’égard de l’espagnol, sous peine de faire des erreurs et globalement de proposer des traductions lourdes et peu enthousiasmantes. La talent du traducteur est justement de partir du « génie » de la langue de départ pour rejoindre le « génie » de la langue d’arrivée… pas de proposer un calque pâlichon.

« Sur le tapis qui couvrait le sol était assis un individu d’une bonne cinquantaine d’années, à l’aspect aristocratique, scrupuleusement vêtu et à la grâce d’une petite barbe blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. »
« tapis » ; non, ça n’est pas exactement cela. Il faut impérativement que vous visualisiez la scène pour traduire cette phrase.
« d’une bonne cinquantaine d’années » doit être un peu travaillé pour retrouver l’humour.
« et à la grâce d’une petite barbe blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran ». Cette partie de la phrase ne veut rien dire dans l’enchaînement avec ce qui précède.

« En nous voyant entrer [ajouter une virgule] le producteur fit, il ne pouvait s’agir que de lui, geste de se lever »
Il faut placer « il ne pouvait s’agir que de lui » ailleurs dans le phrase… et avec une autre ponctuation…

« mais il était resté assis tant de temps dans cette posture forcée qu’il ne parvint qu’à émettre une longue flatulence et retomber dans la même position. »
À travailler pour retrouver davantage de naturel… c’est une phrase très drôle qu’il ne faut pas manquer.

« Mi excusi – dit-il à la Emilia lui montrant son entrejambes »
Pourquoi un pluriel ?

« Evidemment que je la parle »,
Le « évidemment » demande un petit effort… précisément pour souligner qu’il emploie un terme peu courant en espagnol et qui, donc, contredit ce qu’il prétend, à savoir qu’il parle couramment.

« et avec une remarquable fluidité – dit l’italien – »
« remarquable » ; est-ce exactement le sens ?
Italien avec une majuscule.

« Qu’est-ce que vous en pensez si nous commandons ? »
À reformuler. Encore une fois, vos phrases manquent de naturel.

« Eh, toi, Fumanchu, viens ici ! »
Fumanchu… ne parle pas aux Français autant qu’aux Espagnols. Donc, il faut trouver autre chose… le nom typiquement chinois en France.

Tradabordo a dit…

Caroline pour Aurélie Breuil :

Mes corrections-commentaires étaient prêtes depuis quelques jours, mais j'avais complètement oublier de les publier. Voici donc… À vous à présent de répondre aux questions poser et de modifier ce qui demande à l'être (je me suis arrêtée au même point que pour Vanessa).
Bon courage !

Miam miam.

A peine étions-nous entrés dans le restaurant que nous aborda [encore un problème avec cette construction qui manque sérieusement de naturel. Est-ce ainsi que vous le diriez spontanément en français ?] un chinois [là aussi, il faut ma majuscule !] aussi onctueux dans ses manières que perfide de figure [débrouillez-vous pour travvailler cette mise en parallèle de manière que l’effet d’humour soit davantage marqué. Attention à ne pas aplatir], qui insista, comme un premier signe du destin [un CS], pour que je me dépouillasse [pas d’imprafait du subjonctif pour un texte comme celui-ci ; voir commentaire à la traduction de Vanessa] de ma gabardine, que je portais boutonnée jusqu’à la pomme d’Adam et que je la remisse [idem… sans compter que le verbe ne me semble pas très bien choisi. Ça devient « précieux » et ça ne correspond pas du tout au personnage-narrateur] au vestiaire. Mais je m’y refusai [trouver un verbe plus amusant…], prétextant être frileux par nature.
— Restaurant être un four —persévéra [même remarque qu’à Vanessa] le chinois [idem]—. Serveur avoir chemise collée à corps. Il enleva sa veste courte [je dois décrire le vêtement d’un serveur. Cela vous semble-t-il convenir ?] et nous montra les humides cercles qui entouraient ses aisselles [encore une fois, cela manque de naturel. Quand votre traduction est terminée, vous devez toujours faire un dernier passage où vous oubliez complètement le texte en espagnol. C’est impératif !]. Afin de ne pas mal commencer la soirée [pas tout à fait cela], je quittai ma gabardine et je la laissai [cf commentaire à Vanessa] sur le comptoir du vestiaire. Le visage du chinois demeura impassible [je persiste à dire qu’on doit pouvoir créer un effet d’humour ici. Je n’ai pas d’idée précise, mais c’est à vous de chercher, n’est-ce pas ?] à la vue de ma tenue [on s’en tient à un terme neutre ? Pour info, il est habillé en femme…], mais le coup de coude dissimulé [md. À reformuler] qu’il donna à un autre chinois qui passait par là ne me passa pas inaperçu. Emilia se mit à contempler [on a beaucoup mieux… presque pareil mais plus subtil] la décoration bigarrée de l’établissement, comme si elle ne me connaissait pas. Tandis que le chinois me remettait le coupon [est-ce réellement ainsi qu’on le dit ?] de ma gabardine, je lui demandai s’il n’était pas arrivé un monsieur italien [aun peu maladroit dans la formulation], [j’aurais plutôt mis un « ; »… mais c’est à vous de voir] ce à quoi il répondit en se confondant en flatteries [un FS ; n’oubliez pas que c’est un Espagnol de base qui décrit un étranger… à travers toute une série de clichés].
— Célèbre producteur être attendant dans salle [non, car là, pour le coup, il est évident qu’il utilise le bon terme] privée. Longue attente. Très, très fâché [vous devez créer un effet d’humour à partir de l’expression espagnol… et surtout pas expliciter].
Il nous fit parcourir un couloir sombre qui débouchait sur la salle à manger où se trouvaient quelques clients à l’aspect misérable [un adjectif un peu plus « pêchu ». Jusque)là, vous n’avez pas suffisamment pris le ton de notre narrateur-personnage ; c’est une dimension de la traduction qu’il ne faut jamais négliger… le rythme et le soufflent de votre travail en dépendent], traverser celle-ci [pourquoi pas plus simple : la traverser ?] et entrer dans une salle [md, donc] privée située au fond, à côté des cuisines, et séparée du reste par des panneaux tel [très mal construit] du papier en pelure d’oignon [ça n’est pas ainsi qu’on le dit en français]. Cette salle privée était une espèce d’enceinte [surtout pas ; la comparaison avec la corrida doit impérativement être conservée sous peine de casser le système humoristique du texte ; ce pauvre Espagnol de base compare l’autre à partir de ses propres références à lui] pourvue [il ne le formulerait pas de cette manière ; votre personnage-narrateur – j’insiste – je ne l’entends pas parler… écoutez-le !] au centre d’une petite table dont quelqu’un, qui sait dans quelle intention [de nouveau, vous passez à côté de l’humour], en avait scié les quatre pieds. Sur le tapis [inex] qui couvrait le sol, était assis un individu qui avait la cinquantaine [pas tout à fait cette intention en V.O. Il manque le relief du regard qui se pose sur les choses], d’aspect [pour une personne « aspect » ? Allons donc !] aristocratique, scrupuleusement vêtu et rehaussé [quelqu’un est rehaussé ?] d’une barbichette blanche qui contrastait avec sa chevelure couleur safran. En nous voyant entrer, le producteur, car sans aucun doute il s’agissait bien de lui [manque de naturel dans la formulation], fit mine de se lever, mais il se maintenait [faute de temps] un bon bout de temps dans cette position embarrassée [FS] et ne parvint qu’à laisser échapper une série de pets prolongée [on peut faire beaucoup mieux…] et à retomber dans cette même position [idem].
—Mi excusi —dit-il à Emilia, tout en lui montrant son entre-jambe [orthographe] — : le gambe tumefacte. Ah, vedo que la signorina vieni colla sua tieta, mi piace, mi piace.
Je passai sur son sarcasme et je me présentai.
—Je suis l’agent de mademoiselle Trash. Parlez-vous notre langue ?
—Pour sûr [sommes-nous à Marseille avec Marius, Fanny et César ? ]que je la parle, et avec une aisance remarquable —dit l’italien. On m’appelle il poliglota di Cinecittà. Ca vous dirait de passer commande ? J’ai l’estomac dans les talons. Eh ! Toi, Fumanchú ! Viens-ici ! Le chinois, qui était resté près de la porte, montra sa tête, plus sinistre que jamais.
—Ecoute—lui dit le producteur— tu nous apportes un peu de ceci et un peu de cela, comme ça nous goûterons à tout. En boisson, je veux une bouteille de rouge maison, à cette demoiselle, tu me lui apportes une eau minérale non gazeuse, et à son gorille, un pepsi-cola. Le chinois se retira discrètement, glissant une porte coulissante et nous laissant tous les trois enfermés dans la salle privée, sans savoir quoi raconter. C’est Emilia qui rompit le silence et elle le fit d’une façon assez surprenante.
—Ecoutez bien, monsieur —lui dit- elle au producteur, je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous attendez de moi, mais je peux vous assurer que cette farce est inutile, parce que je suis étrangère à toute cette embrouille. Je m’y suis vu embarquée malgré moi et à cause de mon manque de jugeote. Je ne désire qu’une seule chose, c’est vivre en paix et ne plus avoir à vivre à l’improviste. Ce que vous cherchez, d’ après ce que je crois, c’est une mallette que j’ai volé à Madrid. La mallette se trouve dans la consigne de l’aéroport. Vous pouvez passer le retirer quand il vous plaira et pourvu que vous en tiriez bien du profit. Quant à ma discrétion, vous pouvez compter sur elle : je ne sais rien et même si je savais quelque chose, je n’irais pas vous donnez à la police. La seule chose que je vous demande en échange c’est que vous ne fassiez plus intrusion dans ma vie et, au passage, que vous ne fassiez rien non plus à ce camarade, que je ne vais pas laisser en rade. Je ne crois pas qu’après cela nous ayons grand-chose à nous dire. Voici pour vous, monsieur, le coupon de la consigne.
Elle fouilla dans son sac, en sortit un ticket chiffonné et elle le donna au producteur, qui le rangea dans la poche supérieure de sa veste. Moi, je ne savais sur quel pied danser.