mardi 30 décembre 2008

Devoirs de vacances (Noël), 10

En photo : Codorniz (Coturnix coturnix) par azteca404

À faire en 2h30, sans dictionnaire
(Texte donné à l’agregation interne en 2003 – si mes souvenirs sont bons)

El telón cayó entonces, y el público permaneció un segundo mudo, atónito, escuchando aún en aquel silencio que hubiera permitido oír la caída de una hoja, embargado por esa especie de pavor suavísimo que infunde en el alma el sentimiento de lo sublime. Una tempestad de bravos y de aplausos estalló al fin en el teatro, y Villamelón salió entonces de su arrobamiento, exclamando con aire de reconcentración profunda :
— ¡ Lo dije !… El vol-au-vent de codornices se me indigesta siempre…
Currita, prescindiendo también de su emoción artística, inclinóse vivamente al oído de Leopoldina para preguntarle rabiosa y preocupada :
— Pero, mujer… ¿ A quién mirará tanto Jacobo en ese palco de arriba ?…
Leopoldina volvió lentamente la cabeza, con ese arte inimitable que tienen las mujeres para ver sin mirar, y echó una rápida mirada al palco del Veloz-Club.
La garçonniere andaba revuelta, y Jacobo, en pie en el palco, flechaba los gemelos con distinguidísima insolencia en la dirección marcada por Currita, sin hacer caso de las chistosas observaciones que, a juzgar por sus risas, parecían hacerle los compañeros. Diógenes, mirando también hacia el mismo sitio, cogió a Jacobo por un brazo y echó al mismo tiempo, con la mano izquierda, una gran bendición en el aire. Riéronse los del palco estrepitosamente, y Leopoldina dijo muy seria :
— ¡ Anda !… Ya los casó Diógenes…
Currita, muy alterada, volvió a preguntar :
— Pero ¿ quién puede estar ahí ?…
Leopoldina, furiosa dilettante, que recorría siempre de gorra todos los palcos del Real, tenía al dedillo los abonos de cada turno y los abonados a cada localidad. Calculó un momento la dirección en que los del Veloz miraban, y dijo al cabo :
— No sé quién puede ser… ; ese palco no está abonado.
Fernandito, con las manos en los bolsillos del pantalón, daba pataditas en el suelo, diciendo tímidamente :
— Estoy fastidiado… ¿ Sabes Currita ?…
Curra nada sabía, ni parecía tampoco querer averiguarlo, y aconsejaba mientras tanto a Leopoldina que fuera en aquel entreacto a visitar a Carmen Tagle, en su platea, desde donde podían perfectamente descubrirse las incognítas o incogníta del palco de arriba.

Luis COLOMA, Pequeñeces (1890)

***

La traduction que je vous propose :

Le rideau tomba alors, et l’espace d’une seconde le public resta muet, abasourdi, encore à l’écoute dans ce silence dans lequel on eût pu entendre la chute d’une feuille, saisi de cette espèce de peur infiniment douce que le sentiment du sublime insuffle dans nos âmes. Un tonnerre de bravos et d’applaudissements éclata finalement dans le théâtre, et Villamelón sortit alors de l’état d’extase dans lequel il était plongé, s’exclamant avec une mine d’intense concentration :
— Je l’avais bien dit !… Je n’arrive jamais à digérer le vol-au-vent aux cailles…
Currita, laissant elle aussi son émotion artistique de côté, se pencha prestement vers l’oreille de Leopoldina pour lui demander, furieuse et préoccupée :
— Mais enfin… Qui crois-tu donc que Jacobo soit en train de regarder avec autant d’insistance depuis cette loge, en haut… ?
Leopoldina tourna lentement la tête, avec ce talent inimitable qu’ont les femmes pour voir sans regarder, et elle jeta un rapide coup d’œil vers la loge du Veloz-Club.
La garçonnière était en pleine ébullition, et Jacobo, debout dans la loge, braquait ses jumelles avec une insolence des plus distinguées dans la direction indiquée par Currita, sans faire cas des observations blageuses que, à en juger par leurs rires, semblaient lui faire ses compagnons. Regardant également vers le même point, Diógenes attrapa Jacobo par le bras tout en faisant le geste d’une bénédiction en l’air avec la main gauche. Les personnes présentes dans la loge se mirent à rire bruyamment, et Leopoldina dit, très sérieuse :
— Et voilà !… Ça y est, Diógenes les a mariés…
Très troublée, Currita, demanda de nouveau :
— Mais qui peut-il bien y avoir là-bas ?…
En dilettante invétérée qu’elle était, Leopoldina se débrouillait toujours pour fréquenter toutes les loges du Real à l’œil, et connaissait sur le bout des doigts les abonnements achetés pour chaque représentation et le nom des abonnés de chaque siège. Elle prit un moment pour déterminer avec précision la direction dans laquelle les gens du Veloz étaient en train de regarder, et finit par dire :
— Non, je ne vois pas qui cela peut être… ; il n’y a d’abonnement pour cette loge.
Les mains dans les poches de son pantalon, Fernandito frappait légèrement le sol du pied en disant timidement :
— J’en ai assez… tu sais, Currita ?…
Curra ne savait rien, pas plus qu’elle ne semblait vouloir entendre parler de quoi que ce soit. Tout ce qu’elle faisait, pour l'heure, c’était conseiller à Leopoldina de profiter de l’entracte pour aller rendre une petite visite à Carmen Tagle, dans sa baignoire, d’où l’on pouvait découvrir à loisir qui étaient les inconnues ou l’inconnue de la loge d’en haut.

***

Aurélie Bianchi nous propose sa traduction :

C’est alors que le rideau tomba, et le public resta muet le temps d’une seconde, stupéfait, écoutant encore dans ce silence qui aurait permit d’entendre tomber une feuille, embrigadé par cette espèce de torpeur qui emplit l’âme du sentiment du sublime. Une tempête de bravos et d’applaudissements éclata finalement dans le théâtre, et Villamelón sortit alors de son sommeil, s’exclamant dans un air de reconcentration profonde :
— Je l’avais bien dit !... Le vol-au-vent de cailles me donne toujours des indigestions…
Currita, refoulant elle aussi son émotion artistique, se pencha vivement à l’oreille de Leopoldina, furieuse et préoccupée, et lui demanda :
— Mais, enfin… Qui est-ce que Jacobo regarde tant dans ce balcon là haut ?...
Leopoldina tourna lentement la tête, avec cet art inimitable qu’ont les femmes pour voir sans regarder, et elle jeta un coup d’œil rapide au balcon du Club des Rapides.
La garçonnière se trouvait cachée et Jacobo, debout au balcon, faisait signe aux jumeaux, avec une insolence parfaitement visible, dans la direction montrée par Currita, sans prêter attention aux observations moqueuses que, à en juger par leurs rires, semblaient lui adresser ses camarades. Diógenes, qui regardait lui aussi vers le même endroit, saisit Jacobo par le bras en même temps qu’il lança dans l’air une grande bénédiction de la main gauche. Ceux du balcon ricanèrent, et Leopoldina rétorqua, très sérieuse :
— C’est pas vrai !... Diógenes les a déjà mariés…
Currita, très en colère, demanda encore une fois :
— Mais qui peut bien se trouver là ?...
Leopoldina, furieuse dilettante, qui parcourait toujours de biais tous les balcons du Real, avait entre ses doigts les abonnements de chaque représentation et les abonnés à chaque place. Elle calcula un moment la direction dans laquelle regardaient ceux des Rapides, et dit enfin :
— Je sais pas qui ça peut être…; ce balcon n’est pas abonné.
Fernandito, les mains dans les poches de son pantalon, tapait du pied sur le sol en disant timidement :
— J’en ai assez, tu sais Currita ?...
Curra ne savait rien, elle ne semblait même pas vouloir le vérifier, et pendant ce temps elle conseilla à Leopoldina qu’elle aille voir, pendant cet entracte, Carmen Tagle, sur son plateau, d’où elles pourraient parfaitement découvrir qui étaient les inconnues ou l’inconnue du balcon d’en haut.

***

Brigitte nous propose sa traduction :

Le rideau tomba alors et le public resta une seconde silencieux, ébahi, écoutant dans ce silence qui aurait permis d’entendre une feuille tomber, tétanisé par cette sorte de douce panique qui insuffle à l’âme la sensation du sublime. Un tonnerre de bravos et d’applaudissements explosa enfin dans le théâtre, et Villamelón sortit alors de son ravissement, en s’exclamant d’un air profondément concentré :
- C’est bien ce que je disais !...Le vol-au-vent de perdrix me reste toujours sur l’estomac…
Currita, oubliant aussi son émotion artistique, se pencha vivement à l’oreille de Leopoldina pour lui demander furieuse et inquiète :
- Mais, …Qui donc peut bien regarder Jacobo avec une telle insistance dans cette loge du haut ?...
Leopoldina leva lentement la tête, avec cet art inimitable qu’ont les femmes pour voir sans regarder, et jeta un rapide coup d’œil vers la loge du Veloz-Club.
La garçonnière était en pleine agitation et Jacobo, debout au balcon, dirigeait ses jumelles avec une insolence fort distinguée dans la direction indiquée par Currita, faisant fi des plaisanteries que, à en juger par leurs rires, semblaient lui faire ses camarades.
Diógenes, regardant aussi vers le même endroit, prit Jacobo par un bras et fit en même temps de la main gauche, un grand signe de bénédiction dans l’air. Les occupants de la loge éclatèrent de rire à grand bruit et Leopoldina dit très sérieusement :
- Et allez…Ca y est Diógenes les a mariés …
Currita, très contrariée, demanda à nouveau :
Mais qui peut bien être là ? …
Leopoldina, en dilettante acharnée, qui cherchait toujours des places à l’œil dans toutes les loges du Real, connaissait sur le bout des doigts les abonnements pour chaque représentation et les abonnés de chaque fauteuil. Elle évalua la direction dans laquelle regardaient les garçons du Veloz-Club et dit enfin :
- Je ne sais pas qui ça peut être… . Cette place loge n’est pas réservée.
Fernandito, les mains dans les poches de son pantalon, tapotait du pied par terre, en disant timidement :
- Je ne me sens pas bien…Tu sais, Currita ?...
Curra ne savait rien, elle ne semblait pas non plus vouloir le vérifier et elle conseillait cependant à Leopoldina d’aller voir Carmen Tagle, dans l’orchestre au cours de l’entracte; de là on pourrait parfaitement découvrir là ou les inconnues du balcon supérieur.

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