jeudi 11 juin 2009

Entretien de Laure Gentile avec Laurence Videloup (traductrice de l'anglais)

Tout bon traducteur doit être inspiré lorsqu’il décide de se frotter aux mots, pour en faire sortir toutes les teintes, tout l’éclat…
J’attends moi-même l’inspiration de la Muse Traduction depuis le début de cette formation pour passer d’une langue à l’autre, par le biais de tous les supports littéraires qui tombent sous ma plume.
Mais qui dit « inspiration » dit « modèle »… J’ai puisé cette inspiration première, l’envie de traduire et de me former, de Laurence Videloup, une collègue de travail. Je marche dans ses pas, consciente du chemin qu’il me reste à parcourir, mais d’ores et déjà je la remercie de m’avoir insufflé le goût de l’enrichissement personnel à travers le jeu des mots et l’osmose des langues.
Je la remercie également de m’accorder son précieux temps pour répondre à ces quelques questions.

-De quelle langue vers quelle autre langue traduis-tu ?
Je traduis de l’anglais vers le français. J’aimerais pouvoir faire l’inverse, mais ce n’est pas la règle, et très peu de traducteurs s’y essaient. En collaboration avec un anglophone, cela me tenterait tout de même beaucoup.

-Comment es-tu devenue traductrice ? Depuis combien de temps traduis-tu ?
Je suis une « jeune » traductrice, j’ai passé mon Master de traduction professionnelle en 2007, et j’ai eu l’immense chance de signer un contrat à l’issue de mon stage. J’avais déjà l’habitude de la traduction littéraire, mais en tant qu’enseignante, en classes prépas littéraires et c’est un autre exercice. Bien sûr, l’excellence du français reste dans les deux cas une priorité mais il y a une plus grande liberté lorsque l’on traduit un roman entier. J’ai eu envie de suivre cette formation aussi parce que spontanément, je préférais le thème, et je ne me trouvais pas très bonne en version.
Traduire un roman entier me paraissait être un défi !

-Pourquoi avoir choisi de traduire de la littérature ?
Tout simplement parce que la littérature fait partie de ma vie, je l’enseigne, j’en lis beaucoup, j’aimerais en lire plus, découvrir la littérature d’autres pays étrangers (en passant, merci les traducteurs !), le temps me manque souvent et entre la production littéraire française et celle des pays anglophones… il faut dire qu’il y a fort à faire.

-Traduire, est-ce pour toi une profession, une passion, un passe-temps,… ?
Profession, non, pas vraiment. Je ne souhaite pas quitter l’enseignement, j’aime le contact avec les étudiants, et traduire avec ses dicos derrière son écran, c’est un exercice pour moi trop solitaire. Un passe-temps, non, lorsque l’on est dans la traduction d’un roman, on vit avec ce roman pendant tout le temps que dure cette traduction. Certains points ardus peuvent même devenir obsédants, on en parle autour de soi, amis, collègues… et cela aide.

-En tant que professeur qui pratique l’exercice littéraire de la version, penses-tu que traduire change ta façon d’aborder la version, t’efforces-tu de ne pas confondre version et traduction,… ?
Je m’efforce en effet de ne pas confondre les deux, et j’essaie d’être peut-être moins « obnubilée » par le texte de départ.

-Qu’apporte la traduction au monde des lettres, au « monde en général » ?
L’ouverture, le passage, pouvoir, sans connaître trente-six mille langues, se plonger dans un univers culturel différent.

-Comment se répartit sur l’année et comment s’organise ton travail de traductrice ? Suis-tu une technique particulière pour traduire (traduis-tu « au kilomètre » ponctuellement, avec un grand soin de temps en temps,…) ?
Je traduis en même temps que j’enseigne, donc il me faut trouver des plages de temps assez longues pour que j’avance, ce n’est pas bon de laisser le texte « dormir » trop longtemps. J’essaie de parvenir à la meilleure traduction possible tout de suite et je relis très attentivement les dernières pages traduites avant de m’y remettre. On finit parfois par ne plus voir ce qui crèverait les yeux d’un lecteur tout frais.

-Choisis-tu les romans que tu traduis ? Si oui, quels critères guident tes choix ?
Jusqu’à présent, je n’ai rien choisi, j’ai eu la possibilité de rencontrer une jeune romancière lors de mon stage, j’ai fait un essai, été choisie et comme cela s’est bien passé et que le contact est très bon avec l’auteur, j’ai enchaîné sur un deuxième roman, différent et donc enrichissant.

-Combien de romans as-tu traduis ? Le nombre a-t-il de toute façon une importance pour se dire qu’enfin on est traducteur, ou même un bon traducteur ?
Deux romans et une nouvelle, de la même romancière. Oui, je pense que comme pour tout exercice, plus l’on traduit et plus on progresse.

-Entretiens-tu un rapport avec les auteurs des romans que tu traduis ?
Oui, je rencontre Abha Dawesar dès qu’elle est à Paris. Nous échangeons des tuyaux de lecture et si j’ai besoin de précisions, c’est bien sûr précieux de pouvoir les obtenir de la bouche même de l’auteur !

-La lectrice que tu es lit-elle avec un regard singulier depuis que tu es traductrice ?
Oui, je suis plus attentive à la qualité du français, repère sans doute plus vite des maladresses, s’il y en a.

-Quelle fut ta première traduction et quels souvenirs et impressions en gardes-tu ?
Dernier Eté à Paris, le deuxième roman traduit en français d’Abha Dawesar. Le premier, Babyji, avait eu du succès, j’étais inquiète que ma traduction ne soit pas bonne, que les lecteurs soient déçus.


-Y a-t-il un roman que tu aimerais traduire ou avoir traduit ?
Des tas, des romans de P.Roth, le dernier texte de Sebastian Barry, The Scripture, Lolita de Nabokov….

-Donnes-tu à corriger et à contrôler tes traductions avant qu’elles soient soumises au correcteur officiel de la maison d’édition?
Oui, j’ai des amies précieuses qui aiment cet exercice et sont d’excellentes relectrices. Je leur fais toute confiance et je les en remercie de nouveau.

-La rémunération a-t-elle été une motivation de ton désir de traduire ? Est-ce déplacé de te demander si les émoluments ont une quelconque incidence sur tes choix de traduction ?
Oui, c’est un complément de revenus. Je ne traduirai pas, cela dit, n’importe quoi simplement pour la rémunération. Ce n’est pas un travail simple, l’on est encore une fois « dedans » pendant un bon moment et il faut que le texte plaise, qu’il convienne d’une certaine manière à ce que l’on est. Pour le Master, j’ai traduit un récit d’un américain ; la langue, le style, le milieu décrit ne m’ont pas séduite, et je n’ai pas été très bonne.

-Quels conseils pourrais-tu donner à des apprentis traducteurs ?
Lire énormément dans les deux langues. Ne pas toujours travailler en solo, si cela est possible.

1 commentaire:

Florian Baude (florianbaude@fnac.net) a dit…

Bonjour, j'ai moi-même eu Laurence Videloup comme enseignante en classe préparatoire à Caen il y a quelques années et j'ai gardé un très bon souvenir de ses cours de traduction. Ayant beaucoup hésité durant mes années d'étude entre les langues et les mathématiques, je me retrouve aujourd'hui un peu par hasard prof de maths, mais je continue à me perfectionner en anglais et je viens même de me lancer moi aussi dans la traduction. J'ai traduit de l'anglais au français l'autobiographie d'un sportif célèbre en accord avec l'auteur et je fais en ce moment des démarches pour tenter de la publier. Merci pour cette interview très intéressante !