lundi 12 novembre 2012

Exercice d'écriture 5 – par Nadia Salif

« Lettre à mon juge »

Monsieur le Juge,

Je suis innocent. Mon argumentation se résume en cette phrase, en ces trois mots : sujet, verbe, attribut. Que puis-je dire de plus ? Je n’ai pas tué ma femme. Je l’aimais. On était heureux.
Il faut que vous cherchiez ailleurs, un assassin court toujours et vous ne pouvez pas rester les bras croisés, vous représentez la justice.
 Ce week-end-là était parfait, trop peut-être, le soleil brillait, les enfants jouaient dans le jardin et Emma se détendait, un bouquin à la main. On a sonné à la porte, un démarcheur, quand je suis retourné dans le salon, Emma baignée dans son sang. Après, je ne me souviens pas très bien, j’ai essayé de la réveiller, je crois,  j’ai appelé la police, non les pompiers, je ne sais plus. Mais je ne l’ai pas tuée. Je l’aimais. C’était la femme de ma vie. Depuis cet après-midi tragique, j’ai l’impression de flotter dans un mauvais rêve, je ne suis plus acteur de ma vie, juste un spectateur impuissant. Mes enfants ont besoin de moi, ils ont besoin de savoir, non, que les autres sachent que leur père est innocent. Eux, ils le savent déjà, je ne veux pas que cette situation s’éternise et vienne ébranler leur certitude. Ils ont perdu leur mère, pourquoi devraient-ils être séparés de leur père à cause d’une erreur judiciaire ? Car il y a erreur, une terrible erreur. Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas fou, je ne suis pas un danger pour la société quoiqu’en pense le Procureur. Ce procès était une farce, je n’y ai vu aucune preuve tangible, mon ADN a été retrouvé partout, normal, j’habitais sur les lieux du crime. J’avais les mains pleines de sang, et alors ? J’avais essayé d’arrêter l’hémorragie. Pas de témoin clé. Pas d’hypothèses qui tiennent la route. Ma vie s’est écroulée une deuxième fois, ce jour-là, le verdict est tombé comme un couperet. Je ne comprenais plus rien : déclaré coupable. Coupable de quoi ? D’avoir été trop naïf, d’avoir cru en la justice. Tous mes espoirs se sont envolés à ce moment précis. Le cauchemar continuait mais pour combien de temps encore ?
À cause de cette histoire hallucinante, j’ai eu l’impression de sombrer, de me vider de toute énergie vitale. Mais non, il n’en est pas question, le système pénal n’aura pas raison de moi. Il me reste encore assez de force pour me battre. Je veux être auprès de mes deux fils pour les voir grandir et les aider à se reconstruire. Avez-vous des enfants, Monsieur le Juge ?

Aucun commentaire: