mardi 13 novembre 2012

Exercice d'écriture 5 – par Nancy Benazeth

« Lettre à mon juge »

Monsieur le juge,

Je souhaiterais vivement que vous daignassiez interrompre vos incessants commentaires qui sont aussi futiles qu'inutiles. J'ai décidé de vous adresser cette missive car, avec tout le respect que je vous dois, vous feignez l'incompréhension. Vous continuez à émettre un avis sur toute chose, et n'êtes jamais à court de remarques.
Nonobstant ma demande, je reconnais que celles-ci me favorisèrent à un moment très précis de mon existence, mais sachez que ce temps est révolu. Je fais allusion à la période durant laquelle mon image, en tant que Madame de Ségala, devait être irréprochable. Vos jugements me permirent d' acquérir la maîtrise indispensable de mes faits et gestes. Or, à présent, je n'ai plus besoin de tous ces artifices ; je donne carrière à ma personne. Voulez-vous bien arrêter ? Je ne sais que tenter pour vous faire taire Monsieur.
Prenons pour exemple cet instant que nous vivons ensemble. N'êtes-vous pas en train de mesurer l'hardiesse de ma plainte,  de critiquer la syntaxe de mes phrases ou d'évaluer mon intention ? Des considérations comme celles-là, il n'en manque pas, je vous avouerais que j'en suis accablée au quotidien, et que je me sens envahie par votre conception du monde, comme le feu l'est par les flammes. Je ne puis supporter davantage vos constantes opinions. Je vous propose d'aller inspecter les actions d'une autre personne qui serait éventuellement intéressée par votre voix.
Permettez-moi d'envisager une situation sans votre présence, dans laquelle je pourrais saluer un être et le regarder, l'écouter véritablement au lieu de vous entendre avancer des préjugés,  tenter de définir son caractère, ses goûts, ses intentions, évaluer sa coiffe, interpréter sa carnation ou autre frivolité,  et pire encore,  prédire son avenir.
Mais, ne vous méprenez pas, le jugement ne fait pas de vous un maître, bien au contraire, votre condition de juge vous privant de l'essence même de la réalité, vous ne comprenez ni ne savait rien (et ces mots qui se retournent contre vous, ont jugé pour la dernière fois)., En effet,  en ce qui me concerne, vous l'aurez compris,  je vous remercie. Ne résistez point. Laissez-moi en paix. Adieu.
Une conscience apaisée

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