mardi 9 juillet 2013

Entretien avec un auteur traduit (Thierry Serfaty), par Céline Rollero


Je remercie chaleureusement Thierry Serfaty d’avoir accepté de répondre à mes questions.

1. Céline Rollero. Quel est votre parcours professionnel ? Comment êtes-vous passé du roman policier à la littérature de jeunesse ?
Thierry Serfaty. J’ai une formation de médecin, j’ai exercé pendant plusieurs années à Strasbourg en cabinet puis à l’hôpital, et j’ai pratiqué un virage brutal lors d’une circonstance assez « insignifiante » (c’est souvent ainsi que ce genre de revirement se produit) : une remplaçante a aimé les 15 jours passés dans mon cabinet, je lui ai proposé de garder les clefs et je suis parti vivre à Marseille, où je n’avais jamais mis les pieds ! J’ai commencé à écrire des romans policiers dès 2000, parce que l’enquête policière me semblait proche du processus que suit un médecin pour établir un diagnostic. Mais durant mon parcours, j’ai été amené à soigner des adolescents, et l’un d’eux m’a bouleversé ; je me suis alors promis d’écrire, un jour, une histoire qui permettent aux adolescents d’établir un autre rapport au corps, pour s’y sentir bien, pour ne plus en avoir peur et voir le corps comme un territoire magique, d’aventure. La suite, les lecteurs d’Oscar Pill la connaissent…

2. C. R. À partir de quand, dans votre carrière, vos œuvres ont-elles été traduites ? Quel est le premier de vos romans à avoir été traduit ? Aujourd’hui, combien l’ont été ?
T. S. Le premier roman a été traduit en plusieurs langues, et tous l’ont été depuis. La saga d’Oscar Pill a été traduite (ou est en cours de traduction) dans une vingtaine de pays.

3. C. R. Y a-t-il une langue en particulier dans laquelle vous aimeriez être traduit ?
T. S. Si je mets de côté l’intérêt purement commercial d’être traduit en anglais, non, je n’ai pas de préférence pour une langue ou une autre ; la traduction quelle qu’elle soit a toujours pour moi la même signification, touchante et plaisante : elle me dit que mon humble texte porte un petit message qui a un sens pour d’autres populations, d’autres cultures, avec d’autres mots. Et ça, c’est formidable.

4. C. R. Y a-t-il des pays dans lesquels vous avez particulièrement rencontré du succès ? Avez-vous déjà été contacté par des lecteurs non francophones ?
T. S. La France est incontestablement le territoire de mon « succès », pour reprendre votre terme. Quant aux lecteurs étrangers, je crois que d’un pays à l’autre la culture du contact avec l’auteur est très différente, il y a une forme de pudeur en Asie par exemple ; ceux qui me contactent le plus volontiers sont méditerranéens (Espagne), sud-américains (Brésil), les pays baltes et russes.

5. C. R. Quels rapports entretenez-vous avec vos traducteurs ? Vous est-il déjà arrivé de les rencontrer ? Quels types de questions vous posent-ils ? Pour la traduction d’une même œuvre dans plusieurs langues, les différents traducteurs vous font-ils part des mêmes difficultés de traduction ?
T. S. Je suis très rarement en contact avec mes traducteurs. La seule fois où je l’ai été, c’est avec ma traductrice russe d’Oscar, que j’ai même eu le plaisir de rencontrer lors de son passage à Paris. Les questions qu’elle m’a posées (ou celles que mon éditeur m’a déjà transmises pour d’autres traductions) tournent souvent autour de la même difficulté : certains mots français peuvent être traduits de différentes manière, prendre un sens très différent selon le contexte et changer alors le sens de la phrase. Les traducteurs ont du mal à trancher, ils ont besoin de notre concours.

6. C. R. Avez-vous dans chaque pays un traducteur « attitré » ? Pour les séries de romans comme Oscar Pill, cela vous dérangerait-il que ce ne soit pas le même traducteur qui traduise tous les tomes ?
T. S. Je trouve étrange qu’on sollicite plusieurs traducteurs pour plusieurs tomes d’une même saga, parce que je crois que la tonalité et le rythme changent d’un traducteur à l’autre ; c’est pourtant le cas avec Oscar – il semble même que dans certains pays, pour pouvoir sortir l’ensemble des tomes de manière très rapprochée, on ait réquisitionné deux traducteurs pour se partager la traduction d’un même tome !! Je suis parfois triste de ne pas maîtriser assez une langue ou une autre pour être capable de lire le résultat…

7. C. R. Maîtrisez-vous d’autres langues étrangères ? Vous êtes-vous déjà essayé à la traduction ? Avez-vous déjà lu une de vos œuvres traduites? Si oui, qu’en pensez-vous ?
T. S. Je parle correctement l’anglais, mais pas assez pour écrire ni traduire moi-même mes textes en anglais. Il m’arrive de lire des romans en anglais, mais je n’en maîtrise pas assez les subtilités pour me rendre compte de la qualité d’une traduction.

8. C. R. Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ? Les libraires ? En France ? À l’étranger ?
T. S. Je ne saisis pas le sens de votre question – très générale, en l’occurrence…

9. C. R. Pour vous, un traducteur est-il plutôt un auteur ou un passeur ?
T. S. Je crois que c’est un passeur dont il ne faut pas dénigrer la capacité (ou pas) à trouver la meilleure trajectoire pour passer d’une rive à l’autre. Selon son talent et sa créativité, le voyage sera une douce promenade, une traversée tumultueuse ou un voyage en eaux troubles, voire un bain de boue !

10. C. R. Enfin, quels sont vos projets littéraires ? Envisagez-vous de continuer à écrire des romans de jeunesse ? des romans policiers ? Avez-vous des projets d’adaptation cinématographique ?
T. S. Une nouvelle série jeunesse va voir le jour en automne, je vais décliner Oscar Pill en romans illustrés qu’on pourra lire dès 7 ans. J’ai toujours autant de plaisir à traiter de sujets policiers, donc je ne tire pas un trait sur les polars pour adultes et mes textes jeunesse en seront teintés ! Cinéma : on attend avec impatience et espoir l’adaptation d’Oscar Pill, dont les droits ont été acquis par Warner Bros. Fingers crossed…

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