LA GUERRA CIVIL NO HA TERMINADO
No es el frío el que le envara sino una antigua historia que se está contando a sí mismo. Pero diríase que es un poste negro y aguileño contra el horizonte, indiferente del marco que le rodea, un poste ensimismado y lleno de tormentas secretas. El viejo permanece con los ojos fijos en sus propios recuerdos y los cierra para mejor digerir una vaharada de miedo que le sube desde el estómago hasta los labios. ¿Miedo a qué? ¿A morir? Pues sí, coño, ¿por qué no? ¿Por qué no puedo tener yo miedo a morir?
—Desde la infancia te lavan el cerebro para extirparte el miedo a morir. Que es un hecho de vida, dicen. La muerte es un hecho de vida. La madre que les parió. Estafadores. Miserables.
Pero ¿quiénes eran los estafadores y miserables? Un conjunto de otros en el que se integraban maestros, curas, escritores, sus propios padres, aunque sólo al recordarlos ya se le enternecían los ojos y el trasiego de saliva compensaba milagrosamente la tentación de las lágrimas.
—He de salir de aquí.
Lo repitió hasta tres veces y los alejados testigos de su soliloquio ni caso le hicieron, sabedores de la frecuencia de sus apartes y reflexiones habladas.
—Antes de que me saquen con los pies por delante. Ahora que aún puedo moverme. Ahora que aún estoy a tiempo. Pero quizá antes deba cumplir lo que he de cumplir. Deba pasar lo que tiene que pasar.
La voluntad no existe. Era una de sus más antiguas sospechas. A lo largo de su vida la veía constantemente sustituida por la presión de lo lógico y lo fatal sabiamente combinados. Lo fatal como presión exterior, de los otros y de la sociedad. Lo lógico como un patético esfuerzo personal para no ser arrollado por la fatalidad.
—La suerte está echada.
Y se estremece, tal vez porque hace frío, y contribuye a aumentar la sensación de frío el esqueleto nervado de los árboles hibernantes y los vapores que salen de las bocas de los viejecillos, abufandados ellos, entoquilladas ellas, deambulando sobre la grava del jardín o sentados en los bancos. Entre toses y conversaciones mañaneras se abre paso la sensación colectiva de que hay que guardar silencio por algo. Un viejo erguido, sin bufanda, encorbatado, con el paraguas en una mano y el otro brazo pegado a la espalda, avanza por el pasillo de silencio, perseguido por algún comentario, miradas irónicas. Suena una campana y varias monjas aparecen en el patio instando a los ancianos a que vayan al comedor. Una monja joven corre para alcanzar al viejo envarado.
—Don Gonzalo, también usted ha de ir al comedor.
El viejo se vuelve y la contempla displicente.
—Veo que es imposible escapar a un comportamiento gregario. Aquí todo va a golpe de pito.
—De campana, don Gonzalo, venga, no sea usted malo y venga al comedor. Luego se queja de que los demás le hagan el vacío. Es usted muy malo y muy díscolo.
—Yo no me quejo de que me hagan el vacío. Me quejo de tener por compañeros a cabestros y mujerucas. Es algo más fuerte que yo. La sola idea de sentarme en el comedor con esa pandilla de mediocres me altera.
—Jesús, qué orgulloso es usted. Dios le castigará. Dios castiga el pecado de orgullo.
—No me venga con cuentos de miedo, hermana. Bastantes problemas tiene Dios con el papa que le ha salido para que esté pendiente de lo que hago yo.
—Jesús, mire, no le he oído. Ya empieza usted a blasfemar, demonio, que es usted un demonio.
***
Aurélie – étudiante du groupe 2 de CAPES – nous propose sa traduction :
La guerre civile n’est pas terminée
Ce n’est pas le froid qui l’engourdi mais une vieille histoire qu’il se raconte à lui-même. Mais il se pourrait se dire que c’est un poteau noir et aquilin contre l’horizon, indifférent au cadre qui l’entoure, un poteau pensif et rempli de tourments secrets. Le vieil homme reste les yeux figés sur ses propres souvenirs et les ferme pour mieux digérer une bouffée de peur qui remonte depuis son estomac jusqu’à ses lèvres. Peur de quoi ? De mourir ? Et comment putain, et pourquoi pas ? Pourquoi moi, je peux pas avoir peur de mourir ?
- Depuis l’enfance, on te lave le cerveau pour t’extirper la peur de mourir. Ca fait partie de la vie, à ce qu’on dit. La mort fait partie de la vie. Font chier. Escrocs. Misérables.
Mais qui étaient les escrocs et les misérables ? Un ensemble d’autres dans lequel étaient compris instituteurs, prêtres, écrivains, ses propres parents, bien qu’à leur seul souvenir ses yeux s’attendrissent et le fait d’avaler sa salive compensait miraculeusement la tentation des larmes.
- Faut que je sorte d’ici.
Il le répéta jusqu’à trois fois et les témoins éloignés de son monologue ne lui prêtèrent même pas attention, connaisseurs de la fréquence de ses apartés et réflexions parlées.
- Avant qu’on me sorte les pieds en avant. Maintenant que je ne peux plus bouger. Maintenant que je suis même à l’heure. Mais peut-être qu’avant je devrais accomplir ce que je dois accomplir. Qu’il devrait arriver ce qui doit arriver.
La volonté n’existe pas. C’était une de ses plus anciennes suspicions. Tout au long de sa vie, il l’avait vue constamment remplacée par la pression de la logique et de la fatalité savamment combinées. La fatalité comme pression extérieure, des autres et de la société. La logique comme pathétique effort personnel pour ne pas être enrôlé par la fatalité.
- Les dés sont jetés.
Et il frissonne, peut-être parce qu’il fait froid. Et le squelette nerveux des arbres hibernant et des vapeurs sortant de la bouche des petits vieux contribue à augmenter la sensation de froid, eux, enroulés dans leurs écharpes, elles, dans leurs foulards, déambulant sur les graviers du jardin ou assis sur les bancs. Entre les toux et les conversations matinales, la sensation collective qu’il faut garder le silence pour quelque chose se fraye un chemin. Un vieil homme dressé, sans écharpe, en cravate, un parapluie dans une main et l’autre bras dans le dos, avance dans le petit chemin en silence, poursuivi par quelque commentaire, des regards ironiques. Une cloche sonne et plusieurs sœurs apparaissent dans la cours et somment les personnes âgées de se rendre à la salle à manger. Une jeune sœur court pour rejoindre le vieil homme engourdi.
- Don Gonzalo, vous aussi vous devez aller à la salle à manger.
Le vieil homme se retourne et la contemple avec dédain.
- Je vois que c’est impossible d’échapper à un comportement grégaire. Ici, tout se fait à coup de sifflet.
- De cloche, don Gonzalo, venez, ne soyez pas méchant et venez dans la salle à manger. Après vous vous plaignez que les autres vous laissent à l’écart. Vous êtes très méchant et très turbulent.
- Moi, je ne me plains pas que les autres me laissent à l’écart. Je me plains d’avoir pour compagnons des bêtes de somme et des matrones. C’est plus fort que moi. La seule pensée de m’asseoir dans la salle à manger avec cette bande de médiocres me rend furieux.
- Doux Jésus, qu’est-ce que vous êtes orgueilleux. Dieu vous punira. Dieu punit le pécher d’orgueil.
- Vous, venez pas avec vos contes à faire peur, ma sœur. Dieu a assez de problèmes comme ça avec le Pâpe qu’on lui a sorti pour être au courant de ce que je fais, moi.
- Doux Jésus, vous voyez bien, je ne vous ai pas écouté. Là, vous commencez à blasphémer, démon, car vous, vous êtes un démon.
La guerre civile n’est pas terminée
Ce n’est pas le froid qui l’engourdi mais une vieille histoire qu’il se raconte à lui-même. Mais il se pourrait se dire que c’est un poteau noir et aquilin contre l’horizon, indifférent au cadre qui l’entoure, un poteau pensif et rempli de tourments secrets. Le vieil homme reste les yeux figés sur ses propres souvenirs et les ferme pour mieux digérer une bouffée de peur qui remonte depuis son estomac jusqu’à ses lèvres. Peur de quoi ? De mourir ? Et comment putain, et pourquoi pas ? Pourquoi moi, je peux pas avoir peur de mourir ?
- Depuis l’enfance, on te lave le cerveau pour t’extirper la peur de mourir. Ca fait partie de la vie, à ce qu’on dit. La mort fait partie de la vie. Font chier. Escrocs. Misérables.
Mais qui étaient les escrocs et les misérables ? Un ensemble d’autres dans lequel étaient compris instituteurs, prêtres, écrivains, ses propres parents, bien qu’à leur seul souvenir ses yeux s’attendrissent et le fait d’avaler sa salive compensait miraculeusement la tentation des larmes.
- Faut que je sorte d’ici.
Il le répéta jusqu’à trois fois et les témoins éloignés de son monologue ne lui prêtèrent même pas attention, connaisseurs de la fréquence de ses apartés et réflexions parlées.
- Avant qu’on me sorte les pieds en avant. Maintenant que je ne peux plus bouger. Maintenant que je suis même à l’heure. Mais peut-être qu’avant je devrais accomplir ce que je dois accomplir. Qu’il devrait arriver ce qui doit arriver.
La volonté n’existe pas. C’était une de ses plus anciennes suspicions. Tout au long de sa vie, il l’avait vue constamment remplacée par la pression de la logique et de la fatalité savamment combinées. La fatalité comme pression extérieure, des autres et de la société. La logique comme pathétique effort personnel pour ne pas être enrôlé par la fatalité.
- Les dés sont jetés.
Et il frissonne, peut-être parce qu’il fait froid. Et le squelette nerveux des arbres hibernant et des vapeurs sortant de la bouche des petits vieux contribue à augmenter la sensation de froid, eux, enroulés dans leurs écharpes, elles, dans leurs foulards, déambulant sur les graviers du jardin ou assis sur les bancs. Entre les toux et les conversations matinales, la sensation collective qu’il faut garder le silence pour quelque chose se fraye un chemin. Un vieil homme dressé, sans écharpe, en cravate, un parapluie dans une main et l’autre bras dans le dos, avance dans le petit chemin en silence, poursuivi par quelque commentaire, des regards ironiques. Une cloche sonne et plusieurs sœurs apparaissent dans la cours et somment les personnes âgées de se rendre à la salle à manger. Une jeune sœur court pour rejoindre le vieil homme engourdi.
- Don Gonzalo, vous aussi vous devez aller à la salle à manger.
Le vieil homme se retourne et la contemple avec dédain.
- Je vois que c’est impossible d’échapper à un comportement grégaire. Ici, tout se fait à coup de sifflet.
- De cloche, don Gonzalo, venez, ne soyez pas méchant et venez dans la salle à manger. Après vous vous plaignez que les autres vous laissent à l’écart. Vous êtes très méchant et très turbulent.
- Moi, je ne me plains pas que les autres me laissent à l’écart. Je me plains d’avoir pour compagnons des bêtes de somme et des matrones. C’est plus fort que moi. La seule pensée de m’asseoir dans la salle à manger avec cette bande de médiocres me rend furieux.
- Doux Jésus, qu’est-ce que vous êtes orgueilleux. Dieu vous punira. Dieu punit le pécher d’orgueil.
- Vous, venez pas avec vos contes à faire peur, ma sœur. Dieu a assez de problèmes comme ça avec le Pâpe qu’on lui a sorti pour être au courant de ce que je fais, moi.
- Doux Jésus, vous voyez bien, je ne vous ai pas écouté. Là, vous commencez à blasphémer, démon, car vous, vous êtes un démon.
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