dimanche 1 février 2009

Version d'entraînement, 6 (carlos Fuentes), 2

En photo : Chac Mool par Luis Alberto Lecuna

El chac mool, 2

Salimos de Acapulco, todavía en la brisa. Hasta Tierra Colorada nacie-ron el calor y la luz. Con el desayuno de huevos y chorizo, abrí el carta-pacio de Filiberto, recogido el día anterior, junto con sus otras perte-nencias, en la pensión de los Müller. Doscientos pesos. Un periódico derogado en México; cachos de la lotería; el pasaje de ida -¿sólo de ida?-. Y el cuaderno barato, de hojas cuadriculadas y tapas de papel mármol.
Me aventuré a leerlo, a pesar de las curvas, el hedor a vómito, y cierto sentimiento natural de respeto a la vida privada de mi difunto amigo. Recordaría -sí, empezaba con eso- nuestra cotidiana labor en la oficina, quizá, sabría por qué fue declinando, olvidando sus deberes, por qué dictaba oficios sin sentido, ni número, ni “Sufragio Efectivo”. Por qué, en fin, fue corrido, olvidada la pensión, sin respetar los escalafones.
”Hoy fui a arreglar lo de mi pensión. El licenciado, amabilísimo. Salí tan contento que decidí gastar cinco pesos en un Café. Es el mismo al que íbamos de jóvenes y al que ahora nunca concurro, porque me recuerda que a los veinte años podía darme más lujos que a los cuarenta. Entonces todos estábamos en un mismo plano, hubiéramos rechazado con energía cualquier opinión peyorativa hacia los compañeros -de hecho librábamos la batalla por aquellos a quienes en la casa discutían la baja extracción o falta de elegancia. Yo sabía que muchos (quizá los más humildes) llegarían muy alto, y aquí, en la Escuela, se iban a forjar las amistades duraderas en cuya compañía cursaríamos el mar bravío. No, no fue así. No hubo reglas. Muchos de los humildes quedaron allí, mu-chos llegaron más arriba de lo que pudimos pronosticar en aquellas fo-gosas, amables tertulias. Otros, que parecíamos prometerlo todo, que-damos a la mitad del camino, destripados en un examen extracurricu-lar, aislados por una zanja invisible de los que triunfaron y de los que nada alcanzaron. En fin, hoy volví a sentarme en las sillas, moderniza-das -también, como barricada de una invasión, la fuente de sodas- y pretendí leer expedientes. Vi a muchos, cambiados, amnésicos, retoca-dos de luz neón, prósperos. Con el Café que casi no reconocía, con la ciudad misma, habían ido cincelándose a ritmo distinto del mío. No, ya no me reconocían, o no me querían reconocer. A lo sumo -uno o dos- una mano gorda y rápida en el hombro. Adiós viejo, qué tal. Entre ellos y yo, mediaban los dieciocho agujeros del Country Club. Me disfracé en los expedientes. Desfilaron los años de las grandes ilusiones, de los pronósticos felices y también todas las omisiones que impidieron su realización. Sentí la angustia de no poder meter los dedos en el pasado y pegar los trozos de algún rompecabezas abandonado; pero el arcón de los juguetes se va olvidando, y al cabo, quién sabrá adónde fueron a dar los soldados de plomo, los cascos, las espadas de madera. Los dis-fraces tan queridos, no fueron más que eso. Y sin embargo había habi-do constancia, disciplina, apego al deber. ¿No era suficiente, o sobraba? No dejaba, en ocasiones, de asaltarme el recuerdo de Rilke. La gran re-compensa de la aventura de juventud debe ser la muerte; jóvenes, de-bemos partir con todos nuestros secretos. Hoy, no tendría que volver la vista a las ciudades de sal. ¿Cinco pesos? Dos de propina”.

***

Aurélie Bianchi – étudiante du groupe 2 de CAPES – nous propose sa traduction :

Nous sortîmes d’Acapulco, encore dans la brise. Jusqu’à Tierra Colorada apparurent la chaleur et la lumière. Avec le petit déjeuner aux œufs et au chorizo, j’ouvrai le bloc-notes de Filiberto, récupéré la veille, avec ses autres biens personnels, dans la pension des Müller. Deux cents pesos. Un journal interdit à Mexico ; des billets de loterie ; le passager de l’allée - seulement de l’allée ?-. Et le cahier bon marché, aux feuilles quadrillées et aux couvertures en papier marbre.
Je m’aventurai à le lire, en dépit des courbes, de la puanteur de vomi, et d’un certain sentiment naturel de respect de la vie privée envers mon défunt ami. Je me souviendrais –oui, je commençais à le faire – de notre travail quotidien au bureau, peut-être, je saurais pourquoi il déclinait peu à peu, oubliant ses devoirs, pourquoi il dictait des tâches sans sens, ni ordre, ni »Suffrage Effectif ». Pourquoi, enfin, il fut promu, oubliant la pension, sans respecter les échelons.
« Aujourd’hui, j’ai été arranger le problème de ma pension. Le licencié, très aimable. Je suis sorti tellement content que j’ai décidé de dépenser cinq pesos dans un café. C’est le même où on allait quand nous étions jeunes et dans lequel je ne rends plus maintenant, parce qu’il rappelle qu’à vingt ans il pouvait me donner plus de luxes qu’à quarante. Nous étions tous sur le même plan à ce moment-là, nous aurions rejeté avec énergie toute opinion péjorative sur les camarades – en fait on se livrait la bataille pour ceux qui dans la maison discutaient la basse extraction ou le manque d’élégance. Moi je savais que beaucoup (peut-être les plus humbles) arriveraient très haut, et qu’ici, dans l’Ecole, ils allaient se forger des amitiés durables en compagnie desquelles nous traverserions la mer sauvage. Non, ça ne s’est pas passé comme ça. Il n’y a pas eu de règles. Beaucoup de humbles sont restés là, beaucoup sont arrivés plus haut de ce que nous avions pu pronostiquer dans ces fougueuses, aimables discussions. Nous, les autres, qui paraissions avoir le plus beau devant nous, nous sommes restés à mi-chemin, étripés à un examen hors programme, isolés par une tranchée invisible de ceux qui ont triomphé et de ceux qui n’ont jamais rien obtenu. En fin de comptes, aujourd’hui je suis revenu m’asseoir sur les chaises, modernisées – et aussi, comme barricadées d’une invasion, la fontaine de sodas – et j’ai essayé de lire les dossiers. J’en ai vu beaucoup, changés, amnésiques, retouchés de lumières de néon, prospères. Avec le Café que je ne reconnaissais presque pas, avec la ville même, ils avaient été ciselés petit à petit à un rythme différent du mien. Non, ils ne me reconnaissaient plus ou ils ne voulaient plus me reconnaître. Tout au plus - un ou deux -, une main grosse et rapide sur l’épaule. Salut vieux, comment ça va ? Entre eux et moi, les dix-huit trous du Country Club nous séparaient. J’ai pris le déguisement des dossiers. Défilèrent les années des grandes illusions, les pronostiques heureux et aussi toutes les omissions qui empêchèrent leur réalisation. J’ai ressenti l’angoisse de ne pas pouvoir mettre les doigts dans le passé et de coller les morceaux de quelque puzzle abandonné ; mais le grand coffre des jouets s’oublie petit à petit, et au final, qui saura où sont allés se mettre les soldats de plomb, les casques, les épées en bois. Les déguisements tant chéris, ça n’était pas plus que ça. Et cependant il y avait eu de la constance, de la discipline, de l’attachement au devoir. N’était-ce pas suffisant ou en trop ? Le souvenir de Rilke n’arrêtait pas de m’assaillir en certaines occasions. La grande récompense de l’aventure de jeunesse doit être la mort ; nous, les jeunes, nous devons partir aves tous nos secrets. Aujourd’hui, je ne devrais pas reposer le regard sur les villes de sel. Cinq pesos ? Deux de pourboire ».

***

Brigitte nous propose sa traduction :

Nous sommes partis d’Acapulco, encore sous la brise. La chaleur et la lumière sont venues peu à peu jusqu’à notre arrivée à Tierra Colorada.
Pendant le petit déjeuner d’œufs au plat et de chorizo, j’ai ouvert la serviette de Filiberto, récupérée la veille, avec d’autres effets personnels, à la pension Müller. Deux cents pesos. Un journal inconnu à México ; des billets de loterie ; le billet aller – juste un aller simple ? - Et le cahier bon marché, aux feuilles quadrillées et à la couverture de papier marbré.
Je me suis aventuré à le lire, malgré les virages, l’odeur de vomis et un certain sentiment naturel de respect pour la vie privée de mon ami disparu.
Je me rappellerais – oui, il commençait avec ses mots – notre travail commun au bureau, peut-être, saurai-je pourquoi il avait décliné de plus en plus, oubliant ses obligations, pourquoi il dictait des rapports sans queue ni tête, ni « accord effectif ». Pourquoi enfin, il avait été renvoyé, la pension oubliée, au mépris des échelons.
« Aujourd’hui, je suis allé régler l’histoire de ma pension. Le licencié, très aimable. Je suis parti si content que j’ai décidé de dépenser cinq pesos dans un bar. Le même que celui où nous allions dans notre jeunesse et auquel je ne vais plus jamais maintenant parce que ça me rappelle qu’à vingt ans, je pouvais me permettre plus de luxe qu’à quarante. A cette époque, nous étions tous sur la même longueur d’onde, nous aurions contesté énergiquement la moindre opinion péjorative envers nos compagnons – d’ailleurs nous nous battions, à la maison, pour ceux dont la basse extraction ou le manque d’élégance étaient critiqués. Moi, je savais que nombre d’entre eux (peut-être les plus modestes) iraient très loin, et c’était ici, à l’Ecole, qu’allaient se forger les amitiés les plus fidèles en compagnie desquelles nous allions affronter la mer déchaînée. Mais non, ça ne s’était pas passé comme ça. Il n’y avait eut aucune règle. Nombre des plus modestes étaient restés là-bas, beaucoup étaient arrivés bien plus haut que tout ce que nous avions pronostiqué au cours de ces discussions conviviales et pleines de fougue. D’autres, qui paraissions des plus prometteurs, étions restés à mi-chemin, étripés au cours d’un examen hors programme, isolés par un fossé invisible entre ceux qui avaient triomphé et ceux qui n’étaient arrivés à rien du tout. Enfin, aujourd’hui, je me suis assis à nouveau sur les chaises, remises au goût du jour – le distributeur de sodas aussi, comme une barricade contre l’invasion, – et j’ai fait semblant de lire des dossiers. J’en ai vus beaucoup, changés, amnésiques, retouchés par la lumière des néons, prospères.
Avec le bar, que je ne reconnaissais pas, avec la ville elle-même, ils s’étaient forgés à un rythme différent du mien. Non, ils ne me reconnaissaient plus, ou ne voulaient pas me reconnaître. En tout et pour tout – un ou deux – une grosse main rapidement posée sur mon épaule. Salut, vieux, comment ça va ? Ce qui nous séparait, eux et moi, c’étaient les dix-huit trous du Country Club. Je me suis camouflé au milieu des dossiers. Les années des grandes illusions des pronostiques heureux et aussi des oublis qui avaient empêché leur réalisation ont alors défilé. J’ai senti l’angoisse de ne pas pouvoir toucher du doigt mon passé pour recoller les morceaux d’un puzzle abandonné ; mais le coffre à jouets perd la mémoire peu à peu, et en fin de compte, qui sait ce que sont devenus les petits soldats de plomb, les casques, les épées de bois. Les déguisements que nous avons tant aimés n’ont rien été d’autre que cela. Et pourtant il y avait eu de la constance, de la discipline, de l’attachement au devoir. N’était-ce pas assez ou alors trop ? En certaines occasions, le souvenir de Rilke ne cessait de m’assaillir.
La grande récompense de l’aventure de la jeunesse doit être la mort ; nous, les jeunes, nous devons partir en emportant tous nos secrets avec nous. Aujourd’hui, je n’aurais plus à regarder à nouveau vers les villes de sel. Cinq pesos ? Deux de pourboire ».

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Odile nous propose sa traduction :

Nous partimes d'Acapulco, toujours sous la brise. Durant le trajet vers Tierra Colorada apparurent le soleil et la lumière. En déjeunant d'oeufs et de chorizo, j'ouvris le porte-documents de Filiberto, récupéré la veille, comme ses autres biens, à la pension des Müller. Deux cents pesos. Un vieux journal de Mexico; des billets de loterie; un aller simple -seulement un aller simple?- Et le cahier bon marché, aux feuilles à carreaux et à la couverture de papier marbré.
Je me risquai à le lire, malgré les virages, la puanteur de l'odeur de vomi, et un certain sentiment naturel de respect envers la vie privée de mon défunt ami. Il relaterait, -oui, en effet, il commençait par cela- notre travail quotidien au bureau, peut-être alors saurais-je pourquoi il se mit à décliner peu à peu, oubliant ses devoirs, pourquoi il dictait des notes de service sans queue ni tête, sans numérotation, ni « Suffrage Effectif ». Pourquoi, enfin, il fut renvoyé, perdant ainsi son droit à la retraite, sans tenir compte de son ancienneté.
« Aujourd'hui je me suis occupé de ce qui concerne ma retraite. L'employé, très aimable. J'étais si content que je décidai de dépenser cinq pesos dans un Café. C'est celui où nous allions quand on était jeunes et que maintenant je ne fréquente jamais, car il me rappelle qu'à vingt ans nous pouvions vivre bien mieux qu'à quarante. A cette époque, nous étions tous sur le même pied d'égalité, nous aurions repoussé de toutes nos forces n'importe quelle pensée péjorative à propos des copains -en fait nous défendions ceux auquels, ici, on reprochait l'origine modeste ou le manque d'élégance. Je savais que beaucoup,( peut-être les plus humbles) iraient loin, et ici, à l'Ecole, allaient se forger les amitiés durables qui nous permettraient de traverser les épreuves de la vie. Mais non, il n'en fut rien. Il n'y eut pas de règles. Beaucoup parmi les humbles en restèrent là, beaucoup allèrent plus loin que ce que nous avions pu pronostiquer dans ces fougueuses et aimables causeries. D'autres, nous, qui semblions tout promettre, en restâmes à la moitié du parcours, recalés lors d'un examen hors-cursus, isolés par une faille invisible de ceux qui triomphèrent et de ceux qui n'arrivèrent à rien. Enfin, aujourd'hui, j'ai retrouvé les chaises plus modernes elles aussi, et aussi, semblable à une barricade lors d'une invasion, la fontaine à sodas- et j'essayai de lire des dossiers. J'en ai vu plusieurs, amnésiques, maquillés de lumières au néon, prospères. Comme le Café, que je ne reconnaissais presque pas, comme la ville elle- même, ils s'étaient modelés peu à peu, à un rythme différent du mien. Non, ils ne me reconnaissaient plus, ou ne voulaient pas me reconnaître. Tout au plus, -un ou deux-, une grosse main, rapide sur l'épaule. Salut vieux, comment ça va. Les dix-huit trous du golf du Country Club nous séparaient. Je me plongeais dans les dossiers. Les années des grandes illusions défilèrent, tout comme les pronostics heureux et aussi tous les manquements qui empêchèrent leur réalisation. Je ressentis de l'angoisse à ne pouvoir retoucher le passé pour rassembler les pièces d'un puzzle abandonné; mais le coffre à jouets s'oublie peu à peu, et finalement, qui sait où ont échoués les soldats de plomb, les casques, les épées de bois. Les déguisements tant aimés ne furent rien d'autre. Et pourtant il y avait eu de la constance, de la discipline, de l'effort au travail. C'était insuffisant ou c'était trop? Parfois, le souvenir de Rilke m'assaillait. La grande récompense de l'aventure de la jeunesse doit être la mort; jeunes, nous devrions partir avec tous nos secrets. Aujourd'hui, ne devrais-je pas plutôt regarder vers les villes de malheur? Cinq pesos? Deux de pourboire.

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