mardi 17 mars 2009

Résultats du sondage : « Quand que je dois renoncer à la rime, cela vaut-il la peine de traduire la poésie ? »

Sur 18 votants, nous obtenons =

Oui = 11 voix (61%)
Non = 7 voix (38%)

J'invite ceux qui ont voté "oui" à se pencher sur ce sonnet de Garcilaso de la Vega… Il s'agira évidemment de faire la démonstration qu'il conserve non seulement son sens, mais aussi et surtout sa beauté, une fois amputé de la rime.

En tanto que de rosa y azucena
se muestra la color en vuestro gesto,
y que vuestro mirar ardiente, honesto
enciende el corazón y lo refrena;

y en tanto que el cabello, que en la vena
del oro se escogió, con vuelo presto,
por el hermoso cuello blanco, enhiesto,
el viento mueve, esparce y desordena;

coged de vuestra alegre primavera
el dulce fruto, antes que el tiempo airado
cubra de nieve la hermosa cumbre.

Marchitará la rosa el viento helado,
todo lo mudará la edad ligera,
por no hacer mudanza en su costumbre.


***

Jacqueline a relevé le défi !

Voici sa traduction, avec ses petits commentaires

Ce poème est magnifique : peut-on traduire la beauté? Tant pis, je m'y essaie.

Tant que de lys et de rose
votre visage sera fardé,
et que votre regard ardent et chaste
brûlera le cœur mais tout en l'opprimant,

et tant que dans le filon d'or
de vos cheveux, le vol léger du vent,
sur la blancheur de votre cou, beau et fier,
bougera ses fils en les éparpillant ;

cueillez de votre gai printemps
le doux fruit, avant que le temps courroucé
ne couvre de neige votre joli minois.

Au vent glacé, la rose fanera,
le temps ailé toutes choses changera,
sans pitié, comme à l'accoutumée.


Je sais, j'ai introduit la pitié dans cette traduction libre, mais elle est tellement subliminale…

2 commentaires:

Tradabordo a dit…

En dehors du fait que l'on peut saluer le beau travail de Jacqueline, je continue à m'interroger sur la "légitimité" d'un sonnet qui ne rime plus… N'est-il pas définitivement boiteux ?

Tradabordo a dit…

De Jacqueline :

« Puisque j'ai traduit ce poème, je réponds bien volontiers à Caroline que je suis d'accord avec elle. Je pense que la traduction -du moins cette traduction- conduit à autre chose, un poème en prose, si l'on veut, qui a sa valeur propre, mais trahit forcément l'intention de Garcilaso. Donc oui, le poème perd sa légitimité ; boîteux? Je dirais plus volontiers moins rigoureux, mais il fait son chemin à un autre rythme, affranchi des règles qui garantissaient son équilibre, il chemine à sa façon. Est-il moins beau? Vaste question… Ce n'est plus un sonnet et la beauté d'un sonnet réside, pour moi, dans sa régularité : regardons ces deux vers :
"y que vuestro mirar ardiente, honesto,
enciende el corazon y lo refrena ;"

Apprécions l'équilibre de ce vers bimembre, typiquement "renacentista", qui fait écho au vers précédent ; à l'évidence, je n'ai pas su rendre cela spontanément. Maintenant, rien n'interdit que je reprenne -ou qu'une ou plusieurs d'entre nous- reprennent ce travail, et l'améliore en suant sur la rime. Mais attention, n'est pas Garcilaso de la Vega qui veut…On essaie quand même?"»