vendredi 20 mars 2009

Votre version de la semaine, Miguel Delibes

En photo : miguel delibes par ekaitzherrera

Puisque nous sommes lancés dans la récolte des versions proposées aux différents concours 2009, voici, pour votre version de la semaine, le sujet du CAPES de lettres modernes, obtenu grâce à Blandine. Merci à elle.

La Enana y la Madrugada

La señora Zoa atravesaba el parque cada mañana, con un niño de cada mano, camino del colegio y durante los prolongados inviernos (muy duros en la ciudad) la niebla se enredaba entre los esqueletos de los árboles y la mujer y los niños, como sombras fantasmales, semejaban los últimos habitantes de un mundo inanimado. A la difusa luz crepuscular, grises ratas gigantes cruzaban los paseos, y entre el follaje, junto al estanque helado, se oían los alaridos terminantes de los pavos reales. A Gervasio, con la peluda bufanda hasta los ojos, le agradaba la media luz de la estación, de los jardines desiertos, el aliento blanco de la señora Zoa precediendo a su roja nariz, como si ella misma fuera una fábrica de niebla. Los días de lluvia, en primavera y otoño, se formaban grandes charcos en los paseos, hormigueantes de lombrices, y la señora Zoa brincaba de un lado a otro para no pisarlas, con el negro paraguas abierto, como una equilibrista, pues nada le repugnaba tanto como las ratones y los animales reptantes.
En los días extremosos solían encontrarse con la Enana en el paseo central, la señorita Candelaria Alonso, rubia, de media edad, los largos tirabuzones sobre los hombros y su cuerpecillo ruin, más chico que el de Gervasio, encaramado en una bicicleta minúscula, de anchas llantas y ruedecillas laterales de seguridad. Y no era raro que, estando contemplándola, apareciera por el lado opuesto la señorita Aurora Burgos, la Madruga, una mujer lineal, de dos metros treinta de estatura, cargada de espaldas, cuya reducida cabeza se desvanecía en lo alto, difuminada por la niebla. Crucita decía que tanto la Enana como la Madruga eran « señoritas de buena cuna », distinguidas y bien educadas pero, debido a su aspecto físico, se veían obligadas a recluirse en sus casas :
— Zoa, ¿ por qué la Enana y la Madruga salen a pasear tan temprano ?
— Por su facha, ¿ no ves la facha que tienen ? Si salieran a otra hora, la gente se pitorrearía de ellas.
Aceleraba el paso y añadía como para sí :
— Digo yo si no cortar a la una para añadirle a la otra y así quedaban las dos arregladas.
— ¿ Se puede Zoa ?
— Eso digo, hijo, si se podría.
Algunos días la señora Zoa, aprovechando la ausencia de Florita, en cama con sus anginas periódicas, le hacía a Gervasio, en la profunda soledad del parque, tiernas escenas de amor :
— ¿ Qué sería de tí, corona, si no fuesa por la Zoa ? ¿ Eh ? ¿ Me lo quieres decir ?
El niño la miraba por encima de la bufanda de lana, con sus inmóviles pupilas grisamarillentas.
— A ti no te quiere nadie […]
— Tú sí me quieres, ¿ verdad Zoa ?
La anciana se acluclillaba, oprimía al niño contra su pecho :
— Más que a las niñas de mis ojos.

Miguel Delibes, Madera de héroes, Ediciones Destino, 1987

***

Blandine nous propose sa traduction :

La Naine et la Lève-tôt

Madame Zoa traversait le parc chaque matin, un enfant à chaque main, sur le chemin du collège et pendant les longs hivers (très durs dans la ville) le brouillard enveloppait les squelettes des arbres et la femme et les enfants, tel de sombres fantomatiques, ressemblaient aux derniers habitants d’un monde inanimé. A la lueur diffuse du crépuscule, de gigantesques rats gris traversaient les allées, et entre le feuillage, près du bassin gelé, on entendait les cris des paons. Gervasio, l’écharpe épaisse jusqu’aux yeux, aimait la lumière tamisée de la saison, les jardins déserts, le souffle blanc de madame Zoa qui précédait son nez rouge, comme si elle était elle-même une usine de brouillard. Les jours de pluie, au printemps et en automne, de grandes flaques se formaient sur les allées, où grouillaient des vers de terre, et madame Zoa sautait d’un côté et de l’autre pour ne pas les écraser, le parapluie noir ouvert, comme une équilibriste, car rien ne la répugnait plus que les rats et les animaux rampants.
Les jours extrêmes, ils avaient l’habitude de rencontrer la Naine sur l’allée centrale, mademoiselle Candelaria Alonso, blonde, d’âge moyen, de longues anglaises jusqu’aux épaules et son petit corps misérable, plus petit que celui de Gervasio, juchée sur une minuscule bicyclette, aux larges pneus et aux petites roues latérales de sécurité. Et il n’était pas rare, alors qu’elle l’observait, qu’apparaisse du côté opposé mademoiselle Aurora Burgos, la Lève-tôt, une femme longitudinale, de deux mètres trente, le dos voûté, dont la tête réduite disparaissait en hauteur, estompée par le brouillard. Crucita disait qu’autant la Naine que la Lève-tôt étaient des « demoiselles de bonne famille », distinguées et bien éduquées mais, que par leur aspect physique, elles étaient obligées de rester recluses dans leurs maisons :
- Zoa, pourquoi la Naine et la Lève-tôt sortent-elles se promener si tôt ?
- Par leur allure, tu ne vois pas l’allure qu’elles ont ? Si elles sortaient à une autre heure, les gens se moqueraient d’elles.
Elle accélérait le pas et ajoutait pour elle-même :
- Je dis que l’on devrait couper un bout de l’une et le rajouter à l’autre, ainsi elles seraient bien arrangées.
- On peut faire ça, Zoa ?
- Je dis ça, petit, si on pouvait.
Certains jours, madame Zoa, profitant de l’absence de Florita, au lit à cause de ses angines répétitives, faisait à Gervasio, dans la profonde solitude du parc, de tendres scènes d’amour :
- Qu’en serait-il de toi, mon roi, si Zoa n’était pas là ? Eh ? Tu peux me le dire ?
Le garçon la regardait par-dessus son écharpe de laine, de ses pupilles immobiles grises jaunâtres.
- Personne ne t’aime, toi. […]
- Mais toi tu m’aimes, pas vrai Zoa ?
La vieille s’agenouillait, et serrait l’enfant contre sa poitrine :
- Plus que la prunelle de mes yeux.

***

Brigitte nous propose sa traduction :

La Naine et La Lève-Tôt

Tous les matins, madame Zoa traversait le parc, un enfant accroché à chaque main, en route pour l’école, et au cours des hivers interminables (très rudes dans cette ville), le brouillard s’emmêlait dans les squelettes des arbres ; et on aurait dit que la femme et les enfants, telles des ombres fantomatiques, étaient les derniers habitants d’un monde inanimé. A la lumière diffuse du crépuscule, de gigantesques rats gris traversaient les allées, et dans l’épaisseur des buissons, près de l’étang gelé, on entendait les hurlements stridents des paons. Gervasio, avec son épaisse écharpe de laine remontée jusqu’aux yeux, aimait bien la lumière en demie teinte de cette saison, des jardins secrets, le souffle blanc de madame Zoa devant son nez tout rouge, comme si elle était elle-même une usine à brouillard.
Dans les allées, les jours de pluie, au printemps et en automne, de grandes flaques d’eau se formaient, grouillantes de vers de terre, et madame Zoa faisait des bonds d’un côté à l’autre pour ne pas les écraser, son parapluie noir ouvert comme une équilibriste, car rien ne la répugnait tant que les souris et les animaux rampants.
Les jours les plus froids, elle croisait toujours La Naine dans l’allée centrale, mademoiselle Candelaria Alonso, blonde, de taille moyenne, avec ses longues anglaises jusqu’aux épaules et un petit corps chétif, plus petit que celui de Gervasio, juchée sur une bicyclette minuscule, avec des pneus larges et des stabilisateurs.
Et il n’était pas rare, pendant qu’elle la regardait, qu’apparaisse à l’opposé, mademoiselle Aurora Burgos, La Lève-tôt, une femme longiligne, de deux mètres trente, le dos voûté, dont la tête miniature s’évaporait dans les hauteurs, noyée dans le brouillard. Crucita disait que La Naine tout comme La Lève-tôt étaient « des jeunes filles de bonne famille », distinguées et bien éduquées mais qui, à cause de leur aspect physique, étaient condamnées à rester cloîtrées /confinées chez elles :
- Zoa, pourquoi La Naine et La Lève-tôt sortent-elles se promener de si bonne heure ?
- A cause de leur allure, tu ne vois donc pas l’allure qu’elles ont ? Si elles sortaient à une autre heure, les gens se paieraient leur tête.
Elle accélérait le pas et ajoutait comme si elle se parlait à elle-même :
- Moi, je dis que si on pouvait prendre un morceau à l’une pour le donner à l’autre, ça les arrangerait bien toutes les deux.
- Ca se peut, ça, Zoa ?
- C’est bien ce que je dis, fiston, si on pouvait.
Certains jours, madame Zoa, profitant de l’absence de Florita, clouée au lit par son angine périodique, jouait à Gervasio, dans la profonde solitude du parc, de tendres scènes d’amour :
- Qu’est-ce que tu deviendrais, mon petit bouchon, si tu n’avais pas ta Zoa, hein ? Tu peux me le dire ?
Le petit la regardait par-dessus son écharpe de laine, de son regard fixe aux pupilles gris jaune.
- Toi, personne ne t’aime […]
- Toi, si, tu m’aimes, pas vrai, Zoa ?
- La vieille femme s’accroupissait, serrait fort l’enfant contre sa poitrine :
- Plus que la prunelle de mes yeux.

***

Odile nous propose sa traduction :

La Naine et la Matinale.

Madame Zoa traversait le parc tous les matins, un enfant à chaque main, en direction de l'école; durant les hivers interminables (très rudes dans la ville) le brouillard s'enchevêtrait dans le squelette des arbres, et alors, la femme et les enfants, tels des ombres fantomatiques, semblaient les derniers habitants d'un monde inanimé. A la diffuse lumière crépusculaire, des rats gris, énormes, traversaient les allées et, entre les feuillages, près de l'étang gélé, on entendait les cris stridents des paons. Gervasio, sa grosse écharpe remontée jusqu'aux yeux, aimait la lumière en demie-teinte de la saison, les jardins déserts, l'haleine blanche de madame Zoa devant son son nez rouge, comme si elle-même était une usine de brouillard. Les jours de pluie, au printemps et à l'automne, de grandes flaques grouillantes de vers de terre se formaient dans les allées et madame Zoa sautait d'un côté et de l'autre pour les éviter, son parapluie noir ouvert, comme une équilibriste, car rien ne lui répugnait davantage que les souris et les animaux rampants.
Les jours de très grand froid, ils rencontraient toujours la Naine dans l'allée centrale, mademoiselle Candeleria Alonso, blonde, d'âge moyen, avec ses longues anglaises jusqu'aux épaules et son petit corps chétif, plus petit que celui de Gervasio, juché sur une minuscule bicyclette aux pneus larges et à petites roues latérales de sécurité. Et il n'était pas rare, tandis qu'elle l'observait, qu'apparaisse du côté opposé mademoiselle Aurora Burgos, la Matinale, une femme longiligne, de deux mètres trente, au dos voûté, dont la petite tête se perdait tout là-haut, noyée dans le brouillard. Crucita disait que La Naine, tout comme la Matinale, étaient « des demoiselles de haut rang », distinguées et bien éduquées mais que leur aspect physique les contraignaient à rester cloîtrées chez elles:
- Zoa, pourquoi la Naine et la Matinale sortent-elles de si bonne heure pour se promener?
- A cause de leur allure, tu ne vois-donc pas l'allure qu'elles ont? Si elles sortaient à un autre moment, les gens se moqueraient d'elles. Elle pressait le pas et ajoutait, comme si elle se parlait à elle-même:
- Moi, je dis que si on pouvait couper un morceau de l'une pour le rajouter à l'autre, elles seraient arrangées toutes les deux.
- On peut Zoa?
- C'est ce que je dis, mon petit, si on pouvait.
Certains jours, madame Zoa, profitant de l'absence de Florita, alitée par une de ses angines périodiques, jouait à Gervasio, dans la profonde solitude du parc, de tendres scènes d'amour:
- Que deviendrais-tu, mon trésor, si Zoa n'était pas là? Hein? Tu peux me le dire?
L'enfant la regardait par-dessus son écharpe de laine, les pupilles gris-jaunes immobiles.
- Personne ne t'aime, toi (…)
- Toi, si, tu m'aimes, pas vrai Zoa?
La vieille femme s'agenouillait, serrait l'enfant contre sa poitrine:
- Plus encore que la prunelle de mes yeux.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans le titre apparaît "la Madrugada" et dans la suite du texte "la Madruga". Est-ce une coquille ? Pour lequel des deux mots faut-il opter ?

Tradabordo a dit…

Non, c'est une coquille… il s'agit de la Madruga.