HOY, al entrar, sólo vieron calles estrechas y sudas y casas sin ventanas, de un piso, idénticas entre sí, pintadas de amarillo y azul, con los portones de madera astillada. Sí, sí, ya sé, hay una que otra casa elegante, con ventanas que dan a la calle, con esos detalles que tanto les gustan a los mexicanos: las rejas de hierro forjado, los toldos salientes y las azoteas acanaladas. ¿Dónde estarían sus moradores? Tú no los viste.
Él ve a cuatro macehuales que llegan a Tlaxcala sin bastimento, con la respuesta seca. Los caciques están enfermos y no pueden viajar a presentar sus ofrendas al Teúl. Los tlaxcaltecas fruncen el entrecejo y murmuran al oído del conquistador: los de Cholula se burlan del Señor Malinche. Los tlaxcaltecas murmuran al oído de Cortés: guárdate de Cholula y del poder de México. Le ofrecen diez mil hombres de guerra para ir a Cholula. El extremeño sonríe. Sólo precisa mil. Va en son de paz.
Pero alrededor de ellos, en estas calles polvosas, sólo pululaba una población miserable: mujeres de rostros oscuros, envueltas en rebozos, descalzas, embarazadas. Los vientres enormes y los perros callejeros eran los signos vivos de Cholula este domingo 11 de abril de 1965. Los perros sueltos que corrían en bandas, sin raza, escuálidos, amarillos, negros, desorientados, hambrientos, babeantes, que corrían por todas las calles, rascándose, sin rumbo, hurgando en las acequias que después de todo ni desperdicios tenían: estos perros con ojos que pertenecían a otros animales, estos perros de mirada oblicua, mirada roja y amarilla, ojos irritados y enfermos, estos perros que renqueaban penosamente, con una pata doblada y a veces con la pata amputada, estos perros adormilados, infestados de pulgas, con los hocicos blancos, estos perros cruzados con coyotes, de pelambre raída, con grandes manchas secas en la piel: esta jauría miserable que acompañaba, sin ningún propósito, el pulso lento de este pobre pueblo, el viejo panteón del mundo mexicano. Un pueblo miserable de perros roñosos y mujeres panzonas que ríen al contarse bromas y noticias secretas, en una voz inaudible, de inflexiones agudas, de sílabas copuladas. No se oye lo que dicen.
Las huestes españolas duermen junto al río. Los indios les hacen chozas y las vigilias se prolongan. Escuchas, corredores de campo, noche fría. En la noche llegan los emisarios de Cholula. Traen gallinas y pan de maíz. Cortés, con la camisa abierta al cuello y d pelo desarreglado, se sujeta el cinturón y ordena a sus lenguas agradecer las ofrendas de Cholula, colocadas alrededor del fuego de la choza del capitán. Jerónimo de Aguilar, botas cortas y pantalón de algodón. Marina, trenzas negras y mirada irónica.
Él ve a cuatro macehuales que llegan a Tlaxcala sin bastimento, con la respuesta seca. Los caciques están enfermos y no pueden viajar a presentar sus ofrendas al Teúl. Los tlaxcaltecas fruncen el entrecejo y murmuran al oído del conquistador: los de Cholula se burlan del Señor Malinche. Los tlaxcaltecas murmuran al oído de Cortés: guárdate de Cholula y del poder de México. Le ofrecen diez mil hombres de guerra para ir a Cholula. El extremeño sonríe. Sólo precisa mil. Va en son de paz.
Pero alrededor de ellos, en estas calles polvosas, sólo pululaba una población miserable: mujeres de rostros oscuros, envueltas en rebozos, descalzas, embarazadas. Los vientres enormes y los perros callejeros eran los signos vivos de Cholula este domingo 11 de abril de 1965. Los perros sueltos que corrían en bandas, sin raza, escuálidos, amarillos, negros, desorientados, hambrientos, babeantes, que corrían por todas las calles, rascándose, sin rumbo, hurgando en las acequias que después de todo ni desperdicios tenían: estos perros con ojos que pertenecían a otros animales, estos perros de mirada oblicua, mirada roja y amarilla, ojos irritados y enfermos, estos perros que renqueaban penosamente, con una pata doblada y a veces con la pata amputada, estos perros adormilados, infestados de pulgas, con los hocicos blancos, estos perros cruzados con coyotes, de pelambre raída, con grandes manchas secas en la piel: esta jauría miserable que acompañaba, sin ningún propósito, el pulso lento de este pobre pueblo, el viejo panteón del mundo mexicano. Un pueblo miserable de perros roñosos y mujeres panzonas que ríen al contarse bromas y noticias secretas, en una voz inaudible, de inflexiones agudas, de sílabas copuladas. No se oye lo que dicen.
Las huestes españolas duermen junto al río. Los indios les hacen chozas y las vigilias se prolongan. Escuchas, corredores de campo, noche fría. En la noche llegan los emisarios de Cholula. Traen gallinas y pan de maíz. Cortés, con la camisa abierta al cuello y d pelo desarreglado, se sujeta el cinturón y ordena a sus lenguas agradecer las ofrendas de Cholula, colocadas alrededor del fuego de la choza del capitán. Jerónimo de Aguilar, botas cortas y pantalón de algodón. Marina, trenzas negras y mirada irónica.
Carlos Fuentes, Cambio de piel
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Brigitte nous propose sa traduction, avec en prime quelques questions :
Outre que le texte était difficile à rendre de par la longueur de ses phrases et sa ponctuation, voici quelques questions que je soulève, si éventuellement, quelqu'un peut y répondre, je l'en remercie :
1. "calles sudas" : j'ai trouvé l'expression telle quelle mais sans explication réelle. Comme "suda" provient de "sudor", l'adjectif ainsi formé renvoit, je pense, à l'odeur de la sueur mais je n'ai pas su le rendre autrement que par "des rues imprégnées de sueur" ou "suintantes de sueur" ou "transpirantes de sueur" qui pourrait évoquer aussi une atmosphère lourde et humide ?
2. Pour "Toldos salientes" je n'ai trouvé que "stores" mais je ne sais pas si "salientes" se réfère à des stores extérieurs, comme on en voit sur les tarrasses ...?
3. Pour "extremeno", il ne me semblait pas très "heureux" de traduire par "homme d'Estrémadure" donc j'ai opté pour le laisser en italique, avec une NdT peut-être ?
4. Conquistador, à mon avis, peut être laissé également en italique, sans traduction ni NdT je pense car il est compréhensible par tous.
5. Je n'ai pas trouvé "polvosa" s'agit-il d'une coquille ? Est-ce synonyme de "poussiéreuse" ?
6. "silabas copuladas" ?
7. Pour "corredores de campos", je ne suis pas convaincue de ce que j'ai traduit, sans doute une comparaison entre les coureurs et les messagers, émissaires qui arrivent en pleine nuit pour porter les offrandes.
Des suggestions ?
Aujourd’hui, en arrivant, ils ne virent que des rues étroites et imprégnées de sueur et des maisons sans fenêtres, d’un étage, toutes identiques, peintes en jaune et bleu, aux portes de bois fendu.
Oui, oui, je sais bien, il y a de temps à autre une maison élégante, avec des fenêtres qui donnent sur la rue, avec tous ces détails que les mexicains affectionnent tant : les grilles de fer forgé, les stores extérieurs et les terrasses à colonnes. Où peuvent donc bien être leurs habitants ? Toi, tu ne les as pas vus.
Lui, il voit quatre hommes à pieds qui arrivent à Tlaxcala les mains vides, avec la réponse sèche : les caciques sont malades et ne peuvent pas faire le voyage pour présenter leurs offrandes à El Teúl. Les Tlaxcaltèques froncent les sourcils et murmurent à l’oreille du conquistador : les hommes de Cholula se moquent de Monsieur Malinche. Les Tlaxcaltèques murmurent à l’oreille de Cortés : méfie-toi de Cholula et du pouvoir de México. Ils lui offrent dix mille hommes de guerre pour aller à Cholula. L’extremeño sourit. Il n’en a besoin que de mille. Il s’y rend avec des intentions pacifiques/ en homme de paix.
Mais autour d’eux, dans ces rues poussiéreuses, seule s’agitait une population misérable : des femmes aux visages sombres, enveloppées dans leurs grands châles, pieds nus, enceintes. Les ventres énormes et les chiens vagabonds étaient les seuls signes de vie à Cholula en ce dimanche 11 avril 1965. Les chiens errants qui courraient en meutes, sans lignage, décharnés, jaunâtres, noirs, hagards, faméliques, bavant, qui couraient dans les rues, se grattant, sans but, fouillant dans les caniveaux vides de déchets : ces chiens dont les yeux étaient ceux d’autres animaux, ces chiens au regard oblique, regard rouge et jaune, yeux irrités et malades, ces chiens qui claudiquaient péniblement, avec une patte repliée et parfois même amputée, ces chiens somnolents, infestés de puces, au mufle blanc, ces chiens, croisement de coyotes, au pelage usé, avec de grandes taches sèches sur la peau : cette horde misérable qui accompagnait, sans aucun but, le pouls ralenti de ce pauvre village, l’ancien panthéon du monde mexicain. Un peuple misérable de chiens crasseux et de femmes ventrues qui rient en se racontant plaisanteries et nouvelles secrètes, d’une voix inaudible, aux inflexions pointues, aux syllabes qui s’accouplent. On n’entend pas ce qu’ils disent.
Les troupes espagnoles dorment tout près du fleuve. Les indiens leur construisent des cabanes et les nuits d’insomnie se prolongent. Tu écoutes, des coureurs de fond, nuit froide. Dans la nuit, arrivent les émissaires de Cholula. Ils apportent des poules et du pain de maïs. Cortés, chemise déboutonnée et cheveux en bataille, ajuste son ceinturon et ordonne à ses traducteurs de dire merci pour les offrandes de Cholula, déposées autour du feu de la cabane du capitaine. Jerónimo de Águilar, brodequins et pantalon de coton. Marina, tresses longues et regard ironique.
Outre que le texte était difficile à rendre de par la longueur de ses phrases et sa ponctuation, voici quelques questions que je soulève, si éventuellement, quelqu'un peut y répondre, je l'en remercie :
1. "calles sudas" : j'ai trouvé l'expression telle quelle mais sans explication réelle. Comme "suda" provient de "sudor", l'adjectif ainsi formé renvoit, je pense, à l'odeur de la sueur mais je n'ai pas su le rendre autrement que par "des rues imprégnées de sueur" ou "suintantes de sueur" ou "transpirantes de sueur" qui pourrait évoquer aussi une atmosphère lourde et humide ?
2. Pour "Toldos salientes" je n'ai trouvé que "stores" mais je ne sais pas si "salientes" se réfère à des stores extérieurs, comme on en voit sur les tarrasses ...?
3. Pour "extremeno", il ne me semblait pas très "heureux" de traduire par "homme d'Estrémadure" donc j'ai opté pour le laisser en italique, avec une NdT peut-être ?
4. Conquistador, à mon avis, peut être laissé également en italique, sans traduction ni NdT je pense car il est compréhensible par tous.
5. Je n'ai pas trouvé "polvosa" s'agit-il d'une coquille ? Est-ce synonyme de "poussiéreuse" ?
6. "silabas copuladas" ?
7. Pour "corredores de campos", je ne suis pas convaincue de ce que j'ai traduit, sans doute une comparaison entre les coureurs et les messagers, émissaires qui arrivent en pleine nuit pour porter les offrandes.
Des suggestions ?
Aujourd’hui, en arrivant, ils ne virent que des rues étroites et imprégnées de sueur et des maisons sans fenêtres, d’un étage, toutes identiques, peintes en jaune et bleu, aux portes de bois fendu.
Oui, oui, je sais bien, il y a de temps à autre une maison élégante, avec des fenêtres qui donnent sur la rue, avec tous ces détails que les mexicains affectionnent tant : les grilles de fer forgé, les stores extérieurs et les terrasses à colonnes. Où peuvent donc bien être leurs habitants ? Toi, tu ne les as pas vus.
Lui, il voit quatre hommes à pieds qui arrivent à Tlaxcala les mains vides, avec la réponse sèche : les caciques sont malades et ne peuvent pas faire le voyage pour présenter leurs offrandes à El Teúl. Les Tlaxcaltèques froncent les sourcils et murmurent à l’oreille du conquistador : les hommes de Cholula se moquent de Monsieur Malinche. Les Tlaxcaltèques murmurent à l’oreille de Cortés : méfie-toi de Cholula et du pouvoir de México. Ils lui offrent dix mille hommes de guerre pour aller à Cholula. L’extremeño sourit. Il n’en a besoin que de mille. Il s’y rend avec des intentions pacifiques/ en homme de paix.
Mais autour d’eux, dans ces rues poussiéreuses, seule s’agitait une population misérable : des femmes aux visages sombres, enveloppées dans leurs grands châles, pieds nus, enceintes. Les ventres énormes et les chiens vagabonds étaient les seuls signes de vie à Cholula en ce dimanche 11 avril 1965. Les chiens errants qui courraient en meutes, sans lignage, décharnés, jaunâtres, noirs, hagards, faméliques, bavant, qui couraient dans les rues, se grattant, sans but, fouillant dans les caniveaux vides de déchets : ces chiens dont les yeux étaient ceux d’autres animaux, ces chiens au regard oblique, regard rouge et jaune, yeux irrités et malades, ces chiens qui claudiquaient péniblement, avec une patte repliée et parfois même amputée, ces chiens somnolents, infestés de puces, au mufle blanc, ces chiens, croisement de coyotes, au pelage usé, avec de grandes taches sèches sur la peau : cette horde misérable qui accompagnait, sans aucun but, le pouls ralenti de ce pauvre village, l’ancien panthéon du monde mexicain. Un peuple misérable de chiens crasseux et de femmes ventrues qui rient en se racontant plaisanteries et nouvelles secrètes, d’une voix inaudible, aux inflexions pointues, aux syllabes qui s’accouplent. On n’entend pas ce qu’ils disent.
Les troupes espagnoles dorment tout près du fleuve. Les indiens leur construisent des cabanes et les nuits d’insomnie se prolongent. Tu écoutes, des coureurs de fond, nuit froide. Dans la nuit, arrivent les émissaires de Cholula. Ils apportent des poules et du pain de maïs. Cortés, chemise déboutonnée et cheveux en bataille, ajuste son ceinturon et ordonne à ses traducteurs de dire merci pour les offrandes de Cholula, déposées autour du feu de la cabane du capitaine. Jerónimo de Águilar, brodequins et pantalon de coton. Marina, tresses longues et regard ironique.
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Odile nous propose sa traduction :
Aujourd'hui, à leur arrivée, ils n'ont vu que des rues étroites et sales, des maisons sans fenêtres, à un étage, identiques les unes aux autres, peintes en jaune et en bleu, avec leurs portails au bois fendu. Oui, oui, je sais bien, il y en a aussi de jolies dont les fenêtres donnent sur la rue, avec ces détails qui plaisent tant aux mexicains: les grilles de fer forgé, les stores extérieurs, et les terrasses à colonnes. Où pouvaient bien être leurs habitants? Toi, tu ne les as pas vus.
Lui, il voit quatre hommes à pied qui arrrivent à Tlaxcala les mains vides, porteurs de la sèche réponse. Les caciques sont malades et ne peuvent voyager afin de présenter leurs offrandes au Teúl. Les Tlaxcatèques froncent le sourcil et chuchotent à l'oreille du conquistador: ceux de Cholula se moquent de messire Malinche. Les tlaxcaltèques chuchotent à l'oreille de Cortés: méfie-toi de Cholula et du pouvoir de México. On lui propose dix mille hommes de guerre pour aller à Cholula. Le natif d'Estrémadure sourit. Mille lui suffisent. Il est d'humeur à faire la paix. Mais autour d'eux, dans ces rues poussièreuses, seule grouillait une population misérable: des femmes aux visage sombres, enroulées dans leurs couvertures jusqu'à la tête, pieds nus, enceintes. Les ventres énormes et les chiens des rues étaient les seuls signes vivants de Cholula en ce dimanche 11 avril 1965. Les chiens errants qui couraient en bandes, chiens sans races, squelettiques, jaunes, noirs, perdus, affamés, baveux, qui couraient dans toutes les rues, se grattant, sans destination précise, fouillant dans les caniveaux où ,d'ailleurs, il n'y avait rien à manger: ces chiens aux yeux d'autres bêtes, ces chiens au regard oblique, au regard rouge et jaune, aux yeux irrités et malades, ces chiens qui claudiquaient avec difficulté, la patte repliée et parfois amputée, ces chiens somnolents, infestés de puces, aux museaux blancs, ces chiens croisés de coyotes, au pelage pauvre, avec de grandes plaques sèches sur la peau, cette meute misérable qui accompagnait, sans but aucun, le pouls lent de ce pauvre peuple, vieux cimetière du monde mexicain. Un peuple misérable de chiens galeux et de femmes aux ventres gros qui rient en se racontant des blagues et des potins, d'une voix inaudible aux inflexions aigües, les syllabes s'accouplant les unes aux autres. On n'entend (ne comprend ?) pas ce qu'elles disent.
Les troupes espagnoles dorment près du fleuve. Les indiens leur construisent des cabanes et les gardes se prolongent. Sentinelles, patrouilleurs, nuit froide. Pendant la nuit, les émissaires de Cholula arrivent. Ils portent des poules et du pain de maïs. Cortés, le col de la chemise ouvert, les cheveux en désordre, attache son ceinturon et ordonne à ses traducteurs de remercier pour les offrandes de Cholula, qui sont là, autour du feu, dans la cabane du capitaine. Jéronimo de Aguilar, brodequins et pantalon de coton. Marina, tresses noires et regard ironique.
Aujourd'hui, à leur arrivée, ils n'ont vu que des rues étroites et sales, des maisons sans fenêtres, à un étage, identiques les unes aux autres, peintes en jaune et en bleu, avec leurs portails au bois fendu. Oui, oui, je sais bien, il y en a aussi de jolies dont les fenêtres donnent sur la rue, avec ces détails qui plaisent tant aux mexicains: les grilles de fer forgé, les stores extérieurs, et les terrasses à colonnes. Où pouvaient bien être leurs habitants? Toi, tu ne les as pas vus.
Lui, il voit quatre hommes à pied qui arrrivent à Tlaxcala les mains vides, porteurs de la sèche réponse. Les caciques sont malades et ne peuvent voyager afin de présenter leurs offrandes au Teúl. Les Tlaxcatèques froncent le sourcil et chuchotent à l'oreille du conquistador: ceux de Cholula se moquent de messire Malinche. Les tlaxcaltèques chuchotent à l'oreille de Cortés: méfie-toi de Cholula et du pouvoir de México. On lui propose dix mille hommes de guerre pour aller à Cholula. Le natif d'Estrémadure sourit. Mille lui suffisent. Il est d'humeur à faire la paix. Mais autour d'eux, dans ces rues poussièreuses, seule grouillait une population misérable: des femmes aux visage sombres, enroulées dans leurs couvertures jusqu'à la tête, pieds nus, enceintes. Les ventres énormes et les chiens des rues étaient les seuls signes vivants de Cholula en ce dimanche 11 avril 1965. Les chiens errants qui couraient en bandes, chiens sans races, squelettiques, jaunes, noirs, perdus, affamés, baveux, qui couraient dans toutes les rues, se grattant, sans destination précise, fouillant dans les caniveaux où ,d'ailleurs, il n'y avait rien à manger: ces chiens aux yeux d'autres bêtes, ces chiens au regard oblique, au regard rouge et jaune, aux yeux irrités et malades, ces chiens qui claudiquaient avec difficulté, la patte repliée et parfois amputée, ces chiens somnolents, infestés de puces, aux museaux blancs, ces chiens croisés de coyotes, au pelage pauvre, avec de grandes plaques sèches sur la peau, cette meute misérable qui accompagnait, sans but aucun, le pouls lent de ce pauvre peuple, vieux cimetière du monde mexicain. Un peuple misérable de chiens galeux et de femmes aux ventres gros qui rient en se racontant des blagues et des potins, d'une voix inaudible aux inflexions aigües, les syllabes s'accouplant les unes aux autres. On n'entend (ne comprend ?) pas ce qu'elles disent.
Les troupes espagnoles dorment près du fleuve. Les indiens leur construisent des cabanes et les gardes se prolongent. Sentinelles, patrouilleurs, nuit froide. Pendant la nuit, les émissaires de Cholula arrivent. Ils portent des poules et du pain de maïs. Cortés, le col de la chemise ouvert, les cheveux en désordre, attache son ceinturon et ordonne à ses traducteurs de remercier pour les offrandes de Cholula, qui sont là, autour du feu, dans la cabane du capitaine. Jéronimo de Aguilar, brodequins et pantalon de coton. Marina, tresses noires et regard ironique.
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