mercredi 29 avril 2009

Référénces culturelles, 113 : Un billet de Laure G. sur l'ETA

En photo : ETA Graffiti, Donostia, Northern Spain, July 2007 par Dr John2005

Sujet sérieux versus sujet frivole

A l’heure où les médias espagnols et français dressent le bilan du séjour des Sarkosy en Espagne, fleurissent quelques dérives « people » ou petites bévues de langage… Le quotidien espagnol ABC titre que « Carla Bruni était accompagnée du chef de l’État français » (qui accompagnait qui, vraiment ?), certains comptent les points du match Carla-Laetitia, d’autres ne contrôlent leur faconde sur la hauteur des talons respectifs de ces premières dames…
Mais tout cela ne doit pas faire oublier les dossiers sérieux qui ont été analysés par les chefs de l’exécutif : parmi les points clef d’une collaboration déjà fructueuse mais qui se veut consolidée sont à noter l’immigration illégale, la future présidence espagnole de l’UE que la France plébiscitera, la lutte commune contre le trafic de drogues, et surtout… surtout… la lutte contre le terrorisme basque !
Le sujet « fronterizo » de la violence armée de l’ETA mérite un bref point historique et un bilan actuel, que je vous livre en suivant…
L’ETA, groupe terroriste indépendantiste basque, est né en 1959, lorsque les valeurs et la répression franquiste étaient moribonds, remis en cause par les mouvements estudiantins, ouvriers, et bien évidemment les nationalistes, lassés de voir leurs droits à l’autonomie bafoués, leur droit d’exister et de parler muselé… Ses initiales sont le reflet de leur revendication : Euskadi Ta Askatasuna, Pays Basque et Liberté. Son blason, la hache et le serpent, sont eux à l’image de leur moyen d’expression, radical : « duros como el hacha, sigilosos como la serpiente » explicite d’ailleurs leur devise.
De fait, leur « dureté » (duros) s’est illustrée à diverses reprises tout au long de l’histoire de la démocratie espagnole –attentats, extorsion de fonds, terreur ambiante-, faisant d’ailleurs naître le paradoxe de leur existence : puisque la démocratie accorde un statut privilégié aux « naciones y nacionalidades» -article 2 de la Constitution de 1978-, reconnaissant une large autonomie au Pays Basque, la violence armée n’a guère plus de légitimité. La quête d’une toujours plus grande autonomie, dont personne ne saurait définir clairement les limites, est insatiable, et est d’ailleurs reléguée par les partis nationalistes démocratiques tels que le PNV qui, en délégitimant sans cesse les propositions du gouvernement central de Madrid, légitiment d’une certaine manière les actes et les revendications de l’ETA. Depuis mars 2009, le PNV qui était au pouvoir depuis 30 ans n’a plus pignon sur rue…Doit-on y voir une fenêtre d’espoir pour une politique qui soit moins le terreau de l’extrémisme? : sans aucun doute.
Quant à la « discrétion » (sigiloso) du groupe armé, elle est en train de se transformer en mutisme forcé, pour le bien de tous, bien que chacun s’accorde à ne pas crier victoire trop vite. De fait, la collaboration policière et judiciaire entre l’Espagne et la France a permis de gagner de grandes victoires contre ce terrorisme : en deux ans, tous les chefs politiques et militaires qui se succédaient à la tête de l’ETA ont été arrêtés (Thierry, Txeroki, Martitegui la semaine dernière), sans compter les nombreuses autres arrestations d’etarras. Le groupe armé subit même des revers de l’intérieur : les dissensions entre les vétérans de l’ETA comme Otegui, qui prônent la fin de la violence armée, des attentats, et la jeune garde de plus en plus radicale et fanatique, élevée à la kale borroka –violence urbaine, détérioration de biens publics, sacages,…- n’est plus à démontrer. Au cœur même des prisons, les prisonniers de l’ETA se divisent et n’ont de cesse de reprocher aux chefs leur initiative malheureuse, avec l’attentat de Barajas, d’avoir mis un terme au dialogue de paix que Zapatero avait engagé en 2006. Soyons tout de même prudents, car à diverses reprises dernièrement le groupe armé a imposé sa présence, sans discrétion mais plutôt à grands renforts de communiqués médiatisés, comme celui qui menaçait de mort la nouvelle chef popular du Parlement autonome, Quiroga, et le nouveau lehendakari –chef du gouvernement en euskera- socialiste Patxi López.
Aujourd’hui, on nous passait en boucle sur diverses chaînes d’information le « merci » de Sarkozy à sa femme qui, de ses propres dires, a bien plu aux espagnols et l’a donc bien secondé durant son séjour… Concluons avec d’autres félicitations : à l’efficace collaboration franco-espagnole pour ses succès en matière de lutte contre le terrorisme basque, tout en gardant à l’esprit que les batailles gagnées n’ont pas encore fait gagner la guerre…

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