vendredi 8 novembre 2013

Exercice d'écriture 6 – par Marie

« À la dernière page »

Les jours de pluie sont autant de larmes dans mon cœur. Ils me rappellent le jour où tu es partie. Je t’avais juste demandé ce que tu voulais pour déjeuner et tu m’avais répondu « Rien, plus rien du tout ». Je t’avais alors considéré un peu surpris et t’avais demandé ce qui n’allait pas. Tu ne m’avais pas répondu tout de suite, tu t’étais contentée de me regarder au fond des yeux en me disant « Plus rien, je ne ressens plus rien, c’est fini ». J’avais compris que, cette fois, je ne pourrais pas te retenir, que ta décision était prise et que je ne pourrais rien faire. Je ne t’ai pas supplié de rester, je t’ai juste demandé quand tu comptais partir. Alors, tu t’es levée, tu es allée chercher ta valise que tu rangeais sous notre lit et tu as commencé à la remplir de tes affaires. Je suis resté, là, impuissant, immobile et complètement muet. Habituellement, j’aurais crié, j’aurais hurlé, j’aurais cherché à comprendre, j’aurais voulu que nous parlions, que nous comprenions pourquoi nous en étions arrivés là, pourquoi est-ce qu’aujourd'hui tu décidais de jeter l’éponge, pourquoi, pourquoi, pourquoi... Mais je restais muet, comme anesthésié de tous sentiments, de toute sensation. J’étais mort, tu venais de me tuer. Quand devant la porte de l’appartement avant de partir, tu m’as dit : « Tu as été et seras toujours l’amour de ma vie, prends soin de toi », je ne t’ai pas répondu. Je ne comprenais pas.

La porte s’était refermée et j ‘étais resté là des heures à la contempler. Je ne pouvais plus bouger, je ne pouvais plus parler, je ne pouvais plus penser, je ne pourrai plus jamais aimer. Je me suis allongé sur le sofa de notre salon, j’ai fermé les yeux et j’ai alors vu défiler tous ces moments plein de magie que nous avions vécu ; une larme, deux larmes, trois larmes… Il avait si longtemps que je n’avais pas pleuré. « Un homme ne pleure pas, un homme ne pleure jamais », les paroles de mon père s’étaient inscrites dans mon âme à jamais mais aujourd’hui, j’étais obligé de le trahir. Le lendemain matin la sonnerie du téléphone m’avait tiré d’un sommeil douloureux, c’était ta mère qui voulait te parler, je n’avais pas eu le courage de lui répondre, j’avais juste raccroché sans rien dire. Il était 10h30, on aurait dit que la pluie de la veille n’avait pas cessé. J’aurais déjà dû être au bureau mais je n’en n’avais pas envie, je n’avais envie de rien, juste de mourir. En passant devant la bibliothèque de notre salon, ton livre en évidence sur une des étagères, ressemblait à une invitation, je ne l’avais jamais lu. Tu me demandais régulièrement pourquoi je ne le lisais pas et je te répondais que je voulais être dans les meilleurs dispositions pour le faire ; ne pas être trop fatigué, pas trop stressé ou pas trop pressé … Bref, j’avais toujours une bonne raison. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais peur de le lire, peur de découvrir des choses de toi que je n’aurais pas aimé ou qui m’auraient fait douter. C’est peut-être pour cette raison que tu n’avais jamais insisté, tu avais dû comprendre pourquoi, comprendre que mes fantômes ne le souffriraient pas. Aujourd’hui, tu es partie et je n’ai plus rien à perdre... Alors, j’ai décidé de le lire.

Je l’ai lu d’une traite jusqu’à la dernière page. Je t’ai retrouvé dans chacun de tes personnages, dans chaque lieu que tu évoques et dans chaque objet que tu décris… J’ai aimé ce livre comme je t’ai aimé toi. Mais j’ai trop attendu, je sais qu’il est trop tard. Et pourtant quand je lis ta dernière phrase, à la dernière page, ces mots pourraient être les miens aujourd’hui : « Je n’aime pas les jours de pluie… Ils sont tristes… Tristes à mourir ».

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