jeudi 5 juillet 2012

Version pour le 30 juin


De lo que voy a contar yo fuí testigo: de la traición de la enana, del asesinato de Segundo, de la llegada de la Estrella. Sucedió todo en una época remota de mi infancia que ahora ya no sé si rememoro o invento: porque por entonces para mí aún no se había despegado el cielo de la tierra y todo era posible. Acababa de crearse el universo, como se encargó de explicarme doña Bárbara: «Cuando yo nací», me dijo, «empezó el mundo». Como yo era pequeña y ella ya muy vieja, aquello me pareció muchísimo tiempo.
Por buscarle a mi relato algún principio, diré que mi vida comenzó en un viaje de tren, la vida que recuerdo y reconozco, y que de lo anterior tan sólo guardo un puñado de imágenes inconexas y turbias, como difuminadas por el polvo del camino, o quizá oscurecidas por el último túnel que atravesó la locomotora antes de llegar a la parada final. De modo que para mi memoria nací de la negrura de aquel túnel, hija del fragor y del traqueteo, parida por las entrañas de la tierra a una fría tarde de abril y a una estación enorme y desolada. Y en esa estación entrábamos, resoplando y chirriando, mientras las vías muertas se multiplicaban a ambos lados del vagón y se retorcían y brincaban, se acercaban a las ventanillas y se volvían a alejar de un brusco respingo, como las tensas gomas de ese juego de niñas al que probablemente había jugado alguna vez en aquel tiempo antiguo del que ya no me acordaba ni me quería acordar.


Rosa Montero, Bella y oscura

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Florian nous propose sa traduction :
J'ai été témoin de ce que je m'apprête à raconter: la trahison de la naine, l'assassinat de Segundo, l'arrivée d'Estrella. Tout cela a eu lieu à l'époque lointaine de mon enfance et je ne sais si, aujoud'hui,  je m'en remémore ou si j'invente: Car en ce temps-là, pour moi, le ciel et la terre ne faisaient toujours qu'un, et tout était possible. L'unvivers venait de se créer, selon les explications que s'était chargée de me donner doña Bárbara: "C'est quand je suis née- m'avait-elle dit- que le monde a commencé." Comme j'étais toute jeune et elle déja très vielle, cela m'avait paru extrement ancien. Pour trouver une introduction à mon récit, je dirai que ma vie a débuté lors d'un voyage en train, la vie de mes souvenirs et que je reconnais, et où tout ce qui précède n'est que succession d'images décousues et troubles, comme estompées par la poussière du chemin, ou peut-être obscurcies par le dernier tunel que la locomotive  a traversé avant d'atteindre sa destination finale. De sorte que pour ma mémoire, je suis née de la noirceur de ce tunel, fille du grondement et des secousses, enfantée par les entrailles de la terre lors d'une froide journée d'avril et dans une gare immense et désolée. Et alors que notre train entrait en cette même gare en sifflant et en grinçant, les voies mortes se multipliaient des deux côtés du wagon, elles se déformaient et bondissaient, elles s'approchaient des fênetres et s'en éloignaient d'un sursaut brutal, tels les élastiques tendus de ce jeu de jeunes filles auquel j'avais probablement joué durant cette époque reculée dont je ne me souvenais plus et dont je ne voulais, d'ailleurs, par me souvenir.

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Danièle nous propose sa traduction :
Ce que je vais vous raconter, j’en fus le témoin : de la trahison de la naine, de l’assassinat du Second et de l’arrivée de l’Etoile. Tout survint à une époque lointaine de mon enfance si bien que maintenant je ne sais pas si c’est un souvenir ou une invention car pour moi alors, le ciel ne s’était pas encore détaché de la terre et tout était possible. L’univers finissait de se créer comme Doña Bárbara se chargeait de me l’expliquer : “ Quand je suis née, le monde commençait”. Comme j’étais petite et elle déjà très vieille, ceci me paraissait remonter très loin.
Pour chercher un commencement à mon récit, je dirai que ma vie, celle dont je me souviens et reconnais, débuta par un voyage en train et que de tout ce qui s’est passé avant, je garde une poignée d’images troubles et sans liens, comme estompées par la poussière du chemin ou peut-être obscurcies par le dernier tunnel traversé par la locomotive avant d’arriver au terminus. De sorte que pour ma mémoire, je suis née de la noirceur de ce train, fille du fracas et du cahot, sortie des entrailles de la terre dans une gare immense et désolée par une froide après-midi d’avril. Et nous entrions dans cette gare en soufflant et en grinçant tandis que les voies désaffectées se multipliaient des deux côtés du wagon, se tordaient et tressautaient, s’approchaient des fenêtres et recommençaient à s’en éloigner d’un brusque bond comme les élastiques tendues de ce jeu de fillettes auquel probablement j’avais quelquefois joué  en ces temps anciens dont je ne me souvenais plus ni ne voulais me souvenir.

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Sonita nous propose sa traduction :


Ce que je vais vous raconter j’en ai été témoin : de la trahison de la naine, du meurtre de Segundo, de l’arrivée de Estrella. Tout cela arriva pendant une lointaine époque de mon enfance et je ne sais plus si je m’en souviens ou si j’invente parce que pour moi à ce moment-là le ciel et la terre ne faisaient toujours qu’un et tout était possible. L’univers venait de se créer, comme me l’avait expliqué doña Bárbara : « À ma naissance » – me dit-elle – « le monde a commencé ». Comme j’étais petite et qu’elle était très vieille cela me sembla une éternité. Afin d’en chercher un quelconque début à mon histoire, je dirai que ma vie a commencé avec un voyage un train. La vie dont je me souviens et que je reconnais. De ce qui s’est passé avant je n’en garde qu’une poignée d’images décousues et floues, comme si elles s’étaient estompées avec la poussière du chemin, ou peut-être avaient été noircies par ce même tunnel que la locomotive traversa avant d’arriver au terminus. De telle sorte que pour ma mémoire je suis née de la noirceur de ce tunnel, fille du fracas et des secousses, venue au monde par les entrailles de la terre en une froide après-midi d’avril, arrivant dans une énorme station désolée. Et ce fut dans cette station que nous entrâmes, en nous ébrouant et en grinçant, tandis que les voies mortes se multipliaient des deux côtés du wagon en se tordant et en faisant des petits sauts, pour s’approcher des vitres et s’en éloignaient à nouveau d’un violent sursaut comme les élastiques tendus de ce jeu de filles auquel j’avais joué une ou deux fois en ce temps ancien.

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