Par Jacqueline
Dans son court essai sur ce qu’on pourrait appeler une rhétorique de l’oreille, Plutarque nous enseigne « qu’il ne faut pas s’exercer à discourir avant d’avoir su tirer les fruits d’une leçon d’écoute. » […] l’audition, elle, est une éternelle source de profit quelle que soit la manière de s’en servir. […] « Quand on écoute quelqu’un qui nous instruit, le premier devoir est de bien entendre ce qu’il dit », souligne Plutarque*.
Et nous, apprentis traducteurs ? Qu’avons-nous entendu au cours des six mois écoulés ? Nous avons bénéficié certes d’un enseignement riche et varié, mais ce que je veux dire c’est : quelles sont les paroles, les phrases, les conseils que nous avons entendus et qui ont modifié notre vision de la traduction, notre perspective de travail, notre conception du métier de traducteur ? Cherchons bien. Chacun de nous a sa petite musique intérieure qui l’a accompagné au long de ce parcours.
Pour moi, à la fois spontanément et à bien y réfléchir, ce furent trois choses :
Une phrase que m’a dite Caroline au colloque d’Arles, alors que je menaçais d’être débordée et que je m’en inquiétais : « Dis-toi bien que c’est (le master) une expérience unique et que tu n’auras plus jamais la chance d’en bénéficier ». Ce fut alors un déclic – « bon sang mais c’est bien sûr », comme disait Raymond le très Souplex – ; de ce jour, même si je n’ai pas fait vraiment moins de choses qu’auparavant, j’ai changé mes priorités et mon regard sur le master Pro.
Ensuite, c’est, et je crois que plusieurs intervenants nous l’ont dit, que le traducteur est un travailleur solitaire ; bien sûr, je le savais, mais j’en ai pris conscience. Solitaire, certes, et j’ai découvert que moi, l’hyperactive, je pouvais passer des heures derrière mon écran à traduire ou à faire des recherches sur Internet, solitaire, oui, mais pas isolé : le contrepoids de nos ateliers a été bénéfique, et quand on traduit, on multiplie les contacts, on pose des questions, voire en harcelant son entourage qui, finalement, se prend au jeu. C’est passionnant et enrichissant.
Le troisième motif musical que je retiendrai restera celui que j’ai trouvé précisément dans ma solitude lors de ma première lecture de El Sexto, une phrase : « La luz del crepúsculo iluminaba los inmensos nichos. Porque la prisión del Sexto es exactamente como la réplica de algún cuartel del viejo cementerio de Lima », qui a probablement été décisive dans le choix de ma traduction longue ; il m’a alors semblé que la traduction pouvait redonner en quelque sorte vie à ces morts-vivants…
Mais là s’arrêtent mes réflexions ferroviaires puisque je rentre en effet à Bordeaux où j’aurai je l’espère le plaisir de vous retrouver demain.
Jacqueline.
*Comment écouter, traduction du grec de Pierre Maréchaux, Éditions Payot et Rivages.
1 commentaire:
Une fois de plus, merci à Jacqueline de nous faire partager "de l'intérieur" l'expérience de son apprentissage. Sans doute est-ce mon côté mère abusive, mais j'aime bien savoir où vous en êtes… de vos réflexions, etc. Je devrais écrire un post sur l'art et la manière de regarder ses apprentis à la loupe… sans les étouffer. Aïe aïe…
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