mardi 10 mars 2009

Version d'entraînement, 41 (Antonio Gala)

En photo : Antonio Gala par ynadamass

Yo misma había llegado a convencerme de que mi matrimonio era perfecto. Las cuestiones que al principio me planteé dejé de planteármelas. No se resolvieron por eso, pero al menos no las tuve a todas horas delante de los ojos. Miraba hacia otro lado, pensando que la vida es tan grande como el inundo, o más grande aún que el mundo. La desgracia -me repetía- proviene, o se agranda, de no estar pendiente más que de una carencia, de una desilusión, de una añoranza. Si un huerto no da lechugas, no hay que dejarlo yermo, sino sembrar otras hortalizas y encontrar en ellas una compensación.
Ramiro estaba considerado como el muchacho más guapo de Huesca. Ahora me parece que eso no es mucho decir; entonces me parecía suficiente. Era el hermano mayor de Adela, una chica de mi edad, fea y desangelada, con la barbilla hundida, la mandíbula superior en pico, unos dientes pequeños y afilados y unas encías pálidas que enseñaba al reírse, lo que no era frecuente por fortuna. Adela había sido compañera de clase mía en el instituto, y no guardaba de ella los mejores recuerdos. Quizá su fealdad la había transformado en resentida, acusica y empollona; a pesar de t odo, nunca sacaba buenas notas. Laura, Felisa y yo éramos las que más la detestábamos: fue esa aversión común lo que desde el primer momento nos unió.
Ramiro había decidido no perder tiempo estudiando una carrera larga. Hizo unos cursos de empresariado mientras trabajaba ya en una sociedad de seguros que acababa de inaugurar una sucursal. Como en todas partes, allí empezó a pisar fuerte también. Lo conocíamos todas y, cuando nos lo cruzábamos en el ir y venir de los Porches de Galicia, antes o después del cine, cogidas las tres amigas del brazo como tres bobas, nos entraba una risa floja y cómplice que a él le hacía sonreír. Era alto y rubio, con los ojos claros.
Oficialmente lo conocimos en la romería al Cerro de San Jorge. Iba vencido abril y hacía un díatan tibio que nos habíamos desabrochado las blusas. Las urracas revoloteaban entre los cipreses y los pinos de la ladera. Se oía, suavizado, el runrún de la ciudad y, desde la cima, se la veía dormida con la catedral al fondo. De cuando en cuando, se escuchaba el estridente grito de los pavones que semejaba descender del alto cielo azul. Laura, Felisa y yo organizábamos la merienda cuando se presentó Adela con Ramiro. Nos lo presentó de mala gana. Laura los invitó a merendar, y aceptaron. Lo primero que dijo fue:
-¿Sabíais que esta ermita fue un heroico baluarte en la defensa de Huesca cuando la guerra?
-Sí -contestó Laura-, está escrito en la puerta; pero para lo que sirvió...
Ya estudiábamos las tres en Zaragoza y empezábamos a tener nuestras propias ideas morales y políticas. Supongo que ninguna de ellas se ha cumplido. Una de las más tenaces era reaccionar frente a los matrimonios antiguos, esa cruz de las mujeres de nuestras familias que se limitaban a acatar al marido, organizar la casa y sobrevivir sin personalidad ninguna. Nosotras tres queríamos ser libres, trabajar en lo nuestro y tener opiniones. Laura y• yo estudiábamos Letras, aunque ella derivaba hacia la Sicología, y Felisa, Farmacia. Sin darnos cuenta, las tres hacíamos compatible nuestro progresismo, que estimábamos muy avanzado, con la esperanza de un príncipe azul...

Antonio Gala, La pasión turca

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Brigitte nous propose sa traduction :

ANTONIO GALA – La pasión turca – Version entraînement 41

J’avais moi-même réussi à me convaincre que mon couple était parfait. J’ai arrêté de me poser les questions que je m’étais posées au début. Les problèmes n’étaient pas réglés pour autant, mais au moins je ne les voyais plus à toute heure du jour. Je regardais ailleurs, en pensant que la vie est aussi vaste que le monde. Le malheur – c’est ce que je me suis répété– vient, ou augmente, quand on s’accroche à une seule et unique chose : manque, désillusion, ou regret. Si un potager ne produit pas de laitue, on ne doit pas le considérer pour autant comme inculte, mais y semer d’autres légumes et y voir là une compensation.
Ramiro était considéré comme le plus beau garçon de Huesca. A présent, il me semble que ça ne veut pas dire grand chose ; à l’époque, ça me paraissait suffisant. C’était le frère ainé d’Adela, une fille de mon âge, laide et sans aucun charme, avec le menton en galoche, la mâchoire supérieure en avant, des dents petites et pointues et des gencives pâles qu’elle montrait quand elle riait, chose rare, fort heureusement. Adela avait été ma camarade de classe au lycée et je ne conservais pas d’elle les meilleurs souvenirs qui soient. C’est peut-être sa laideur qui l’avait rendue aigrie, rapporteuse et bûcheuse ; mais malgré ça, elle n’avait jamais de bonnes notes. Laura, Felisa et moi, nous étions celles qui la détestaient le plus : c’est cette aversion commune qui nous avait d’emblée rapprochées.
Ramiro avait décidé de ne pas perdre son temps en longues études. Il avait donc pris des cours de gestion d’entreprise alors qu’il travaillait déjà dans une agence d’assurances qui venait d’inaugurer une succursale. Comme dans tout, là aussi il commença à cartonner. Nous le connaissions toutes et quand nous le croisions au cours de nos allées et venues sous les arcades des Porches de Galicia, avant et après le ciné, toutes les trois bras-dessus bras-dessous comme des idiotes, nous étions prises d’un rire niais et complice qui le faisait sourire. Il était grand et blond, avec des yeux clairs.
Officiellement, nous avions fait sa connaissance à fête du Cerro de San Jorge. Avril touchait à sa fin et il faisait une journée si douce que nous avions ouvert nos chemisiers. Les pies volaient entre les cyprès et les pins du coteau. On entendait, atténuée, la rumeur de la ville et, du sommet, on la voyait, endormie, avec la cathédrale au fond.
De temps à autre, on entendait le cri strident des paons qui paraissait descendre du haut du ciel bleu. Laura, Felisa et moi, nous étions en train d’organiser le goûter lorsqu’Adela arriva avec Ramiro. Elle nous le présenta à contrecoeur. Laura les invita à goûter et ils acceptèrent. Voilà la première chose qu’il dit :
- Vous saviez que cet ermitage a été un poste de défense héroïque de Huesca pendant la guerre ?
- Oui, répondit Laura -, c’est écrit sur la porte ; mais pour ce que ça a servi…
Nous faisons déjà toutes les trois nos études à Saragosse et nous commencions à avoir nos propres idées morales et politiques. Je suppose qu’aucune d’elles ne s’est vraiment réalisée. L’une des idées qui nous tenait le plus à coeur était de réagir contre les couples traditionnels, ce calvaire pour les femmes de nos familles qui se contentaient d’obéir à leur mari, de tenir leur foyer et de survivre sans aucune personnalité. Nous trois, nous voulions être des femmes libres, travailler dans notre domaine de prédilection et avoir nos propres opinions. Laura et moi, nous étions étudiantes en Lettres bien qu’elle s’orientait davantage vers la Psychologie, et Felisa était en Pharmacie. Inconsciemment, nous croyions notre progressisme - que nous jugions très évolué - compatible avec l’attente d’un prince charmant…

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Odile nous propose sa traduction :

J'étais moi-même arrivée à me persuader que mon couple était parfait. Je ne me posais plus les questions que je m'étais posées au tout début. Elles ne résolurent pas pour autant mais au moins elles ne furent plus présentes à chaque instant dans mon esprit. Je regardais ailleurs, pensant que la vie est aussi vaste que le monde, ou plus grande encore que le monde. Le malheur- me répétais-je- vient ou grandit de n'être préoccupé que d'un manque, d'une désillusion, d'un regret. Si un potager ne donne pas de laitues, il ne faut pas le laisser inculte , mais y semer d'autres légumes et trouver en eux une compensation.
Ramiro était considéré comme le plus beau garçon de Huesca. Maintenant il me semble que cela ne veut pas dire grand-chose; à l'époque, cela me paraissait suffisant. Il était le frère aîné d' Adela, une fille de mon âge, laide et sans charme aucun, qui avait le menton en retrait, la mâchoire supérieure en avant, des dents petites et pointues et des gencives pâles qu'elle découvrait en riant, ce qui par bonheur n'était pas fréquent. Adela avait été une de mes camarades de classe au lycée et je ne gardais pas de bons souvenirs d'elle. Peut-être sa laideur l'avait-elle transformée en fille rancunière, rapporteuse et bûcheuse; malgré tout, elle n'obtenait jamais de bonnes notes. Laura, Felisa et moi étions celles qui la détestaient le plus; ce fut cette aversion commune qui, dès le premier instant, nous avait rapprochées.
Ramiro avait décidé de ne pas perdre de temps à suivre de longues études. Il suivit quelques cours de gestion d'entreprise tout en travaillant déjà dans une société d'assurances qui venait d'inaugurer une agence. Comme dans tout ce qu'il faisait, là aussi il démarra fort. Nous le connaissions toutes et, lorsque nous le croisions au cours de nos allées et venues sous les Porches de Galicia, avant ou après le cinéma, nous tenant bras-dessus bras-dessous, comme trois idiotes, nous étions prises d'un petit rire niais et complice qui le faisait sourire. Il était grand, blond et avait les yeux clairs.
Officiellement, nous fîmes sa connaissance pendant la fête patronale du Cerro de San Jorge. Le mois d'avril s'achevait et il faisait une journée si douce que nous avions déboutonné nos blouses. Les pies tournoyaient parmi les cyprès et les pins du coteau. On entendait, atténuée, la rumeur de la ville qu'on voyait depuis le sommet, assoupie, avec la cathédrale au fond. De temps en temps, on entendait le cri strident des paons qui paraissait descendre du haut ciel bleu. Laura, Felisa et moi organisions le goûter lorsque Adela arriva avec Ramiro. Elle nous le présenta à contrecoeur. Laura les invita à gouter et ils acceptèrent.
La première chose qu'il dit, fut:
- Vous saviez que cet ermitage a été un bastion héroïque de la défense de Huesca pendant la guerre?
- Oui, - répondit Laura- , c'est écrit sur la porte; pour ce que ça a servi....
Nous étions déjà étudiantes à Saragosse et nous commencions à avoir nos propres idées morales et politiques. Je suppose qu'aucune d'elles ne s'est concrétisée. Une des plus tenaces consistait à réagir face aux couples traditionnels, ce calvaire pour les femmes de nos familles, qui les limitaient à servir le mari, à tenir la maison et à survivre sans personnalité aucune. Toutes les trois nous voulions être libres, travailler dans le domaine de notre choix et avoir nos propres opinions. Laura et moi suivions des études en Lettres, bien que Laura dérivât vers la Psychologie, et Felisa suivait des études en Pharmacie. Inconsciemment, toutes les trois, nous faisions cohabiter nos idées progressistes , que nous estimions très modernes, avec l'espoir de rencontrer un prince charmant...

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