jeudi 21 octobre 2010

Exercice d'écriture : « Rose », par Perrine Huet

En photo : Arc en ciel
par CELTICJRB

Chaque soir, sur le trajet de l’école, Fanny racontait sa journée à sa maman. Elle lui expliquait la méthode pour effectuer des soustractions, la règle de l’accord avec le participe passé, la répartition de la France en régions et départements etc… Ainsi, ce jeudi soir d’automne, respectant la tradition, elle fit un résumé détaillé des nouvelles choses qu’elle avait apprises ce jour-là. Entre autres, elle avait étudié les couleurs qui composaient un arc-en-ciel, et avait été surprise de constater que le rose n’en faisait pas partie. Comme toute petite fille qui se respecte, elle adorait le rose par-dessus tout, et trouvait donc honteux qu’il ne soit pas inclus dans les couleurs du spectre lumineux.
« Maman ! Tu t’rends compte ! Ya même pas le rose dans les couleurs de l’arc-en-ciel ! C’est pourtant la plus jolie de toutes les couleurs du monde entier ! », s’offusqua-t-elle. Elle ajouta, indignée : « La maîtresse, avant de nous avoir expliqué ce que c’est qu’un arc-en-ciel, et ben elle nous a demandé d’en dessiner un, et moi évidemment j’ai mis du rose dedans, beaucoup de rose même, ben la maîtresse elle m’a dit qu’il fallait pas mettre de rose, parce que y a un monsieur très intelligent, un jour, qui a dit que les arcs-en-ciel n’avaient que sept couleurs, et que le rose, ben il était pas dedans. Moi j’comprends pas, le rose c’est bien une couleur, puisque c’est MA couleur préférée ! ».
Sa mère resta bouche bée face à tant de conviction et de fermeté de la part de sa propre fille, qu’elle connaissait bien plus effacée.
« As-tu déjà observé attentivement un arc-en-ciel, ma chérie ?, l’interrogea-t-elle.
— Euh…Oui…Je crois…
— Si tu crois, c’est que tu n’en es pas certaine à cent pour cent. La prochaine fois que tu en vois un, fais bien attention à toutes les couleurs que tu vois, et pense bien à ce que la maîtresse t’as dit aujourd’hui. »
Fanny dû patienter plus de deux semaines, espérant chaque jour qu’il pleuve, priant chaque nuit, avant d’aller se coucher, que le ciel daigne lui proposer un de ses plus beaux spectacles visuels. Lorsque l’instant magique arriva, elle se trouvait dans le salon de sa coquette maison, située au pied d’une basse colline, à la lisière d’une pinède. Elle avait entendu le bruit des gouttes de pluie rebondir sur les tuiles du toit, avait dévalé les escaliers depuis sa chambre, et s’était placée sur l’immense fauteuil à côté de la fenêtre, à l’affut du moindre rayon de soleil. Soudain, elle l’avait aperçu, là-haut, surplombant la butte, majestueux : il prenait sa source sur son flanc gauche, allait chatouiller de gros nuages noirs menaçants, pour redescendre se cacher derrière le faîte des plus hauts pins.
Fanny fut subjuguée par ce tableau qui se dévoilait petit à petit sous ses yeux, consciente pour la première fois de sa vie de ce que la nature pouvait offrir à ce monde si vaste. Elle se rappela le discours de la maîtresse, et étudia méticuleusement les couleurs présentes dans l’arc-en-ciel. Elle réalisa alors que ce grand scientifique, qui avait annoncé sept couleurs, s’était totalement trompé ! Il n’y en avait pas sept, mais une infinité ! Certes, elle réussit à distinguer certaines nuances, mais aucune limite n’était physiquement tracée. En outre, elle décela une touche de rose, entre le bleu et le violet, mais si infime, si imprécise, qu’elle ne pouvait prétendre avec certitude que sa couleur favorite comptait parmi le spectre lumineux.
Sa mère l’observait depuis l’encadrement de la porte, impressionnée par la fascination de son enfant pour un phénomène météorologique devenu si anodin pour elle. Elle alla s’installer auprès de Fanny, curieuse de redécouvrir et de partager une impression et un sentiment qu’elle n’avait pas ressentis depuis de nombreuses années.

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