1) Justine Ladaique. Pourriez-vous nous présenter la librairie dans laquelle vous travaillez ?
Léa Daniel. La librairie dans laquelle je travaille actuellement est une librairie généraliste d'environ 120m² répartis sur le rez-de-chaussée et un sous-sol. Au rez-de-chaussée, on trouve la littérature (française et étrangère, poche et grand format), le rayon pratique (cuisine, jardinage, bricolage…), les quelques ouvrages de sciences humaines que nous avons et de pédagogie, ainsi que les ouvrages pour enfants jusqu'à 10ans. Au sous-sol, on retrouve les romans pour adolescents, les bandes dessinées pour enfants et pour adultes, les mangas, les livres en anglais, et les beaux livres classés par thèmes (France, pays du monde, sport, animaux, art, histoire...)
2 ) J. L. Pourriez-vous nous parler de votre parcours ; comment êtes vous devenue libraire ?
L. D. Après mon bac, j'ai fait un iut information communication spécialisation métiers du livre. A cause de soucis personnels, je n'ai pas validé ma première année. Mais cela m'a permis, par le biais d'un stage, de mettre les pieds dans le milieu de la librairie et de trouver du travail. D'abord en tant que saisonnière, le directeur m'a ensuite engagée à mi-temps. Je travaillais donc dans une grande librairie tout en suivant une licence de lettres modernes option métiers du livre.
Pour diverses raisons, j'ai abandonné la fac mais voulant me perfectionner encore, j'ai cherché une solution. J'ai ainsi découvert l'INFL (institut national de formation des libraires) et ses formations professionelles. J'ai passé un brevet professionnel en alternance en deux ans (une semaine en cours, pour trois semaines en librairie).
À ce moment-là, grâce à une équivalence, je suis rentrée en troisième année de licence professionnelle spécialisation librairie que j'ai obtenue en un an en continuant à travailler dans diverses librairies.
Dès le début, je voulais me spécialiser en jeunesse et mon parcours me l'a permis. J'ai voulu continuer et cela s'est fait en faisant un master recherche en littérature jeunesse que j'ai effectué tout en travaillant, ce qui n'est pas franchement évident, et je ne l'ai pas validé à temps pour pouvoir poursuivre cette année mon master 2 (ce que je compte bien faire l'an prochain).
3) J. L. Qui vous propose des livres, et comment ?
L. D. Le choix des livres en librairie se fait de plusieurs manières qui diffèrent selon l'éditeur, le diffuseur et le distributeur. La manière la plus répandue est justement lorsque les éditeurs passent par un distributeur. Celui-ci se charge de faire la "promotion" des livres et de les vendre aux libraires souvent lors d'un rendez-vous où les représentants présentent leur catalogue de nouveautés pour tous les éditeurs qu'ils diffusent. Les représentants connaissent les libraires et proposent les livres et les quantités forts de cette connaissance. Le libraire est cependant le seul à prendre la décision en fonction de ses goûts et de ses clients.
Lorsque les répresentants ne peuvent pas venir pour un rendez-vous, ce qui arrive lors de périodes chargées ou quand ils ont un secteur très grand à couvrir, il arrive que le choix de livres se fasse différement. Ils envoient par la poste, ou déposent, les brochures de présentations des nouveautés. Basé sur celles-ci ainsi que sur le savoir que le libraire a des éditeurs et des auteurs que le choix de livres se fait. C'est une méthode plus qu'arbitraire car il n'y a souvent que peu d'informations sur les brochures fournies par les représentants.
Les petits éditeurs ou les publications à titre d'auteurs ne sont pas diffusés pour la majorité. Ce sont eux qui vont démarcher les libraires par mail, par téléphone ou en se déplaçant directement en magasin. De cette manière, ils présentent leurs publications et le libraire est libre de tenter l'aventure ou non.
Le choix de livre est souvent très subjectif et dicté par les goûts du/des libraires. Bien sûr, les attentes et demandes des clients sont prises en compte mais au final, la proposition des ouvrages mis en avant dans une librairie est arbitraire et liée aux libraires. Un auteur ou un éditeur peuvent ainsi être largement promu juste parce que le libraire a un coup de coeur.
4) J. L. Sur ces propositions, faites-vous des choix ou les acceptez- vous toutes ?
L. D. Comme dit précédemment, le choix est fait. Et il est obligatoire au vu de la quantité d'ouvrages qui sont publiés en un an. Cependant, il est vrai également que l'on ne peut pas refuser certaines propositions, ne serait-ce que pour la renommée d'un auteur ou d'un titre et ce malgré le peu d'appréciation que l'on peut avoir. Pour une petite librairie en particulier, il est difficile de refuser un titre ou un auteur alors que ce sont ces ventes- là qui permettent de soutenir l'assortiment plus pointu que l'on peut proposer à côté à sa clientèle.
5) J. L. Lisez-vous tous les ouvrages que vous proposez ? Sinon, comment les connaître ?
L. D. Il est impossible de lire tous les livres que l'on a en magasin et même ceux que l'on conseille, on ne les a pas toujours lu. Mais c'est là que joue le travail d'équipe. Dans ma librairie par exemple, nous nous répartissons les rayons et les livres pour en lire le plus possible de manière à avoir un éventail de propositions lues le plus grand possible. Une fois nos lectures effectuées, nous en discutons ensemble de façon à pouvoir en parler avec assurance mais toujours en restant honnête : "c'est ma collègue qui a lu cet ouvrage mais elle l'a trouvé..." Cette sincérité est importante et évite que l'on soit embêté face à un client mais permet de conseiller plus d'ouvrages.
Ensuite, il existe un certain nombre d'outils à disposition des libraires pour connaître les ouvrages que nous ne pouvons pas lire. Tout d'abord, nous utilisons la matériel fourni par les éditeurs et diffuseurs, brochures et/ou quatrième de couverture. Il y a ensuite les différents magazines, émissions littéraires et sites de critiques et de diffusion du livre, comme Electre, Livres hebdo ou Lire. Et bien sûr, discuter encore et toujours avec tout le monde, nos clients, nos collègues d'autres librairies, nos représentants, nos amis…
6) J. L. Si vous êtes amenée à conseiller quelqu'un, quelle sera votre démarche ?
L. D. Tout d'abord, il faut cibler le destinataire de l'ouvrage : est-ce la personne que l'on conseille ou est-ce pour offrir. Dans le second cas, il faut ensuite obtenir des informations sur le destinataire du cadeau : enfant ou adulte, jeune ou non, fille ou garçon. Ensuite, il faut fixer avec la personne le budget.
La seconde étape est de définir les goûts de la personne pour qui est le livre en se basant sur des auteurs et/ou des titres lus précédemment.
À partir de là, on fait des propositions d'ouvrages qui correspondent à tous les critères définis précedemment. Il en faut deux ou trois de manière à ce que le client puisse choisir dans une sélection le livre qui lui plaira le plus. Et après, les mécanismes de vente se mettent en place., La connaissance de ces clients est très importante ceci dit et peut changer la démarche. En effet, un client "connu" aura droit à une proposition plus directe et parfois même en décalage avec ses goûts car on cherche à lui faire découvrir un coup de coeur personnel, un nouvel auteur, de nouveaux horizons de lectures ou pour de nombreuses autres raisons.
7) J. L. Quelle place y occupe la littérature étrangère ? Et Plus particulièrement celle du monde hispanophone ?
L. D. La littérature étrangère, hispanique ou autre, n'a pas de place privilégiée dans notre librairie. Étant une petite structure, nous n'avons pas la place ni la clientèle de lui accorder une mise en avant particulière. Elle est ainsi mêlée à la littérature francophone, et ce que ce soit en poche ou en grand format. Peu de nos clients cherchent de manière spécifique des ouvrages étrangers. Le seul bémol que je pourrai poser est vis à vis de la littérature anglaise. Dans la ville où est implantée ma librairie, il y a un grand nombre de personnes anglaises qui vivent et qui sont donc parfois en demande de livres dans leur langue natale, ce qui explique que nous ayons un petit rayon de livres en anglais. Outre ce petit public, la littérature étrangère n'est pas traitée différement du reste des ouvrages.
8) J. L. Vous êtes en rapport avec des éditeurs. qu'en est-il des auteurs ? Des traducteurs ?
L. D. Les rapports avec les auteurs sont souvent liés à des dédicaces ou événements organisés dans la librairie ou lors de salon du livre. Ils sont cependant assez rares selon les librairies. Les relations avec les traducteurs sont, quant à elles, quasiment inexistantes et très ponctuelles. Je dois avouer qu'à ce jour, je n'ai eu qu'une seule fois l'occasion d'être en contact avec un traducteur et ce dans un contexte assez particulier. En effet, ce traducteur est également un auteur et il a tenu, lors de la dédicace de l'un de ses ouvrages à présenter un livre qu'il avait traduit et qu'il avait particulièrement aimé. Il nous a donc demandé de pouvoir mettre en avant ce côté- là de son travail en plus de son travail d'auteur.
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