« Dis-le ! Mais dis-le ! »
Dis-le ! Mais, dis-le ! Cette phrase tournait dans ma tête depuis maintenant plusieurs jours, comme une rengaine assassine. Oui mais voilà, à chaque fois, c’était pareil, j’avais des choses à dire, mais ma timidité retenait les mots prisonniers dans ma gorge. Et là, j’avais toujours l’impression que les gens pensaient savoir ce que je ressentais et qu’avec leurs regards, ils m’encourageaient ou m’exhortaient selon les cas à vider mon sac même si au fond, ils ignoraient ce que j’endurais De toute façon, rien ne sortait et la chape de plomb au creux de mon estomac était de plus en plus lourde.
Dans ces moments-là, je sortais faire une balade avec mon chien pour m’aérer l’esprit, me ressourcer dans la nature. À mon retour, je me préparais une tasse de thé, prenais une feuille et un crayon et m’asseyais à mon bureau pour coucher sur le papier tout ce que j’avais sur le cœur, sauf que là encore, tout restait coincé en moi. La page n’était plus tout à fait blanche, j’y avais laissé quelques esquisses grossières, tandis que je réfléchissais à la manière de formuler mes idées, de tourner mes phrases. J’écrivais à peine deux lignes que, déjà, j’étais insatisfait, je raturais, modifiais, biffais de nouveau, avant de chiffonner le papier de rage et de jeter la boule par terre.
Je reprenais alors une nouvelle feuille, attendait l’inspiration en suçant le bout de mon stylo ou en le faisant tourner habilement entre mes doigts. Mais là non plus, rien ne venait. J’observais ce crayon sous tous les angles. J’avais cru qu’il serait une arme contre ma réserve, un allié de choix ; je comptais bien le lui faire comprendre. Je le fixais soudain droit dans la pointe et, comme s’il pouvait m’entendre, je lui lançais dis-le ! Mais dis-le ! Croyez-moi ou non, il s’est mis à danser sur la feuille…où il a inscrit le message suivant : Quoi ? Que tu fais un mauvais écrivain ? Impossible, cela me priverait du plaisir de caresser le papier.
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