Como decía, me llamo Juan Pablo Castel. Podrán preguntarse qué me mueve a escribir la historia de mi crimen (no sé si ya dije que voy a relatar mi crimen) y, sobre todo, a buscar un editor. Conozco bastante bien el alma humana para prever que pensarán en la vanidad. Piensen lo que quieran: me importa un bledo; hace rato que me importan un bledo la opinión y la justicia de los hombres. Supongan, pues, que publico esta historia por vanidad. Al fin de cuentas estoy hecho de carne, huesos, pelo y uñas como cualquier otro hombre y me parecería muy injusto que exigiesen de mí, precisamente de mí, cualidades especiales; uno se cree a veces un superhombre, hasta que advierte que también es mezquino, sucio y pérfido. De la vanidad no digo nada: creo que nadie está desprovisto de este notable motor del Progreso Humano. Me hacen reír esos señores que salen con la modestia de Einstein o gente por el estilo; respuesta: es fácil ser modesto cuando se es célebre; quiero decir parecer modesto. Aun cuando se imagina que no existe en absoluto, se la descubre de pronto en su forma más sutil: la vanidad de la modestia. ¡Cuántas veces tropezamos con esa clase de individuos! Hasta un hombre, real o simbólico, como Cristo, pronunció palabras sugeridas por la vanidad o al menos por la soberbia. ¿Qué decir de León Bloy, que se defendía de la acusación de soberbia argumentando que se había pasado la vida sirviendo a individuos que no le llegaban a las rodillas?
Ernesto Sábato, El túnel
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Maxime nous propose sa traduction :
Comme je le disais, je m’appelle Juan Pablo Castel. Vous pourrez vous demander ce qui m’a motivé à écrire l’histoire de mon crime (je ne sais pas si je vous ai déjà dit que je vais relater mon crime), et surtout, à chercher un éditeur. Je connais assez bien l’âme humaine pour savoir que vous songerez à l’amour propre. Vous pensez ce que vous voulez : ça ne me fait ni chaud ni froid ; cela fait un moment que je me fous de l’opinion et de la justice des hommes. Vous supposez, donc, que je publie cette histoire par vanité. En fin de compte, je suis fait de chair, d’os, avec des cheveux et des ongles comme n’importe quel autre homme et ça me paraitrait vraiment injuste que vous exigeassiez de moi, précisément de moi, des qualités spéciales ; parfois, l’un se croit superhomme jusqu’à ce que l’on observe qu’il est aussi: mesquin, malhonnête et perfide. Pour ce qui est de la vanité, je ne dis rien : je crois que personne n’est dépourvu de ce moteur notable du Progrès Humain. Ils me font bien rire ces messieurs qui flirtent avec la modestie d’Einstein ou qui sortent avec des gens pour le style ; ma réponse : il est facile d’être modeste quand on est célèbre ; je veux dire paraître modeste. Même si on imagine qu’elle n’existe pas en absolu, on la découvre très vite mais de manière plus subtile : l’orgueil de la modestie. Combien de fois rencontre-t-on ce genre d’individus ? Jusqu’à ce qu’un homme, réel ou symbolique, comme le Christ, ait prononcé des mots suggérés par la vanité ou au moins par la superbe. Que dire de Léon Bloy qui se défendait de l’accusation de l’orgueil, argumentant qu’il avait passé sa vie à servir des gens qui ne lui arrivaient pas à la cheville ?
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