samedi 9 février 2013

Entretien avec les Éditions Rageot – par Manon Tressol

Je tiens à remercier Claire Billaud, assistante d’édition en charge des traductions chez Rageot, qui m’a accordé du temps pour cette interview, ainsi que Claire Moussel, assistante administrative et juridique, qui a également apporté son aide dans la réalisation de cette interview.

1) Manon Tressol : Pouvez-vous nous présenter l’histoire de votre maison d’édition ?
Éditions Rageot : C’est en 1941, à l’initiative de Tatiana et Georges Rageot, que les éditions de l’Amitié-G. T. voient le jour et lancent la collection « Les heures joyeuses ».
En 1956, Tatiana Rageot (Georges Rageot est décédé en 1950) s’associe avec la Librairie Hatier. Cette collaboration avec les éditions Hatier est marquée par la création de « La Bibliothèque de l’Amitié ». Près de deux cents titres seront publiés dans cette collection jusqu’en 1989.
« La Bibliothèque de l’Amitié » a captivé des générations de jeunes lecteurs et abrite les titres phares et les auteurs du catalogue des « heures joyeuses », mais elle s’attache aussi à publier des livres plus ancrés dans les faits de société et à être un vivier d’auteurs inédits.
En 1989, la collection « Cascade » remplace « La Bibliothèque de l’Amitié ».
En 2002, Rageot reçoit le manuscrit d’un auteur quasi inconnu, Pierre Bottero. C’est le début d’une belle aventure avec la publication d’une première trilogie d’heroic fantasy : La Quête d’Ewilan,  bientôt suivie par d’autres trilogies. Le succès est au rendez-vous.
Parallèlement, d’autres grands formats voient le jour. À partir de 2004, Cascade disparaît progressivement et laisse sa place à Heure noire, une collection de romans policiers, Rageot Poche,  qui abrite séries et héros récurrents,  et Rageot Romans,  une collection pour les lecteurs de 8 à 13 ans.
En 2011, l’offre éditoriale s’élargit avec la création d’une collection dédiée aux romans graphiques : Rageot Graphic.
Puis, en 2012, c’est une offre nouvelle de romans inédits : le thriller avec la collection Rageot Thriller.
Aujourd’hui, dans un catalogue de plus de 300 titres se côtoient des romans majoritairement français et contemporains pour tous les âges.

2) M. T. : Combien de livres publiez-vous par an ?
Éditions Rageot : Nous publions environ 60 nouveautés par an.

3) M.T. : Quelle place accordez-vous aux livres étrangers ?
Claire Billaud : La part de notre catalogue accordée aux livres étrangers est d’environ 10 %, ce qui est assez peu, car notre maison d’édition s’attache essentiellement à découvrir des auteurs français.
Nous publions exclusivement des romans pour les 6-15 ans.
La part la plus importante de nos traductions est constituée d’ouvrages anglo-saxons. Ces projets nous viennent d’Australie, du Canada, des États-Unis, etc. mais nous recevons aussi des romans en langue italienne, espagnole, allemande, scandinave… 

4) M. T. : Quelle importance pensez-vous que cette littérature étrangère a pour votre jeune public ? 
C. B. : Je vais dire quelque chose qui peut sembler un cliché, mais je pense que cela lui permet d’avoir une ouverture sur d’autres cultures que la sienne. Par exemple,  nous publions actuellement une série, Clémentine (de Sara Pennypacker et Marla Frazee), qui se déroule aux États-Unis, dans la ville de Boston. L’histoire est celle d’une petite fille de 8 ans. On est plongés dans son quotidien à l’école, avec ses amis,  sa famille… Cette série permet au lecteur de découvrir certains aspects et habitudes d’une culture étrangère - ici, la culture américaine.
Lire des ouvrages étrangers peut aussi permettre aux jeunes lecteurs français de découvrir une autre forme de narration, une autre façon de raconter les histoires ou d’aborder certains thèmes. Même si les mots sont en français puisqu’ils sont traduits, le récit a été créé par quelqu’un qui possède une culture narrative différente, à laquelle les jeunes Français ne sont pas forcément habitués.

5) M. T. : Quelles sont vos relations avec les traducteurs ? Comment les qualifieriez-vous ? Avez-vous vos traducteurs attitrés ?
C. B. : Comme je vous l’ai dit, notre part de traduction est assez mince, et il s’agit essentiellement de traductions de l’anglais. Le volume étant réduit, nous confions généralement tous nos travaux de l’anglais – à quelques exceptions près – à la même traductrice, mais elle ne travaille pas uniquement pour nous ! Elle n’est donc pas notre traductrice « attitrée », mais nous lui sommes « fidèles », entre autres parce qu’elle connaît bien nos exigences éditoriales étant donné qu’elle traduit pour Rageot depuis les années 1990.
En général,  lorsqu’elle m’envoie sa traduction, je fais une première lecture en notant des propositions de corrections, puis je l’appelle et nous en discutons. Cela se passe très bien, nous avons de bons échanges.

6) M. T. : Qu’est-ce qui prime dans vos choix de publier un livre, parmi les nombreux manuscrits envoyés ?
C. B. : Nous publions uniquement des romans, et pour la littérature française comme étrangère, les critères sont les mêmes : il faut que le texte nous plaise, que l’écriture soit agréable, le style exigeant, que l’histoire nous embarque,  et surtout que nos jeunes lecteurs puissent facilement s’identifier aux personnages,  que ces derniers soient bien campés, attachants. Pour les livres étrangers, lorsqu’il y a une immersion dans une autre culture, c’est également un petit plus, mais cela ne constitue pas le critère essentiel.

7) M. T. : Quel est le travail de relecture et de réécriture effectué sur les traductions ?
C. B. : Il y a beaucoup de remaniements, non pas pour changer le sens du texte, mais plutôt pour assurer la qualité du rendu en français : on traque les répétitions, on veut éviter à tout prix les lourdeurs. Il faut qu’on ait l’impression que le texte a été écrit directement en français. On effectue plusieurs relectures, et on demande parfois à l’éditeur étranger l’autorisation de changer les noms de certains personnages : leurs noms étrangers sont parfois difficiles à prononcer pour un jeune lectorat (nous y faisons particulièrement attention dans nos romans de premières lectures, dès 6 ans) ou leurs noms forment des jeux de mots que l’on souhaite rendre en français. Parfois, ce sont les traducteurs qui proposent spontanément ces changements, parfois c’est nous, au moment des relectures.
Par ailleurs, pour les romans qui s’adressent aux jeunes lecteurs, on ajoute quelquefois des précisions dans le texte pour éviter au maximum les notes de bas de page,  qui rendent la lecture fastidieuse.

8) M. T. : Comment vous parviennent les projets étrangers ?
C. B. : Cela dépend. Je suis en rapport avec différents éditeurs étrangers qui ont parfois leur propre département de droits étrangers, en charge de vendre les ouvrages à d’autres pays. Ce sont donc parfois eux qui nous contactent, à moins qu’ils ne passent par un agent. D’autres fois, c’est nous qui les sollicitons parce que nous avons repéré dans leur catalogue tel ou tel roman susceptible de nous intéresser.
On essaye également de suivre l’actualité de ce qui est publié, par exemple en s’abonnant aux newsletters des éditeurs étrangers ou de leurs agents.
La plupart du temps, nous choisissons les projets puis nous les proposons à un traducteur. Le cas inverse (livre étranger choisi suite à la proposition d’un traducteur) ne s’est pas présenté chez nous depuis mon arrivée en 2009, mais c’est une possibilité que nous n’excluons pas.

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