« Dis-le ! Mais dis-le ! »
Le début de l’acte trois. Mais qu’est-ce que je fous là, ça fait bien trop longtemps. Le début de l’acte trois… Je ne sais même plus de quoi il parle. Il y a quelque chose comme… Ils parlent de l’époque où ils étaient étudiants, où ils se sont aimés. Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien se dire ? Pourquoi on m’a appelée, moi ? Je l’ai jouée il y a bien trop longtemps, pourquoi j’ai dit oui ? Je n’ai pas appris le texte, je ne l’ai pas relu. Qui a un texte ? S’il vous plaît, qui peut me prêter son texte ? Je ne sais plus ce que je dois dire, je ne connais plus mon texte ! Comment ça, vous ne pouvez pas me le passer parce que vous le relisez ? Mais je vais sur scène dans deux minutes et je ne sais rien ! Dites-moi les premiers mots, la suite va me revenir… Déconnez pas, j’ai plus rien dans la tête. Allez, dites-moi ! Le début de l’acte trois ! Dites-moi la première réplique ! Les gens recommencent à entrer, dépêchez-vous ! Bon, plus le temps, je vais en coulisses. Faites chier.
Allez, concentre-toi, tu vas retrouver ce qu’elle dit, tu vas y arriver. Comment ça, on joue Scapin ? Mais j’ai la robe de Platonov ! Mais qu’est-ce que je fous là, ça fait bien trop longtemps. Non, si on jouait Scapin, j’arriverais à cour, pas à jardin. C’est Platonov, c’est sûr. Merde, il entre en scène. Plus le choix, je dois y aller aussi. Allez, dis quelque chose, n’importe quoi sur l’amour, y’en a plein les pièces de théâtre ! Dis-le ! Mais, dis-le ! Et ce projecteur qui me tétanise encore plus. Et toi, là, tu peux pas m’aider ? Lance-moi une réplique, improvise, dis n’importe quoi, mais dis-le, tu vois bien que j’ai l’air d’une huître endormie ! Je veux crier ! Mais pourquoi je ne peux pas ? Pourquoi suis-je muette ?
05h55. Sueur. Encore ce foutu cauchemar. Putain de théâtre. Ah non, c’est vrai, on dit comédienne.
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